lundi 15 août 2011

1935 : L’affaire MALMEJAC – Partie 6 – Le Boulevard des Fauvettes

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Lundi 16 aout 2011 :
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Tous les lundis, durant cet été 2011, je vais explorer les méandres d’une affaire qui a bouleversé une longue semaine la ville de Marseille, et au-delà, la France entière : « l’affaire MALMEJAC » ou l’enlèvement d’un enfant en plein jour et au cœur même de la cité phocéenne.
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Ordre des publications :

Lundi 4 juillet 2011 : Présentation
Lundi 11 juillet 2011 : L’Enlèvement
Lundi 18 juillet 2011 : Premières recherches
Lundi 25 juillet 2011 : La piste d’Endoumes
Lundi 1er aout 2011 : La piste de Saint-Just
Lundi 8 aout 2011 : Les médias s’en mêlent
Lundi 15 aout 2011 : Le Boulevard des Fauvettes
Lundi 22 aout 2011 : Devant la justice
Lundi 29 aout 2011 : Conclusion
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I / La pègre, le cousin et le détective Rochat :

La veille au soir, le docteur Malmejac et le détective Rochat se sont discrètement rencontrés. Cette rencontre a pour principal but de faire le point sur l’affaire, le célèbre détective apportant les premiers résultats de ses investigations. Les contacts qu’il a pris dans la cité phocéenne lui font penser que la pègre marseillaise n’est point impliquée dans l’affaire. Bien au contraire, elle semble mener elle aussi une sorte d’enquête parallèle pour trouver le plus rapidement possible la coupable. D’après les bruits parvenus aux oreilles du détective, Louis Spirito en personne aurait réclamé la tête de la ravisseuse.

L’attitude de la pègre locale est fort compréhensible. Le grand banditisme se retrouve fort handicapé par la pression policière qui fait feu de tout bois, multipliant les perquisitions, perturbant grandement les affaires douteuses. Dans ce contexte, la pègre se retrouve en mauvaise posture et se doit de faire le plus rapidement possible le ménage dans ses rangs pour qu’une certaine « tranquillité », plus souhaitable pour la bonne marche des affaires, revienne. Louis Spirito est prêt à collaborer avec la police pour obtenir ce résultat. La technique du « coup de pied dans la fourmilière » prônée par le Commissaire Couplet quelques jours auparavant est en train de porter ses fruits.

Par contre, le détective se garde bien de révéler au professeur Malmejac ce que l’un de ses indicateurs lui a appris, information qui est aussi arrivée aux oreilles des policiers. Un membre de la famille des Malmejac, un cousin arrivé de Paris, a pris contact avec Louis Spirito dans son quartier-général de l’Amical-Bar. Il avait tellement lu dans les journaux la toute puissance du Milieu à Marseille que ce dernier semblait être la solution miracle au problème de l’enlèvement. Louis Spirito avait réconforté le cousin parisien, probablement M.Sarlande, en ces termes :

« Je puis vous certifier, cher monsieur, que pas un homme du Milieu n'est dans le coup dans l'enlèvement du petit Malméjac. Le kidnapping, nous considérons ça comme une chose ignoble. Il n'y a que les Américains pour oser enlever le fils d'un aviateur célèbre comme Lindbergh. En France, nous ne sommes pas pourris à ce point-là. Vous avez rudement bien fait de venir me trouver. Mes amis et moi, on va remuer ciel et terre pour découvrir le petit et mettre la main sur le ravisseur. »

Après ce premier rapport, le détective aborde un sujet qui lui tient à cœur et qui, depuis son arrivée à Marseille, ne cesse de le tourmenter. Il fait remarquer au docteur Malmejac que celui-ci est désormais très connu dans toute la cité marseillaise. Il devient dangereux que ce soit lui qui remette la rançon. En effet, il risque au mieux d’être reconnu, au pire suivi et l’échange s’en trouver fortement compromis à cause de ce détail.

Le détective propose alors de prendre la place du médecin pour la partie délicate que représente une remise de rançon. Malgré quelques réticences, fort compréhensible au demeurant, le professeur accepte la proposition du détective genevois.

II / Le message du docteur Malmejac :

Il s’agit maintenant de prévenir la ravisseuse de la substitution et voir si elle accepte un échange dans ces conditions. De nouveau, le professeur Malmejac se heurte au douloureux problème de contacter l’inconnue. La solution qui s’impose est donc de publier un nouveau message dans la presse locale. Dans la matinée, le docteur Malmejac écrit donc un message sans aucune ambiguïté, avant de se rendre en début d’après-midi dans les locaux du « Petit marseillais ». Il compte le faire publier par le biais de son ami, Léon Bancal.

