mardi 21 août 2007

La politique de « l’émotion et du people »

Mardi 21 aout 2007 :
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Ce matin, je me lève et, comme tous les matins, le moins que l’on puisse dire c’est que je n’ai pas les idées claires du tout, décuplé par le fait que je ne suis pas encore passé sous la douche et que le café n’est pas encore bu.. Pas de doute, quand je m’aperçois que je peux difficilement décoller mes paupières, la seule solution devient un café en urgence.

Passage par le salon pour atteindre la cafetière dans la cuisine et, premier choc : une de mes filles est déjà levée/pas encore couchée (barrez la mention inutile) et regarde « Télé matin ». La télé, le matin, sans café, c’est déjà difficile mais en plus quand je réalise que ma fille est en train de suivre le journal matinal qui diffuse des extraits de la dernière conférence de presse de Nicolas Sarkozy, c’est carrément inhumain.

Et, à ce moment là, deuxième choc. Elle me pose la question qui tue : « C’est notre Premier ministre ? Je croyais qu’il était président ! » Heureusement, je n’ai pas encore la tasse de café à la main ce qui m’évite de la renverser.

Un peu plus réveillé par cet électrochoc matinal, je me prends à suivre cette conférence de presse consacrée à la répression de la pédophilie et à regarder l’intervention de notre président sous un autre jour. Non pas que je m’élève contre ce sujet sensible mais j’observe avec un détachement de laborantin la manière dont cette conférence est faite. Sur les marches de l’Elysée, Rachida Dati à droite, Roselyne Bachelot à gauche. Pas l’ombre d’un porte-parole, pas l’ombre d’un Premier ministre. Le Président en personne se charge d’annoncer les mesures.

Le sujet est certes grave et demande une réponse appropriée mais … Le président lui-même à l’issue d’un mini conseil des ministres qui vient nous vanter les mérites de sa solution miracle concoctée en moins de deux jours. Ne serait-ce pas le rôle de François Fillion de faire ce genre de travail ? Il y a du chômage dans l’air chez les ministres ! (Peut-être est-ce dans ce secteur où il compte licencier un fonctionnaire sur deux !)

Pas de doute, la VIème République est là, une république américaine, avec des ministres qui rendent directement des comptes au Président, avec un Premier ministre inexistant qui sert à rien si ce n’est « à la décoration et à l’inauguration des chrysanthèmes »

« A la décoration et à l’inauguration des chrysanthèmes » Attendez, cela me rappelle quelque chose. La VIème république serait-elle une IVème République à l’envers ?

A force de trop en faire, à force de trop vouloir occuper la case médiatique, à force de mélanger le « people » et le « pouvoir », nous sommes en train de transformer nos institutions en un cirque médiatique où tout se confond, où tout les rôles sont vains. Paraître, occuper l’écran cathodique à tout prix, jusqu’à l’overdose.

« Ne vous inquiétez pas, je m’occupe de tout. »

« Je m’occupe » peut-être « de tout » mais je ne suis pas « bon » partout. Le Conseil Constitutionnel l’a rappelé lundi de manière brutale au gouvernement comme il a rappelé l’un des grands principes républicains en garantissant les droits élémentaires des citoyens.

« Nulle loi ne peut être rétroactive » rappelle t’il à notre gouvernement qui s’était un peu vite engagé à défiscaliser les intérêts d’emprunts. Quelle bourde de nos gouvernants d’oublier un tel principe (qui je le rappelle n’a été oublié qu’une seule fois depuis qu’il a été édicté, en l’occurrence par le gouvernement de Vichy pour les « lois sur le statut des juifs »). Au fait, n’est ce pas Xavier Bertrand lui-même qui avait essayé de prévenir le « pouvoir » de cette bourde ? Si même les ministres ne sont pas écoutés !

Cette défense des valeurs républicaines semble d’ailleurs avoir aussi touché notre ex président, Valery Giscard d’Estaing puisque pour la première fois depuis très longtemps, il est venu siéger au Conseil et a même participé au vote.

Pour terminer ce réveil douloureux, que pensez de ces « mesures de sûreté contre les criminels dangereux » soudaines et sensationnelles ?

Voyons voir. L’enlèvement du petit Enis à eu lieu mercredi, Nicolas Sarkozy est rentré de vacance samedi, les mesures annoncées lundi … Moins d’une semaine pour concocter un nouveau plan judiciaire, voilà un sacré tour de force, d’autant plus que ce nouveau plan va se rajouter aux trop nombreuses mesures judiciaires prises ces derniers mois et à une loi contre les récidivistes datant de moins de trente jours

Alors, que pensez ?

Des mesures décidées en cinq jours, dans la précipitation, avec tous les risques de dérapages que de telles mesures entrainent ? Cela semble être ce que pense l’ancien Garde des Sceaux du gouvernement Villepin, Pascal Clément. Où alors, mesures étudiées depuis de longues semaines que l’on « sort » maintenant ? Mais alors, pourquoi ne pas les avoir présenté avant ? Je n’ose pas écrire ma dernière question car la réponse serait tellement monstrueuse que je ne peux admettre que nos gouvernants aient eu ne serait ce que l’ombre de cette idée.

C'est là que le bât blesse. La politique ne peut se contenter de réponses à l'emporte-pièce prise dans la précipitation pour répondre à une réaction viscérale de l’opinion publique. Les risques de dérapages sont alors énormes et le fusible « Premier ministre » n’existant désormais plus, c’est la crédibilité de la République même qui serait en jeu.

Pourtant, cette politique de « l’émotion et du people » est désormais notre apanage quotidien. On ne peut pas dire que cela me plaise …

Il y a des matins où on ferait mieux de rester couché !!!!

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