dimanche 14 août 2011

L’info du dimanche : Fruits et légumes : les raisons d'une crise

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Dimanche 14 aout 2011 :
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La rubrique dominicale de mon blog, « l’info du dimanche », cette information locale, régionale ou nationale glanée dans la presse et qui m’a fait bondir de colère ou de joie durant la semaine.
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Vous le savez tous, des raisons familiales me poussent à m’intéresser de près à l’agriculture, à ses succès comme à ses problèmes. La crise que traverse l’agriculture ces dernières semaines ne pouvait donc me laissait indifférents.

Dans son édition du 12 aout, le quotidien « Le Monde » publie une intéressante étude sur les raisons de cette crise. Je vous laisse en tirer vos propres conclusions.
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Bonne lecture !
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Fruits et légumes : les raisons d'une crise
LEMONDE.FR | 12.08.11 | 20h45
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Elle a beau être "de plus en plus douce, moins acide, plus attractive", rien n'y fait : la pêche est en crise. "Après trois années négatives, beaucoup se demandent s'ils vont renouveler leur verger", assure Bruno Darnaud, président de l'Association des producteurs de pêches-nectarines, de son exploitation du pays de Tain-l'Hermitage (13).
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L'arboriculteur rappelle l'inexorable dégringolade de ces fruits, pourtant vedettes de nos étals estivaux : alors que 500 000 tonnes étaient produites en France il y a dix ans, le nombre est passé à 300 000 aujourd'hui, soit 10 % de la production européenne.
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Depuis le début de la saison, d'autres fruits et légumes ont été officiellement déclarés "en crise" : le melon, la poire, la prune, la tomate, ou encore le concombre. Leurs prix sont inférieurs de 15 % à 45 % à la moyenne des cinq dernières années, selon l'AFP. Pour Bruno Darnaud, au-delà de ces chutes conjoncturelles, "on arrive à la fin d'un système. On est à bout". Comment les maraîchers en sont-ils arrivés là?
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Un défaut de compétitivité au sein de l'UE
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Bruno Dupont, président de la Fédération nationale des producteurs de fruits, cible un premier problème : "On nous demande d'être compétitifs. Or, on ne l'est pas." La pêche française se vend environ 1,30 euro en temps normal, contre 1 euro en cette période de crise. En Espagne, les producteurs la vendent 50 centimes, selon Bruno Darnaut. "Là, la concurrence n'est plus supportable. Il faut nous dire comment on fait dans ce système libéral."
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En Espagne aussi, la crise touche les producteurs, qui vendent à perte. Mauvaise santé de l'économie et chômage massif rongent le marché intérieur de la péninsule – les gens n'ont plus assez d'argent pour acheter des fruits –, et creusent l'écart du coût de la main-d'œuvre avec la France.
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Ce sont ces différences de coût du travail, mais aussi des normes environnementales et de qualité entre les Etats de l'UE, qui posent problème pour les producteurs. Certes, en théorie, il y a des obligations de normalisation. Mais les opérations menées par la FDSEA (Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles) – jeudi, ils étaient deux cents à contrôler des camions de fruits et légumes venant d'Espagne au péage de Lançon-de-Provence – ont montré que leur application laissait à désirer, selon MM. Darnaud et Dupont.
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En témoignent ces pêches de petit calibre ou attaquées par le virus de la sharka, interdites à la commercialisation en France, pourtant en route vers les supermarchés de l'Hexagone. "Notre but n'est pas de stigmatiser les producteurs espagnols, qui sont aussi en détresse, souligne Bruno Darnaud, mais de montrer que c'est la loi de la jungle."
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Aujourd'hui, les producteurs attendent beaucoup de l'Europe, dont les fonds ont, selon eux, aidé à monter les vergers industriels du sud de l'Espagne. La nécessaire compensation de ces différences est sur toutes les lèvres. Un pari difficile, quand le smic français est quasiment deux fois plus élevé qu'en Espagne (en 2007, 1 254 euros contre 666 euros selon Eurostat). Seule alternative à cette harmonisation pour M. Dupont : "Décider, une bonne fois pour toutes, d'arrêter la production de ces fruits en France et se reconvertir. Mais c'est un choix de société : pour l'instant, on est au top de la qualité, de la traçabilité et des normes d'hygiène."