« Le docteur Malmejac attend un rendez-vous. Il ne pourra s'y présenter lui-même, étant trop connu maintenant et risquant à son insu d'être remarqué ou suivi. Aussi, un de ses nombreux amis, se présentera à sa place au rendez-vous fixé, n'importe où dans n'importe quelles conditions. Le docteur Malmejac et son ami jurent tous deux que celui qui se présentera sera seul, sans arme, étranger à la Police et muni de la somme à remettre contre l'enfant. »

III / L’affaire Samana :

M.Couplet, le chef de la Sûreté a vraiment l’impression de faire du surplace. La matinée du lundi semble commencer comme celle du dimanche avec sa cohorte de témoignages spontanés, tous plus farfelus les uns que les autres, avec les rapports des opérations de la nuit, tout aussi déprimants. Le policier pense que la journée va être aussi négative pour l’enquête que celle de la veille.

C’est alors qu’un élément nouveau va enfin lui donner l’impression que l’enquête avance. Un de ses inspecteurs, pénétrant dans son bureau, lui demande s’il se souvient de l’affaire Samama. Bien sur, M. Couplet se souvient très bien de cette affaire d’agression puis d’extorsion de fonds dont a été victime cet avocat réputé.

Ce riche tunisien, avocat conseil âgé de soixante-neuf ans, avait été agressé en septembre dernier dans la villa qu’il possède sur la promenade de la plage et qu’il tentait de louer. Quelques jours plus tard, il avait été victime d’une tentative d’extorsion de fond directement liée à l’agression dont il avait été victime. L’agresseur ne fut jamais retrouvé malgré d’actives recherches. De cette affaire, la Sureté avait gardé, entre autres, la lettre anonyme reçue par Nessim Samama lors de cette tentative.

Un inspecteur, plus curieux que les autres, avait eu l’idée géniale de comparer cette lettre aux lettres reçues par les Malmejac. A sa grande surprise, les deux premières missives reçues au domicile des Malmejac présentaient de telles similitudes de style et d’écriture qu’il était évident que les lettres étaient écrites par la même main.

En ce lundi matin, le dossier Samama est donc rouvert par la Sûreté. La première chose qui saute aux yeux des enquêteurs c’est que Nessim Samama avait eu à faire à un homme d’une trentaine d’années. Or, dans le cas des Malmejac, c’est une femme d’une soixantaine d’années qui est à l’œuvre.

En épluchant avec minutie le dossier Samana, les enquêteurs finissent par trouver la trace d’une femme. Mais elle avait un rôle tellement marginal que les inspecteurs en charge de ce dossier doutaient de l’existence même de cette femme. En effet, lors d’un mystérieux coup de téléphone reçu par l’avocat, c’était une femme qui avait appelé mais les inspecteurs en charge de l’affaire avaient conclu que l’agresseur avait contrefait sa voix.

La piste de l’homme déguisé en femme est donc de nouveau d’actualité. Cela change totalement la donne et relance complètement l’enquête. Reste à identifier l’auteur de la missive. Une nouvelle équipe de la Sureté est mise immédiatement au travail.

IV / La reconstitution de l’enlèvement :

Devant l’absence de résultat de la police, le juge d’instruction Mimmard va, lui aussi, tenter de faire avancer les choses. Pour essayer d’y voir plus clair, il organise ce matin là une nouvelle reconstitution à laquelle il va adjoindre tout les moyens modernes dont il dispose. Il fait donc filmer et photographier chaque étape de l’opération. Ce fut la première fois qu’un juge employa ce type de procédé à Marseille.

Mais, lors de la reconstitution devant le 5 cours Pierre Puget, un drame va endeuiller la journée. Il était aux environs de quinze heures. La reconstitution venait de se terminer mais de très nombreuses personnes se pressaient encore au bas du cours Pierre Puget.

Tout à coup, sous l’effet du vent, une cheminée d’un immeuble situé presque en face, au numéro 4, s’abattit avec fracas sur le trottoir. Atteint à la tête, un jeune homme s’écroula sur le sol sous les yeux épouvantés de sa mère et des employés du magasin de coiffure voisin sortis sur le pas de la porte pour assister au « spectacle ».

On se pressa aussitôt auprès de la victime, M. Armand Avril âgé de vingt et un ans Mais, tous les soins étaient inutiles et le docteur Boyer ne put que constater le décès. Tandis qu’on emmenait le corps au dépositoire de la morgue Saint-Pierre aux fins d’autopsie, le commissaire du 3ème arrondissement était chargé de l’enquête.

