vendredi 5 août 2011

Il y a cent ans : Revue de presse du 31juillet au 6 aout 1911

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Vendredi 22 juillet 2011 :
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Une petite revue de presse centenaire et cent pour cent subjective des événements qui se sont déroulés l’été 1911 par le biais de la « bible » de la presse nationale de l’époque : « Le Petit Parisien »
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Lundi 31 juillet 1911 :

Maroc : A Berlin, le Kaiser Guillaume II convoque plusieurs de ses ministres dont celui des Affaires-étrangères et celui de la Guerre pour faire un point sur les négociations franco-allemande sur le Maroc. De nouveau, rien ne filtre à l’exception d’une indiscrétion d’un haut fonctionnaire présent à cette réunion laissant entendre que Guillaume II était très satisfait de la tournure des événements.

Incendie : Les ateliers et réserves électrique de la compagnie des chemins de fer « Compagnie du Nord » sont détruits par un terrible incendie s’étant déclenché durant la nuit, vers trois heures du matin.

Si aucune victime n’est à déplorer, les ateliers sont entièrement détruit et les dégâts évalués à plusieurs centaine de milliers de francs. Pire, ces ateliers étaient en fait l’ancienne gare en bois de Dieppe qui avait servi pour l’exposition universelle de 1889, démontée et reconstruite là à cause de son originalité architecturale. Outre la gare « historique », l’ensemble des appareillages électrique de la Compagnie du Nord, plusieurs wagons ont aussi été détruit par un feu probablement né à la suite d’un court-circuit.

Insolite : Un ballon en perdition au dessus de la capitale se pose en catastrophe dans la cour de l’hôpital de la Charité. Faute de vent, le ballon, parti de Saint Cloud et conduit par des civils, n’a pu sortir du piège de la capitale et a donc fini sa course dans les parterres fleuris de l’hôpital.

Tour de France : Dernière étape Le Havre – Paris (317 Kilomètre)

Après quinze étapes et cinq mille kilomètres, les vingt cinq coureurs encore officillement en course regagnant Paris pour un sprint final sur le vélodrome du Parc des Princes.

« La gigantesque épreuve du Tour de France cycliste organisée .par notre confrère l'Auto s'est terminée hier Depuis un mois, au nord, l'est, au sud, à l'ouest, elle a obtenu un succès considérable.

Disons de suite que c'est Garrigou, qui, finalement, en sort vainqueur. En tête du classement général depuis le début de la course, le jeune coureur ne pouvait, d'ailleurs être battu, à moins d'accident. Derrière lui se place Duboc qui vient de conquérir ses galons de grand routier. Garrigou et Duboc ont reçu à leur arrivée au parc des Princes l'ovation formidable que valait leur prouesse.

Mais ils ne sont pas seuls à mériter l'éloge. Quatre-vingt-quatre coureurs quittèrent Paris au commencement de ce mois. Sur ce nombre, 25 y revenaient hier après avoir franchi, en 15 étapes, plus de 5000 kilomètres, par une température atroce,

Ces vingt cinq ne sont-ils pas également dignes d'être hautement félicités ? Ne sont-ils pas également tous des athlètes puissants et courageux, qui viennent de prouver leur valeur exceptionnelle »

Quinzième étape : ordre d’arrivée au Parc des Princes

1er : Marcel Godivier (La Française) en 10 h 40’
2 : Paul Duboc (La Française) à douze minutes
3 : Gustave Garrigou (Alcyon) Même temps
4 : Charles Cruchon (La Française) à 27 minutes
5 : Jules Deloffre même temps

Classement général aux points (seul classement général existant à l’époque)
1er : Gustave GARRIGOU (Alcyon) - 43 points
2 : Paul DUBOC (La Française) – 61 points
3 : Emile GEORGET (La Française) – 84 points
4 : Charles CRUPELANDT (La Française) – 109 points
5 : Louis HEUSGHEM (Alcyon) – 135 points

Mardi 1er aout 1911 :
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Sécheresse : La sécheresse et des températures caniculaires continuent à sévir en Ile de France rendant la situation pénible même si, à la suite d’une brève ondée dans la nuit de dimanche à lundi, le thermomètre a baissé de quelques degrés.

Les coupures d’eau devenant de plus en plus fréquente en journée et s’ajoutant à celle déjà existante durant la nuit poussent le préfet de la Seine, Mr DELANNEY à réunir une cellule d’urgence regroupant tous les acteurs. La mise en service au-delà de sa capacité actuelle de l’usine de pompage et retraitement de l’eau de Saint Maur (actuellement calibrée pour 30.000 m3 d’eau traité mais pouvant en pomper 80.000) est décidée. Il est aussi demandé aux parisiens de rationner l’eau par tous les moyens.