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Des fruits français de plus en plus précoces
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Si la concurrence des pays méridionaux d'Europe se fait plus durement sentir cette année, c'est que les fruits français ont mûri en avance – de trois semaines pour les pêches. Résultat : ils arrivent en même temps que ceux d'Espagne, d'Italie ou de Grèce sur les étalages.
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Au-delà de la grande variabilité de la météorologie selon les années, Bernard Seguin, chercheur à l'INRA (Institut national de la recherche agronomique), note clairement un avancement de la maturation des fruits d'été. Cette année, le printemps chaud et sec est venu renforcer cette tendance. "Mais en moyenne, les fruits sont de quinze jours à trois semaines plus précoces par rapport aux années 1980", note le chercheur.
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L'évolution est particulièrement saillante dans les vignes – les dates de vendanges du médoc se sont ainsi avancées de vingt jours depuis 1954 selon l'INRA –, mais pas seulement : en 1970, les pruniers d'Ente ont fleuri vers le 20 avril. En 2002, les bourgeons ont éclos le 25 mars, et même le 10 mars en 1997. Pendant ce temps, le climat en Europe du Sud évoluerait moins nettement : les périodes de récolte vont donc, de plus en plus, empiéter les unes sur les autres.
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Pour Bruno Dupont, il s'agit donc de réfléchir à de nouvelles variétés et à des techniques d'étalement des productions, en France comme au niveau européen, afin d'éviter ces pics d'arrivages de fruits.
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La grande distribution tire les prix à la baisse
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Depuis la crise agricole de 2009, largement due aux relations avec la grande distribution, selon Bruno Dupont, des mesures ont été prises pour instaurer plus d'équité. Et les grandes surfaces jouent désormais le jeu en mettant en valeur les origines françaises, concèdent les producteurs. Mais aujourd'hui, les distorsions de marché engendrées par les différents coûts de production entre pays permettent à la grande distribution de tirer les prix vers le bas.
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Et ce n'est pas tout : des problèmes persistent, selon Bruno Darnaut, quant à la régularité des ventes notamment: "Les jours de promotion, on a du mal à suivre au niveau de la production. Mais le reste du temps, les grandes surfaces ne mettent pas en avant leurs rayons fruits, et ne sortent presque rien. Le marché s'engorge. Ce qui les arrange bien puisque du coup, les prix s'effondrent." Or, pour les producteurs de fruits, le chiffre d'affaire annuel se joue en deux ou trois mois, voire en à peine deux semaines pour les fraises et les framboises.
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Enfin, en cette période de crise, les distributeurs sont tenus à une modération de leurs marges. Mais là encore, la mesure ne convainc pas : "La marge sur un fruit en crise ne doit pas dépasser la marge moyenne de tout le rayon fruits et légumes, exotiques compris, de l'année précédente. C'est absurde", juge M. Darnaut.
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Les consommateurs mangent moins de fruits et légumes frais
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Cet été, la météo aurait découragé les Français de déguster nectarines, framboises ou prunes, des fruits associés aux chaleurs estivales. Quant aux légumes, ils auraient subi l'onde de choc de la crise sanitaire de l'E. Coli, de même que les pêches et les abricots. Très appréciés en Russie, ils ont pâti de la fermeture des frontières de cette dernière.
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Au-delà de ces événements, la consommation alimentaire change. Elle représente 13,4 % du budget des Français en 2007, selon le ministère de l'agriculture, contre 20 % dans les années 1960, selon l'Insee, qui relève une hausse de la consommation de fruits et légumes frais proche de zéro depuis cinquante ans.
Angela Bolis
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