V / Blanche Lacan :

Ce matin là, vers onze heures, un taxi dépose une femme devant l’Evêché : Blanche Lacan. Cette femme, blonde, âgée d’une soixantaine d’année, habite le quartier de Beaumont-Saint-Julien. Sa présence à l’hôtel de police n’est pas fortuite. Elle vient révéler aux policiers où trouver la ravisseuse.

Comme tous les autres témoins qui se pressent dans les locaux de la police ce matin là, elle est reçue par le planton de service. Au bout d’un long moment, à force d’abnégation et de persévérance, elle réussit à rencontrer un enquêteur directement en charge du dossier.

Mais son récit est accueilli avec beaucoup de scepticisme par le policier qui l’écoute, plus par devoir que par intérêt. Il est vrai que ce témoignage est des plus flous

« Samedi, je me trouvais à Beaumont, occupée à faire mes achats chez un épicier, lorsque j’aperçus au détour de la rue, une femme en noir, la tête recouverte d’une mantille, s’appuyant légèrement sur une canne à bout caoutchouté.

Très intriguée, je parlais aussitôt de ma remarque au gérant de l’épicerie au moment où la vieille passait à notre hauteur. Ayant entendu notre conversation, elle eut un haut le cœur et me lança un regard haineux. Ce n’est pas ce geste qui apaisa mes doutes. Je me dis que çà ne pouvait qu’être elle.

Aussi, le soir, je fis part de mes soupçons à mon mari qui, prudemment, examina les conséquences d’une dénonciation erronée. Mais ce matin, n’y tenant plus, je suis venu vous voir ! »

Devant le scepticisme croissant de l’enquêteur, Blanche Lacan, sûre de son fait, explique que, même si les renseignements qu’elle vient de donner sont vagues, ils pourraient être facilement complétés par les commerçants du quartier. En effet, cette inconnue semblait habiter à peu de distance de là.

Elle devient si pressante que l’enquêteur finit par lui promettre que la police allait vérifier son information

VI / Henriette Montaigu :

Lorsque Blanche Lacan sort de l’Evêché en début d’après-midi, elle aurait pu presque croiser Henriette Montaigu qui pénétrait dans les bâtiments.

A l’inverse de Blanche Lacan qui avait forcé les portes pour faire entendre son histoire, cette femme de soixante ans est attendue avec une impatience non dissimulée par l’Inspecteur chef Martini. Le policier, patron de la brigade placée sous les ordres directs du chef de la Sûreté, M. Couplet, est très intéressé par le récit qu’elle a fait une demi-heure plus tôt aux policiers de permanence au domicile des Malmejac. Il veut l’entendre de ses propres oreilles.

Elle explique qu’elle habite, avec son beau-frère de soixante-quinze ans, dans une dépendance de la verrerie Verminck, à la Madrague de Montredon. Elle a exploité plusieurs années durant, au 67 cours Devilliers, un petit commerce de teinturerie jusqu’en 1933. Elle a vendu le fond de commerce cette année là à une veuve et son fils, Marie et Gilbert Rolland.

La vente réalisée, Mlle Montaigu avait laissé un petit stock de marchandises que l’acheteuse devait vendre au profit de la vendeuse Mais Mlle Montaigu ne toucha jamais l’argent de cette vente. « Dois-je vous dire que je n’ai jamais touché un sou de cette mauvaise femme malgré plusieurs visites. Elle me recevait fort mal, m‘injuriait même et je compris dès lors que j’avais été roulé par une aventurière. Le temps passa et je perdis même de vue le couple Rolland qui, je l’appris, avait revendu le magasin de la teinturerie. »

Elle explique ensuite qu’elle alla récemment rendre visite à une de ses amies habitant Beaumont Saint Julien. « Or, jugez de ma surprise lorsque rendant visite à une de mes amies habitant Beaumont Saint Julien, il m’advint une singulière aventure. Me trompant d’adresse, je frappais au 12 du boulevard des Fauvettes. Une femme vint m’ouvrir et je reconnue en elle Mme Rolland. La conversation, vous le pensez bien, tourna court. »

Mais, lorsque survient l’enlèvement de Claude Malmejac, avec les descriptions de la ravisseuse publiée par les journaux lui firent immédiatement penser à Mme Rolland. La ressemblance était tellement troublante. De plus, un détail la conforta un peu plus dans ses soupçons « Une chose m’avait frappée : Cette femme n’avait pas l’accent de Marseille ! »

Durant trois longues journées, Mlle Montaigu fut rongée par le doute. Une question venait sans cesse la hanter : « Si c’était la Rolland ? ». Sa conviction fut acquise lorsqu’elle découvrit le nouvel avis de recherche.

