mercredi 28 novembre 2007

Bayrou à Marseille : un début d'éclaircissement

Discours de François Bayrou à Marseille le 26 novembre 2007
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Merci à Jacques ROCCA-SERRA et à Jean-Luc BENNHAMIAS.
Merci à Miloud BOUALEM, qui est à cette tribune.
Merci à Isabelle MAGNE, et à François-Xavier de PERETTI, qui nous ont rejoints.
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Merci surtout à vous d'être là, et d'avoir pris sur votre soirée, dans des conditions de circulation qui ne sont pas idéales, un lundi soir, pour venir faire le point sur les échéances, les rendez-vous que nous avons.
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Je suis très heureux de vous retrouver.
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Comme vous le savez, nous avons rendez-vous très important ce week-end, avec un congrès, sur trois jours. Le premier jour, les adhérents de l'UDF vont dire leurs liens avec le Mouvement Démocrate qui va se créer. Ils en sont les fondateurs. Le deuxième jour et le troisième jour, ce sera le Mouvement Démocrate lui-même qui, dans son ampleur, tiendra son congrès. Il y a déjà plus de 3000 inscrits payants. Parce que nous ne sommes pas riches, il y a la prise en charge, par chacun des participants au congrès, d’une petite part de ce que ce congrès va nous coûter. C'est donc dire qu'il y a un réseau militant très important qui s'exprime.
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C'est un moment rare que celui de la transformation d'une famille politique. Je dis de la transformation, et cette transformation, cette mutation, cette manière d'aborder l'avenir, ce n'est pas autre chose que la vie. Si, en 1971, la SFIO avait voulu rester la SFIO, le Parti Socialiste n'aurait jamais vu le jour, il n'aurait pas connu ses 30 glorieuses. Ce parti est aujourd'hui en crise et souffre d’épuisement. Et si l’UNR ne s'était pas transformée en UDR, et puis après en RPR, et pour finir en UMP, probablement aurait-il eu moins de force et moins d'impact. Et l'on peut en dire autant, à l'intérieur de la famille centriste, à laquelle un certain nombre d'entre nous appartient. Parce que nous avons connu, le Centre des Démocrates, qui s'est transformé en CDS, qui s'est transformé en Force Démocrate, qui s'est enfin transformé en UDF. Alors, quand je rencontre, quelques fois, des intégristes de l'UDF, j'ai envie de leur rappeler cette longue histoire. Parce que ce sont à peu près les mêmes qui ne voulaient pas que Force Démocrate se transforme, à l'intérieur de l'UDF. Les mouvements politiques c'est comme les êtres humains : ils ont des périodes, ils ont des moments, ils bougent, ils changent. Et, un homme et un adolescent, ce n'est pas tout à fait la même chose. Et nous allons entrer, ce week-end, dans une nouvelle période. Pour ma part, je ferai l'éloge du changement. On a besoin de montrer, quand c'est la vérité, une identité nouvelle. Si c'était pour garder les mêmes réflexes, les mêmes habitudes, les mêmes manières d'être, qui étaient celles que nous connaissions les années précédentes, cela ne vaudrait pas la peine de changer d'identité. Mais, quand c'est la vérité, il faut assumer son identité nouvelle.
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Qu'est-ce qui change, entre l'UDF et le Mouvement Démocrate ? Au fond, c'est une question très simple. Ce qui change, et vous le savez bien, c'est que, bon gré mal gré, par volonté ou par résignation, l'UDF et ses dirigeants s'étaient habitués à ne regarder que d'un seul côté. Ils s'étaient habitués, peu à peu, à devenir des décalques, ou des nuances, du parti principal, qui est l'UMP aujourd'hui. Je me suis, vous m'en serez les témoins, ceux qui étaient alors mes compagnons de combat, toujours battu contre cette fatalité. Et pendant très longtemps, il y avait des gens qui m'ont dit : « Tu sais bien qu'il n'y a pas l'électorat pour faire cela, et que donc, il faut que l'on aille chercher les prébendes, ou les avantages, ou les postes de responsabilité secondaires, à l'intérieur d'une alliance qui nous protégerait, sous le parapluie tenu par l'UMP aujourd'hui, et qui l’était, hier, par le RPR ». Moi, j'ai toujours pensé que l'électorat existait. Mais aujourd'hui ce n'est plus un espoir, ce n'est plus une conviction, ce n'est plus une hypothèse, c'est une réalité. À l'élection présidentielle, on a vu, que près de 20 % des Français se reconnaissaient dans cette démarche politique là. Et ce n'est pas tout à fait rien, y compris humainement, pour un homme, quand il voit se porter, sur l'espoir qu'il propose, près de 7 millions de ses compatriotes, près de 20 % de ceux qui vont aller voter. Une personne sur cinq qui passe dans la rue, a choisi cet espoir-là. C'est un énorme capital. Et c'est à ce capital-là, qu'il nous appartient désormais d'être fidèle. En ce sens qu'il nous faut être à la hauteur de l'espérance qui était la sienne.
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Alors, bien entendu, ça été plus compliqué par la suite, parce qu'il y a eu les législatives, et que législatives, aussitôt après une élection présidentielle, c'est un rouleau compresseur qui vous écrase. Qui écrase tout, sauf le principal parti de l'opposition. Il y a, depuis, une bipolarisation, qui d'ailleurs, ne durera pas. Parce que je prends le pari qu'un jour ou l'autre, et plutôt tôt que tard, on aura un embryon de représentation proportionnelle, pour que les grands courants du pays soient représentés à l'Assemblée nationale. Je ne sais pas si vous avez vu, dans un sondage paru il y a deux ou trois semaines, dans le Journal du Dimanche, et qui demandait : « Quel serait votre vote, s'il y avait une élection présidentielle aujourd'hui ? » Et le sondage dit que Nicolas SARKOZY, bien sûr, en raison de ses fonctions et de sa présence sur la scène médiatique, gagnait un peu, à 34 %, Ségolène Royal descendait, elle, à 22 %, et que nous, nous étions à 17 %. Ce ne sont pas ici les intentions de vote qui m'intéressent, mais plutôt le rapport politique que cela suppose. Parce que je me disais, 34 % pour Nicolas SARKOZY, et ils ont 360 députés, 22 % Ségolène ROYAL, ils ont 200 députés, et 17 % pour nous, et nous avons un nombre de députés qui se compte sur les doigts d'une seule main. Eh bien, ce n'est pas juste ! Pardonnez-moi de le dire, je ne suis pas là pour demander un atout, une prime, un intéressement, mais je ne défends rien d'autre que la justice. Ces Français là et ils ont le droit d'être représentés dans nos institutions. C'est un droit qui ne devrait pas leur être discuté ! Je veux vous rappeler ceci : « Sur 27 pays d'Europe occidentale, 26 sont à la proportionnelle intégrale ». Et cela n'empêche pas l'Allemagne d'être gouvernée, l'Espagne d'être gouvernée, l'Italie d'avoir une majorité, même si Berlusconi, par malignité, comme poison, a imposé une proportionnelle intégrale, sans même le seuil des 5 %. Vous pouvez donc avoir des sénateurs, même si vous avez eu 0,8 % ou 3 % des voix. Ce qui, naturellement, n’est pas acceptable ! Nous, nous voulons une seule chose, c'est la même règle que dans toute l'Europe, c'est : « La représentation de tous les courants politiques, dès l'instant qu'ils atteignent 5 % des voix ». Ce n’est pas difficile. C’est de la démocratie élémentaire, parce que l'on est tous citoyen ! Je regrette d’avoir à le dire, notre qualité de citoyen ne se délègue pas qu’à l'UMP ou qu’au PS, et c'est ce en quoi nous sommes en désaccord avec eux. Et ce que nous allons dire ce week-end, et qui est encore plus important, c'est ceci : « Si nous sommes une force politique autonome, c'est parce que nous avons un projet de société différent ».