Faits divers : Conséquence directe de la canicule, les esprits s’échauffent et la rubrique « faits divers » s’agrandit. Ainsi, en ce mardi, on peut successivement s’intéresser à :
1/ une querelle entre frères qui se terminent à coup de couteau (un mort)
2/ un amoureux évincé qui poignarde son ex maitresse (une morte)
3/ un jeune enfant qui, par désœuvrement, fait dérailler le train Paris-Melun (deux morts)
4/ un ouvrier qui tabasse à mort sa femme (une morte)
5/ un commerçant tué à coup de marteau par un client mécontent (un mort)
6/ un maçon épris de boisson qui jette sur les passants des tuiles du haut d’un toit (un mort)
7/ deux passants roués de coups à Vaugirard par une vingtaine d’apaches (un mort)
8/ une querelle de voisinage se réglant à coup de barre de fer (un mort)
9/ une querelle entre « tapineuse » se terminant en une bagarre au couteau (une morte)
La liste pourrait encore être longue mais je m’arrête au simple faits divers ayant entrainés la mort. On constate donc pas moins de dix morts violentes dans la capitale pour la journée de lundi sans que cela n’émeuvent grand monde. Et encore, je ne comptabilise pas cet agent de change et son garde du corps grièvement blessés par des gangsters à Suresnes ni le bureau de poste de Clichy attaqué en milieu de journée.
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Aviation : Le Ministère des Transport, tirant les enseignements des dramatiques accidents aériens survenus au Printemps, constatant l’augmentation alarmante des aéronefs et se basant sur les travaux de la Commission Internationale de l’Aviation, arrive à la conclusion qu’une réglementation aérienne doit être mise en place. Une Commission est nommée avec pour mission d’établir les bases de cette réglementation et pour ambition d’être proposées à l’ensemble des membres de la Commission Internationale pour adoption.
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Mercredi 2 aout 1911 :
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Sécheresse : Les premiers mètres cubes d’eau en provenance du bassin de Saint-Maur approvisionnent enfin les canalisations parisiennes. La préfecture de la Seine précise que, bien que traité grâce à des procédés dits « américains », cette eau doit malgré tout être épuré au moyen de filtre à sable.

Apaches : A la Villette, une guerre de territoire oppose deux bandes d’apaches depuis plus d’un mois. Rien que la semaine précédente, pas moins de dix bagarres entre individus des deux camps a été recensé par la police. Le mardi 2 aout au soir, les deux bandes au grand complet se rencontrent rue de Meaux alors que les ouvriers rentrent chez eux. De cette bagarre gigantesque qui dura près d’une heure. De ce combat, la police constat un mort, un jeune de vingt ans tué d’un coup de couteau, et deux passantes blessées dont une fillette de douze ans, victime collatérale de ce déchainement de violence.

Jeudi 3 aout 1911 :
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Maroc : La presse française commence à avoir des doutes sur l’état d’avancement des négociations, surtout après une nouvelle rencontre directe entre les deux diplomates en charge de ces négociations, le ministre des affaires étrangères allemand Mr De KIDERLEN-WACHTER et l’ambassadeur de France en Allemagne, Jules CAMBON. Des fuites d’origine inconnue font état de la demande allemande de compensation africaine si elle laisse les territoires marocains à la France, en l’occurrence une parti du Congo, le Gabon et la rive française du lac Tchad. Il est évident, et la presse française s’en fait écho avec tapage, que la France ne peut accepter une telle concession.
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Cheminot : Ouverture à Paris du « Congrès des Cheminots », rassemblement des représentants des cheminots syndiqués de France. Dès le premier discours, il apparaît un profond clivage entre deux courants, l’un dit « révolutionnaires », proche des anarchistes, minoritaires, l’autre « réformiste », voulant une transformation en douceur du dur métier de cheminot. Le principal clivage vient de l’appréhension des « sabotages » se déroulant sur tous les réseaux ferrés de France mettant en péril la bonne marche des réseaux.
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Marseille : Le crime d’une hôtelière de la rue de la Paix, Mme POLETTI, secoue la cité phocéenne. L’hôtelière a été retrouvé ligotée, bâillonnée et lardée de coup de couteau, dans sa cuisine et ses économies ont été dérobées. Les soupçons de la police se portent sur un locataire de l’hôtel au comportement bizarre.

Vendredi 4 aout 1911

Diplomatie : Signature entre la République Française et les Etats-Unis d’Amérique d’un traité d’arbitrage facilitant la résolution des éventuelles crises diplomatiques. Ce traité est le prolongement du traité franco-américain signé le 18 février 1908 en abolissant la plupart des restrictions y figurant et en renforçant les liens entre les deux puissances.