Le lundi matin, n’y tenant plus, elle prit le tramway pour se rendre chez les Malmejac. Son intention première était de leur faire part de ses doutes. Elle fut reçue par les policiers de permanence qui l’envoyèrent à l’Evêché pour qu’elle fasse sont récit à l’inspecteur en chef Martini.

L’inspecteur chef Martini ne peut s’empêcher de se demander si le contentieux existant entre les deux femmes ne l’avait pas poussée à faire une dénonciation calomnieuse. Mais Mlle Montaigu paraissait sûre de son fait. Mme Rolland était « la » ravisseuse.

Le témoignage, certes imprécis, est toutefois intéressant car il complète celui fait par Blanche Lacan. Ces informations convergentes, même fragmentaires, sont intéressantes. Les deux témoins disent avoir reconnu la ravisseuse dans le même quartier.

VII / Le boulevard des Fauvettes :

L’inspecteur chef Martini parla de ce témoignage intéressant à son patron, le chef de la Sûreté Couplet. Celui-ci trouva aussi l’information digne d’intérêt. A ce moment précis de l’enquête, toute information nouvelle, même fragmentaire, est intéressante. Cette piste se devait d’être vérifiée, ne serait-ce que pour écarter une nouvelle fausse piste comme celle d’Endoume ou de Saint-Just.

Il charge donc deux de ses inspecteurs les plus expérimentés, appartenant à la brigade Martini, sa brigade, de vérifier ces informations. Il s’agit de l’inspecteur Auguste-Louis Le Bozec, âgé de trente-neuf ans, qui s’est illustré quelques années plus tôt en arrêtant Guiffaut dit la Griffe, le meurtrier de l’encaisseur Loudier, et de l’inspecteur Marcel Aubin, de dix ans son cadet.

Les deux inspecteurs se rendent donc à Beaumont. Dans leur esprit, ils vont simplement vérifier l’identité de l’habitante du 12 boulevard des Fauvettes, habitante qui a la malchance de ressembler à la ravisseuse. Car il ne fait aucun doute qu’il s’agit encore d’une fausse piste.

Comme cela ce passe à chaque départ d’un véhicule de la Sûreté, les deux enquêteurs ne peuvent s’empêcher de pester contre la voiture des journalistes qui leur emboîte le pas. Il devenait vraiment de plus en plus difficile de mener discrètement une enquête.

Malgré la présence des journalistes, les inspecteurs espèrent une arrivée discrète. Pour cela, il ne se gare pas devant le 12 mais stationne un peu avant. Il constate que la rue est calme, sans grand passage. Un portail en fer forgé ferme l’accès au terrain où sont érigées deux maisons mitoyennes, seulement séparés par une légère barrière dans laquelle s’ouvre une petite porte. La villa incriminée est une petite bâtisse avec un étage, un petit jardin sur le devant dans lequel trône une petite fontaine, quatre à cinq marches permettant d’accéder à la porte d’entrée.

Pour ne pas éveiller les soupçons dans le cas, bien improbable pensent-ils, où la suspecte serait la ravisseuse, les inspecteurs vont sonner à la villa voisine, au numéro 10. Ils espèrent pouvoir surveiller quelques instant en toute tranquillité le 12 sans attirer l’attention et ainsi se faire une idée quant à ses habitants.

Malheureusement pour eux, il n’y a personne à ce moment là au numéro 10.

VIII / Le 12 boulevard des Fauvettes :

Les inspecteurs sont donc obligés d’aller sonner au numéro 12. Alors qu’ils patientent, ils ne peuvent s’empêcher de remarquer que, contrairement à l’usage, la sonnette ne porte pas de nom. Simple oubli où volonté de ne pas se faire connaître ?

Là encore, les policiers n’obtiennent pas de réponse. Désormais convaincu que la maison est temporairement vide, les inspecteurs commencent à s’éloigner, pensant revenir en fin d’après-midi. A ce moment là, une voix féminine s’éleva de l’intérieur de la villa : « On vient. Un instant ! »

Une femme, vêtue modestement, âgée d’une soixantaine d’année, claudicant légèrement, s’avança jusqu’au portillon pour leur ouvrir. Les deux inspecteurs se regardèrent. Le fait que la vieille femme boitille, venait d’attirer leur attention. Les inspecteurs s’approchèrent.

« Que voulez-vous ? » demanda t’elle. Son ton n’était pas des plus amène.

L’inspecteur Le Bozec sortit sa carte de police pour la lui montrer tout en expliquant :

« Nous voulons vérifier un renseignement. On nous a indiqué qu’ici habitait une femme dont le signalement correspondait à celui de la femme en noir soupçonnée d’avoir volé l’enfant du docteur Malmejac. »

L’interpellée n’eut aucune réaction apparente. Elle se contenta de demander :

« Permettez-moi d’appeler mon fils ! »

Elle se tourna alors vers la villa, lançant d’une voix forte :

« Gilbert ! Gilbert ! »

Au premier appel, les policiers virent apparaitre sur le pas de la porte un jeune homme âgé d’une trentaine d’années. A l’annonce de la raison de la visite des policiers, il fit soudain demi-tour, se précipitant à l’étage par l’escalier intérieur.

« Ne vous inquiétez pas, je vais le rappeler ! » tenta d’expliquer la femme pour calmer les soupçons des inspecteurs.

Comprenant instantanément que l’homme avait quelque chose à se reprocher, les deux policiers n’hésitèrent pas un instant. Bousculant la vieille femme pour qu’elle leur laisse le passage, ils se précipitèrent à l’étage sur les traces du fuyard.

Arrivés sur le palier, un cri d ‘enfant les immobilisa et, soudain, l’espoir les envahit. Sans hésiter, ils poussèrent la porte derrière laquelle le cri semblait provenir et restèrent sur le seuil, pétrifiés. L’homme était maintenant assis sur le lit, tenant à la main un revolver à barillet dont il avait posé le canon sur la tempe d’un enfant qu’il maintenait de l’autre main.

Il parut évident aux deux policiers qu’ils étaient en présence de l’enfant enlevé.

« Messieurs, un pas de plus et c’est finit ! » hurla t’il à l’adresse des inspecteurs.

Ce disant, il désignait du regard l’enfant. La minute était émouvante. Les inspecteurs hésitèrent une fraction de seconde avant de prendre l’option de parlementer avec le forcené, faisant attention à tous les mots qu’ils prononçaient.

« Non, voyons ! N’aggravez pas votre cas ! Vous voulez donc connaître la guillotine ? Allons, vous savez bien que le docteur Malmejac assure l’impunité à qui lui rendra son enfant ! »

« Alors promettez-moi que je ne serais pas inquiété, tout comme ma mère et que je disposerais de vingt-quatre heures pour fuir ! »

« On te promet qu’on ne te fera pas de mal ! » répliqua l’inspecteur Le Bozec d’une voix douce.

Comme Les deux inspecteurs l’expliquèrent plus tard lors d’une conférence de presse, dans l’esprit dans lequel ils se trouvaient à ce moment là, ils auraient promis n’importe quoi pour sauver la vie de l’enfant.

Le jeune homme, lançant le revolver sur le lit en signe de reddition, se contenta de dire : « Eh bien voilà ! »

L’inspecteur Le Bozec poussa sans ménagement le jeune homme et sa mère, qui avait assisté à toute la scène depuis le pas de la porte, vers un coin de la chambre. Au même moment, l’inspecteur Aubin, avec des gestes de mère, prenait l’enfant dans ses bras.

Le petit Claude Malmejac était sauvé car il ne faisait aucun doute aux policiers que l’enfant qui était en leur présence était bien l’enfant enlevé.

IX / Les ravisseurs :

La première chose que firent les inspecteurs, après avoir fouillé les suspects, et une fois ceux-ci sous contrôle fut de questionner les suspects sur leurs identités. Ils se présentèrent sous le nom de Marie et Gilbert Rolland.

Mais il fallait prévenir la Sureté de l’heureuse nouvelle. L’inspecteur Aubin sortit donc de la maison, laissant les deux ravisseurs sous la surveillance de l’inspecteur Le Bozec, renforcé par le chauffeur de la voiture de police, Siaud.

La vieille femme, inconsciente de ses propos, demanda :

« Vous allez téléphoner au docteur Malmejac ? »

A la réponse affirmative de l’inspecteur le Bozec, un chaleureux sourire illumina le visage de la vieille femme. S’asseyant sur le lit tout en se frottant les mains, elle dit joyeusement aux policiers :

« Enfin, nous allons toucher nos cinquante mille francs ! »

Dans les bureaux de la Sureté, la nouvelle fit l’effet d’une bombe d’autant plus que personne ne pensait que les deux inspecteurs étaient sur la bonne piste. Pour tout le monde, ils étaient allés confirmer que les informations de Mlle Montaigu étaient fausses.

Aussi, lorsque l’inspecteur Aubin, ayant enfin en ligne le chef de la Sureté, M.Couplet, prononça cette simple phrase : « J’ai le petit ! », Ce fut une explosion de joie à l’Evêché.

Il était seize heures trente ce 2 décembre 1935.
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