mercredi 8 octobre 2008

Devoir de mémoire : Deux lettres à méditer

Mercredi 8 octobre 2008
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« Je plains beaucoup votre fille. Vous allez lui laisser un nom qui marquera dans l'histoire, mais le mien aussi. Seulement, le mien sera celui d'un martyr tombé assassiné pour avoir eu trop raison. »
Claude Mandel
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Parlons un peu du « devoir de mémoire » avec deux lettres à méditer …
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Hier au soir, j’ai fini une biographie concernant l’un de nos plus grands hommes politiques : Georges Mandel. Bien entendu, il ne s’agissait pas de celle de Nicolas Sarkozy qui a plutôt survolé le sujet, omis certains moments clefs et déformés certains faits, mais celle de Jean-Noël Jeanneney, beaucoup plus complète et plus objective.

Je dois avouer que je partage avec notre président la passion de cet homme politique. Cet homme, directeur de cabinet du « tigre », qui un soir de juin 1940, au tournant de l’Histoire de France, pressenti par Spears, refusa l'aventure parce qu'il ne supportait pas l'idée de se voir, lui, «le juif Mandel» accusé à la face du monde d'avoir déserté, laissant ainsi la place à de Gaulle.

Assassiné par la milice pour venger le meurtre de Philippe Henriot, en foret de Fontainebleau le 7 juillet 1944 (la question de connaitre les donneurs d’ordre est toujours d’actualité), Georges Mandel fut certainement l’un des plus grands politiques français de la IIIème République. Les miliciens qui l’abattirent ne se trompaient assurément pas de cible. Juif, patriote et républicain, il représentait tout ce qu'ils haïssaient

A la suite de son assassinat, sa fille Claude, « une petite fille de France », alors âgée de quatorze ans écrivit deux lettres : un au Maréchal Pétain, Chef de l’Etat Français, l’autre à Pierre Laval, Premier ministre de l’époque.
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Je vous laisse seul juge ….

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« Monsieur le Maréchal,
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Je suis une petite fille de France et, malgré mon jeune âge, je tiens à faire auprès de vous un résumé d'un peu de mon histoire.
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Je m'appelle Claude Georges-Mandel et j'ai suivi mon père, pas à pas, dans le martyrologue que vous lui avez imposé depuis plus de quatre ans.
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J'étais à Bordeaux, le 17 juin 1940, lorsque vous l'avez fait arrêter, quelques heures après votre arrivée au pouvoir, pour vous en excuser ensuite.
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J'étais en Afrique du Nord, quand vous l'avez fait traduire devant la justice militaire avec l'espoir, sans doute, qu'il serait fusillé.

Je l'ai suivi à Chazeron où, malgré son non-lieu, vous l'avez fait incarcérer dans son ignoble réduit de Pellevoisin.
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A Vals dont le geôlier-chef Courrier s'est montré un valet si raffiné de vos consignes que vous l'avez décoré de la Légion d'honneur
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J'ai encore dans l'oreille votre voix condamnant, de votre propre autorité, mon père à la détention dans la forteresse du Portalet, pour présomptions... et je suis allée au Portalet.
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Je n'ignore pas qu'aucun juge ne s'est jamais présenté devant lui pour lui poser une seule question, faute d'éléments pour un interrogatoire.
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Mais j'ai dû le quitter quand vous l'avez livré à l'ennemi, fait inconnu dans l'histoire d'aucun peuple.
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Aujourd'hui que les évènements ont parlé et ne lui donnent que trop raison, vous le réclamez à l'Allemagne, vous le faites revenir en France ; ceux dont vous êtes le Chef suprême, ceux qui vous prêtent serment, s'emparent de sa personne désarmée et l'assassinent au coin d'un bois.
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Votre justice a passé et fait de moi une orpheline.
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Mais, pour le repos de votre conscience, je viens vous dire, Monsieur le maréchal, que je ne vous en veux pas.
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Le nom que j'ai l'immense bonheur de porter, vous l'aurez immortalisé ; grâce à vous, il brillera dans l'histoire comme un flambeau.
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Car il n'évoquera ce nom ni capitulation, ni trahison envers les Alliés, ni soumission à l'ennemi, ni tous les mensonges d'une équivoque qui nous a fait tant de mal.
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Il servira d'exemple à la France et l'aidera à se retrouver bientôt : dans le chemin de l'honneur et de la dignité.
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Aussi je suis fière de vous signer
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Claude Georges-Mandel
Hôtel de France à Pau »
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Sa deuxième lettre, envoyée le même jour, est plus laconique mais encore plus terrible :
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« Monsieur Laval,
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Dans son désarroi et dans sa douleur, celle qui me tient lieu de mère vous a adressé, il y a dix jours, une lettre dans laquelle, en bien grande humilité, se rappelant l'offre de vos bons offices, elle vous demandait des renseignements susceptibles de l'éclairer sur la mort de mon papa que nous avons apprise par les journaux et par la voix publique.
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Vous n'avez pas daigné faire diligence pour lui répondre et sans doute ne le ferez-vous jamais. Laissez-moi vous dire, Monsieur Laval, que je vous comprends: vous avez honte.
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Je suis encore bien petite et bien faible à côté de vous qui avez les Allemands pour vous défendre. Moi, j'ai les Français c'est vrai, et c'est d'ailleurs pourquoi, je ne vous demande pas de comptes comme j'en aurais le droit: ils s'en chargeront.
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Je veux aussi vous dire, Monsieur Laval, que je plains beaucoup votre fille. Vous allez lui laisser un nom qui marquera dans l'histoire, mais le mien aussi. Seulement, le mien sera celui d'un martyr tombé assassiné pour avoir eu trop raison.
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Claude Georges Mandel »

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A méditer !!!!
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