vendredi 24 août 2007

« Dean », une chance pour la Martinique ?

Jeudi 23 aout 2007 :
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Pour une fois, je vais me lancer dans une analyse de politique fiction … quoique, vu les derniers événements s’étant déroulés en Martinique.

Depuis le passage du cyclone Dean sur l’île de la Martinique, les médias ne cessent de nous montrer des images de désolations, des villes ayant soufferts, une agriculture anéantie et une économie explosée. Pas un jour, par un journal, sans des images de bananeraies dévastées, de planteurs sous le choc, d’autorités en train d’évaluer les dégâts.

Et quels dégâts ! La fourchette basse pour, ne serait ce que réparer l’essentiel et relancer l’économie, est de 250 millions d’euros et rien que le secteur des bananes aurait besoin de 120 millions d’euros (plus probablement 200 millions suivant les dernières estimations non officielles) pour relancer le secteur sans compter les pertes évaluées pour l’instant à 170 millions d’euros.

Le Ministère de l’Outre-mer, dans son dernier communiqué, est des plus pessimistes : « Concernant l’agriculture qui a été durement frappée, les Préfets activent les procédures qui aboutiront à la définition par arrêté des zones et des productions concernées par la calamité agricole. Le premier bilan laisse penser que l’intégralité des communes de la Martinique sera concernée ainsi qu’une partie de la Guadeloupe. »

Mais, étant donné que les débouchés de la banane des Antilles sont des plus restreints et l’avenir de cette filière des plus sombres, est-ce que cela vaut le coup de relancer entièrement toutes les bananeraies ?

En effet, depuis de très nombreuses années, les producteurs de bananes antillais sont aux prises avec une crise dont il ne voit pas la fin, due notamment à une chute régulière des cours, aux aléas climatiques, mais surtout à la concurrence renforcée des "bananes-dollar" d'Amérique latine qui représentent les quatre-cinquièmes des importations européennes.

En 1993, l'Union européenne avait instauré un système de quotas, accordant un traitement préférentiel aux bananes en provenance d'anciennes colonies européennes. Mais, les pays latino-américains producteurs de bananes, ayant à payer des droits énormes sur les bananes qu'ils exportaient vers l'Europe, se sont alors plaints devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Les quotas ont été supprimés le 1er janvier 2006 après que l'UE, ayant perdu "la guerre de la banane" devant l'OMC, les eut remplacés par un tarif douanier unique de 176 euros la tonne.

Début juillet de cette année, les Etats-Unis ont en effet saisi l'OMC fin juin, estimant que le droit de douane imposé par l'UE aux bananes latino-américaines portait préjudice aux exportations des grands pays producteurs comme l'Equateur, le Honduras, le Panama et le Nicaragua. Pourquoi les Etats-Unis sont-ils le principal fer de lance dans cette nouvelle bataille ? Tout simplement parce que les trois principales sociétés productrices (Dole, Chiquito et Del Monte) sont de nationalités américaines et que leurs plantations sont … en Equateur, au Honduras, au Nicaragua et au Panama.

L’Union européenne tente de riposter depuis le 27 juillet en accusant cinq producteurs (les trois américains déjà cités, l'équatorienne Noboa et l'irlandaise Fyffes.) d’entente illicite. La Commission soupçonne les différentes sociétés d'avoir, dans les années 90, échangé des données confidentielles relatives aux volumes et aux prix des bananes importées en Europe. Grâce à ces informations, elles ont ensuite pu s'entendre, dans le secret et en toute illégalité, pour fixer des prix artificiellement élevés et se partager les marchés.

La « guerre de la banane » fait donc rage dans les coulisses de cet été maussade sans que réellement l’opinion n’en prenne conscience. Et force est de constater que la probabilité que les Etats-Unis gagnent cette nouvelle bataille est très importante.

Donc, nous avons des plantations bananières qui produisent annuellement environ 250000 tonnes (sur les 80 millions mondiaux) mais qui font vivre 15000 personnes répartis dans 850 exploitations, qui ont des débouchés qui se sont restreints dramatiquement ces dernières années et qui vont encore plus se restreindre, qui ne va pouvoir survivre que grâce aux aides européennes, et qui ne va pouvoir se relever que grâce à l’argent injecté par l’Etat.

Quand on sait aussi que, dans le passé suite à une stratégie de développement de l’agriculture franchement discutable, il a été décidé de privilégier la culture de la banane, et d’abandonner les autres cultures maraîchères, on peut se poser des questions.

Enfin, quand on découvre que l’un des principaux pesticide utilisé dans les plantations bananières antillaises, était le « Chlordécone » et que la justice vient de déclarer recevable une plainte pour « empoisonnement et complicité d’empoisonnement » et qu’une instruction va être diligentée, on peut se demander quelles vont être les retombées d’une telle enquête sur l’économie locale

Pour ma part, les deux questions que je me pose à la suite de cet exposé sont simples :.

Abandonner complètement la culture de la banane, qui est aussi une activité ancestrale, me semble une mauvaise chose mais, étant donné que cette agriculture est devenue inexistante par la faute de (grâce à ) « Dean », ne serait-il pas envisageable de procéder à un électrochoc dans nos DOM antillais ?

Ne serait pas aussi envisageable de profiter de cette « table rase » pour favoriser le retour à certaines autres filières jugées en leur temps peu rentable et permettre ainsi à la Martinique et la Guadeloupe de moins dépendre de la métropole et développer enfin une culture maraichère plus en rapport avec les besoins locaux de la population ?

En terme clair, profiter de cette catastrophe climatique pour changer le cap de l’économie locale et lui permettre ainsi de faire face aux mieux aux années difficiles qui s’annoncent.

Quant à l’économie d’un port comme Dunkerque qui traite la quasi-totalité des importations de bananes en provenance des Antilles, il a déjà commencé sa reconversion avec la chute abyssale de ces mêmes importations de bananes depuis deux ans. Et puis, il reste Nestlé !

J’allais oublier CMA-CGM, premier transporteur de bananes des Antilles. « Ce sera évidemment très gênant pour nos résultats » a indiqué le service commercial du transporteur maritime. Pour ma part, travaillant dans le maritime, a un jet de pierre du Head-office de cet armateur, je ne m’inquiète nullement pour ses résultats annuels !

Maintenant, pour ce que j’en dis …

Au fait, simple remarque : deux morts, 250 millions d’euros de dégât et un simple premier ministre en visite, une semaine après la catastrophe. Mais que fait le Président ?

2 commentaires:

Unknown a dit…

J'ai eu une analyse similaire sur FWIyapin.fr,...

http://www.fwiyapin.fr/2007/09/06/dean-une-chance-pour-la-guadeloupe-et-la-martinique-%e2%80%a6encore-faut-il-la-saisir/

Jean-Claude Mathon a dit…

Je conseille à tous les lecteurs de cliquer sur le lien ci-dessus et de lire l'analyse des plus pertinentes de Satyam.

CElà confirme mon idée qu'il faut profiter de Dean pour changer l'économie martiniquaise et guadeloupeenne.