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Et depuis l'élection présidentielle, on voit encore mieux encore que l'on ne le voyait avant, le projet de société que Nicolas SARKOZY défend, et il en a bien le droit, on l'a très bien vu, lors de son voyage aux États-Unis, et dans les discours qu'il y a prononcés là-bas. Il y a aujourd'hui, dans le monde, un modèle de société qui écrase tous les autres. C'est le modèle que Bush et ses amis ont défendu depuis longtemps. C'est un modèle profondément fondé sur les inégalités, et des inégalités qui augmentent, au lieu de décroître. C'est un modèle qui est naturellement et principalement fondé sur la réussite matérielle et financière. Ceci n'est pas le modèle français, ce n'est pas le modèle républicain, et je ne me résoudrai pas, et vous non plus je l'espère, à voir ce modèle l'emporter. Permettez-moi de vous rappeler ceci : cette semaine, dans la même semaine, deux décisions ont été prises, d'un côté, dans la nuit de vendredi à samedi, en catimini, sans qu'on ne le dise, une suppression d'impôt sur les opérations boursières. Personne n’en a parlé ! Et, deux jours après, on a décidé que 750 000 foyers de personnes âgées allaient devoir acquitter la redevance télévisuelle, qu'ils n'acquittaient pas. Eh bien, cela dit quelque chose sur les valeurs de sociétés qui sont les nôtres, ou alors nous ne voyons pas le même monde : « Les franchises médicales pour les uns, le paquet fiscal pour les autres ». Des franchises médicales portées par des affirmations qui sont, entre nous, extrêmement discutables. On présente les choses comme si les franchises médicales étaient faites pour financer la recherche sur Alzheimer, le cancer, et la fin de vie. Ce n'est pas vrai, je crois qu'elles sont faites pour faire baisser la consommation médicale, et donc améliorer l'ardoise de la Sécu. Si cela était vrai, cela serait inacceptable, parce que ce serait aux malades à qui l'on demanderait de financer la recherche sur la « maladie », et pas à la solidarité nationale. Ceci n'est pas l'idée que nous nous faisons du projet de société qui est le nôtre, voilà, tout simplement.
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De l'autre côté, le Parti Socialiste, est pris dans le perpétuel marasme qui est le sien, et je ne donne pas de leçons, je sais combien il est difficile de conduire une formation politique. Il est pris dans un marasme profond, il n'a pas de ligne politique défendable, parce que, chaque fois qu'il se passe quelque chose, il se tourne vers l'État. J'avais été extrêmement frappé, vous aussi peut-être, dans le débat entre Ségolène ROYAL et Nicolas SARKOZY, quand Ségolène ROYAL a dit : « Si je suis élue, à partir de demain, on va recruter des policiers pour raccompagner les policières chez elle, si le soir tombe ». Je ne l'ai pas rêvé, n'est-ce pas ? Au-delà du caractère anecdotique, marrant, rigolo, ou en tout cas bizarre de cette affirmation, qu’y avait-il ? Il y avait l'idée, que tous les problèmes se résoudraient par un appel supplémentaire à l'État. Eh bien, nous savons, nous tous, que l'État ne peut plus résoudre ces problèmes-là, parce qu'il est, comme tu l'as dit Jacques, totalement endetté. Jean-Luc le disait aussi à propos de la ville de Marseille, et il est terrible que l'on ait oublié cette affirmation. De même, je suis de ceux, et Balladur l'a dit hier, qui ne pensent pas que l'État va apporter du pouvoir d'achat aux Français. Vous rendez-vous compte des sommes que cela signifie ? Vous rendez-vous compte des promesses fallacieuses que cela représente ? Vous vous souvenez, de ce que disait Nicolas SARKOZY : « Je serai le président du pouvoir d'achat ! » 65 % des Français considèrent que leur pouvoir d'achat a baissé, dans les 12 derniers mois, et sans doute est-ce vrai pour un très grand nombre d'entre eux. Le pouvoir d'achat ce n'est pas l'État qui le décrète ! L'État peut faire en sorte que l'entreprise, la création se porte mieux, et donc que le pouvoir d'achat monte, que la croissance soit libérée. Penser que l'État va garantir le pouvoir d'achat, dire cela à des gens, ce sont des sornettes ! Ce sont des blagues ! Et c'est pire encore s'ils y croient, parce qu'il y aura derrière cela des désillusions terribles ! C'est ce nouveau projet de société que nous allons écrire. Dans lequel nous défendrons des valeurs qui ne seront pas uniquement matérielles. Dans lequel l'éducation sera reconnue comme la première des conditions à l'égalité, et Dieu sait que ce n'est pas le cas aujourd'hui. Un projet de société dans lequel l'État ne sera pas tout seul. Il y aura d'autres acteurs à la solidarité nationale. Dans lequel le citoyen sera respecté, on devra lui dire la vérité. Il ne sera pas seulement qu'une cible de communication. Et dans lequel, la France avec sa tradition historique, et l'Europe, auront leur indépendance, et ne seront pas dans une posture de simple ralliement aux positions de l'administration américaine. Nous parlerons de tout cela ce week-end, c'est l'essentiel , c’est le projet de société que l'on va défendre.