Le préambule de cette « charte » est, en lui-même, suffisamment explicite : « La République française et les Etats-Unis d'Amérique, également désireux de perpétuer la ferme, inviolable et constant paix qui a heureusement existé entre les deux nations, depuis les premiers jours de l'indépendance américaine, et qui a été rendue plus assurée encore par leurs étroites relations d'amitié et de commerce, constatant qu'il n'existe entre eux aucune importante question en litige et résolus d'empêcher qu'aucun différend puisse être à l'avenir une occasion d'hostilités entre eux ou interrompre leurs bonnes relations. »

Cheminots : La tendance « révolutionnaire » présente au Congrès des Cheminots est mise en minorité lors d’un vote condamnant les actes de sabotages perpétrés sur les réseaux ferrés français. Toutefois, il apparait évident à tous les observateurs qu’une scission est inévitable entre la branche dure des révolutionnaires et la tendance réformiste des syndicats.

Antimilitarisme : Les trois syndicalistes de la Chambre de la Maçonnerie et du bâtiment impliqué dans l’affaire du « sou du soldat » sont renvoyés en correctionnelle par le juge d’instruction sous l’inculpation de « provocation de militaire à la désobéissance ». Ce renvoi émeut la France toute entière.

Insécurité : Je ne résiste pas à la tentation de mettre en intégralité cette brève trouvé dans le petit-Parisien. Pour tous ceux qui disent qu’il y avait moins d’insécurité « avant » parce que les forces de l’ordre étaient respectées : « Pour s'être passée dans le Midi, la petite histoire suivante n en est pas moins vraie. La voici dans toute sa saveur : Surpris pendant qu'ils jouaient au baccara dans un établissement de la commune de la Verdière, près de Brignoles, des individus ont, pour se venger, fait prisonniers les gendarmes, qui avaient fait irruption dans la salle. Puis, s’étant munis de matraques, ils ont roué de coups les représentants de l'autorité et les ont enfermés dans une chambre, ou ils les laissèrent se morfondre pendant toute la journée. Ce n'est que le lendemain dans la nuit que les malheureux furent remis en liberté. »

Samedi 5 aout 1911 :

Maroc : Alors que du coté français, aucun commentaire n’est fait sur les négociations en cours à Berlin, le Ministère des Affaires étrangères d’Allemagne publie un communiqué laissant présager une fin heureuse et proche à la crise d’Agadir.

« Berlin, 4 août. On constate officieusement que dans les entretiens de MM. Cambon, ambassadeur de France, et de Kiderlen-Waechter, ministre des Affaires étrangères, un rapprochement s'est opéré sur la question de principe.

L’élaboration des détails réclame toutefois un examen approfondi et c'est ce dont s'occupent actuellement les départements de l'Empire compétents, Le résultat des pourparlers sera soumis ensuite par le chancelier à l'empereur. »

Aéronautique : Védrine, vainqueur de la course aérienne Paris-Madrid, héros malheureux du tour d’Angleterre qu’il dut abandonner sur bris de moteur alors qu’il était en tête, réussit un nouvel exploit avec un vol Londres – Paris via Brighton, Folkestone, Boulogne et Dieppe. Il est accueillit à Issy-les-Moulineaux par des milliers de supporters fou d’enthousiasme.

Védrine refusera alors de raconter son voyage, « trouvant plus chic de traverser la Manche et se taire », heurtant en cela beaucoup de journaliste et déclenchant une polémique sur sa « fatuité ».

Cheminot : Le congrès, dans une déclaration solennelle, porte à la connaissance du public les nombreux dysfonctionnements au sein des réseaux ferrés français mais aussi le mauvis entretien des machines du au manque de personnel et la vétusté de certaines lignes laissées quasiment à l’abandon. Dans cette déclaration, le Ministre du Travail est interpellé par les représentants des cheminots pour qu’il prenne ses responsabilités et fasse appliquer les lois, surtout celle de 1908 sur le temps de travail en poste des machinistes.

P.T.T. : A l’occasion des vacances, Charles CHAUMET, sous secrétaire d’Etat aux P.T.T. inaugure plusieurs liaisons télégraphiques avec des villes balnéaires non encore reliées au réseau comme Etretat, Cabourg, Houlgate mais aussi avec des villes de villégiatures comme Gérardmer

Dimanche 6 aout 1911 :

Maroc : Le Quai d’Orsay, a son tour, publie un communiqué lapidaire qui, sans être aussi affirmatif que celui émis par l’Allemagne la veille, démontre bien que les négociations sont sur la bonne voie et qu’un compromis est sur le point d’être trouvé.

« Paris, le 5 aout : Dans les dernières entrevues entre M. Jules Cambon et M. de Kiderien-Waechter les vues de principe des deux gouvernements ont été mises en présence et comparées. Les combinaisons envisagées de part et d'autre et les solutions possibles font l'objet d'un examen approfondi de la part du gouvernement de la République. »

Tous les observateurs sont donc d’accord sur le fait que la France et l’Allemagne sont arrivées à un accord mais personne ne connaît l’étendu des compensations, ouvrant ainsi la voie à toutes les rumeurs les plus folles.

Marine : