jeudi 12 avril 2012

Les mauvais comptes de Nicolas Sarkozy

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Jeudi 12 avril 2012 :
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Finances publiques, tout reste à faire: les mauvais comptes de Nicolas Sarkozy
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Les économistes Jean Peyrelevade et Stéphane Cossé reviennent sur le bilan contestable de Nicolas Sarkozy en matière budgétaire, dans une tribune publiée par Les Échos, mercredi 11 avril.
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Reconnaissons-le : le budget 2011 du gouvernement a été exécuté dans de bonnes conditions. L’objectif fixé était de réduire le déficit public de 7,1 à 5,7 % du PIB : il a été dépassé d’environ un demi-point de PIB. Pour toute personne soucieuse du retour à l’équilibre des finances publiques de notre pays, il faut s’en féliciter. Néanmoins, il faut toujours rappeler en parallèle que l’erreur originelle du président candidat était bien antérieure, lorsqu’il lâcha significativement la bride budgétaire dès le lendemain de son élection en 2007 à travers la loi TEPA. Toutes les conditions politiques étaient pourtant alors réunies pour mener un programme de redressement financier indispensable. Son premier ministre n’a-t-il pas alors déclaré lui-même que l’État était en faillite ? Mais le défaut de lucidité de Nicolas Sarkozy, pour grave qu’il soit, relève du passé.
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Au-delà de la bonne gestion budgétaire de 2011, il faut aussi reconnaître que les mesures prises dans la loi de finances 2012, en particulier en matière de recettes, si elles sont pleinement appliquées et si la conjoncture ne se détériore pas davantage, devraient, permettre de réduire le déficit au dessous de 4,5 % du PIB. La menace de la dégradation de la France a pleinement joué son rôle (même si la perte du tripe A ne fut pas évitée), amenant le gouvernement à décider, malgré toutes ses dénégations, des hausses d’impôt inéluctables (quoique peu visibles, car très saupoudrées). Espérons en outre que l’exécution budgétaire restera rigoureuse jusqu’au 6 mai pour ne pas terminer ce triste mandat sur une fausse note de plus.
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Dans ce contexte, on ne peut que s’étonner de la fragilité des propositions de Nicolas Sarkozy en matière de finances publiques au-delà de 2012 pour atteindre l’équilibre budgétaire en 2016. Le président candidat indique que d’ici 2016 l’effort budgétaire de la France doit atteindre 115 milliards. Fin 2011, les chiffres de l’INSEE indiquent en effet que le déficit budgétaire de la France est de 103 milliards (5.2 % du PIB), auxquels il faut ajouter au moins 12 milliards de dépenses nouvelles annoncées pendant la campagne, ce qui fait 115 milliards.
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Du côté des recettes, l’effort fiscal serait de 40 milliards. Cependant, sur ces 40 milliards, Nicolas Sarkozy comptabilise les mesures de la loi de finances de 2010, qui ont déjà joué l’année dernière, pour 12 milliards : il est incorrect de les compter une deuxième fois. Il ajoute un rendement fiscal des mesures liées à la croissance de 5 milliards, ce qui ne constitue pas un effort fiscal nouveau. Et il ne prend pas en compte la réduction annoncée des droits de mutation pour les résidences principales, soit 2.5 milliards. Au total, environ la moitié de l’effort annoncé ne correspond à rien.
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Du côté dépenses, l’effort budgétaire serait de 75 milliards. Mais là aussi on constate que le président sortant comptabilise sur les économies dites "sécurisées" de 23 milliards (hors réforme des retraites) des dépenses de… 2011, qui ne peuvent à nouveau servir d’effort supplémentaire en 2012 et au-delà. Le montant correspondant est d’au moins 10 milliards. Cela veut donc dire que l’effort effectif exigé est bien de 75 milliards, dont il faut déduire les 16 milliards provenant de la réforme des retraites et seulement 13 milliards "sécurisés" sur la période 2012-13. Ce qui veut dire que l’essentiel de la réduction des dépenses, soit 46 milliards, devra porter sur la période 2014-2016. Cela suffit à enlever tout réalisme au plan proposé. Car on sait que les plans de redressement budgétaire ne fonctionnent que s’ils sont ambitieux dès le départ, au moment où la légitimité politique du nouveau gouvernement est élevée. Sans même débattre de la pertinence des modalités de réduction des dépenses envisagée et de leur surévaluation, ni même des hypothèses de croissance peu réalistes utilisées, il ne serait pas surprenant que, quelques semaines après l’élection présidentielle, la Commission demande au prochain gouvernement de revoir sa copie. Nicolas Sarkozy réélu irait-t-il alors négocier à Bruxelles une nouvelle dérogation au non-respect des réductions de déficits, comme il l’a fait en 2007 ?
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Dire la vérité aux Français, c’est tenir un discours courageux en matière de hausse des impôts et de réduction des dépenses. Manifestement, le président candidat n’a pas tiré tous les enseignements de ses erreurs passées.
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