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Alors, il y a les élections municipales, et les élections municipales à Marseille, puisque c'est à Marseille que nous sommes. Les choses ont été dites et je l'ai redit à mon tour : « On a besoin de tous ceux qui se trouvent à cette tribune ! » Les aixois ont François-Xavier de PERETTI, et c'est une très bonne chose. Mais à Marseille, on a besoin de tous ce qui se trouve à cette tribune ! Je leur ai dit ceci : « Chacun porte une sensibilité différente ! ». Jacques ROCCA-SERRA, c'est une sensibilité que nous connaissons bien, il a été l'un des piliers, pilier actif et principal de cette famille politique pendant des années, et il a occupé des responsabilités très importantes. On a besoin de lui ! Jean-Luc BENHAMIAS est d'une sensibilité différente. Il vient d'une sensibilité écologique, et possède une grande expérience européenne. Il a une sensibilité particulière aux problèmes d'environnement et de développement durable, et pas seulement à ceux-là, aux Sport aussi, ainsi qu'à d'autres choses. On a donc aussi besoin de lui ! Et Miloud BOUALEM a, il l'a montré, une implantation, un enracinement, une sensibilité, dans des quartiers de Marseille, où il a beaucoup travaillé. Eh bien nous avons besoin des trois ! Nous avons besoin des femmes qui sont là, et des hommes qui sont là ! Et nous allons les faire travailler ensemble. Nous nous sommes dits une chose simple : « Nous allons prendre deux semaines, pour essayer de trouver la meilleure configuration ». Et, au bout de ses deux semaines, et si c'est 18 jours au lieu de 14, cela restera encore dans le gabarit des deux semaines, j'espère que l'on aura tranché la question, et on la soumettra aux adhérents, parce que j'estime qu'il est légitime que les adhérents puissent s'exprimer.
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Voilà l'engagement que je suis venu prendre avec vous.
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L'engagement principal c'est que l'on va travailler ensemble, et que l'on va trouver la meilleure formule possible. Je veux vous dire ceci : « Dans les enquêtes que nous avons faites, notre potentiel de voix est très important ». Beaucoup plus que d'autres ne le croient, ou ne veulent le faire croire. Ça dépend donc de nous, que nous soyons capables de trouver une équipe, des visages, des personnalités qui réussissent à accrocher ce potentiel de voix. Mon dernier mot sera celui-ci : « Non seulement nous avons un potentiel de voix très important, mais ce potentiel de voix, il est clé, pour le résultat de cette élection ! » Parce que le résultat de cette élection, contrairement à d'autres fois, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'est pas acquis d'avance. Alors j'espère que les choix que nous allons faire iront dans le sens du meilleur avenir possible pour Marseille. En tout cas c'est ce que je suis venu dire devant vous. Cela doit faire ma cinquième ou sixième visite à Marseille, depuis 12 mois. Dans ces 12 derniers mois, comme Jean-Luc le disait, nous sommes partis, le 9 janvier, d’un sondage pour l'élection présidentielle, qui me mettait à 6 %. C'était le premier sondage de l'année, et l’on a fini à près de 20 %. Je souhaite que le même cheminement, la même éclosion. Comme les sondages de départ nous mettent nettement au-dessus de cela, j'espère que nous irons encore plus haut, que nous ferons notre travail, pour faire naître, à Marseille, une identité, une sensibilité et des équipes, et, je l'espère, des élus qui seront à la hauteur de ce que cette ville attend et de ce qu'elle mérite.
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Je vous remercie.
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François Bayrou – 26 novembre 2007 – Marseille / Florida Palace

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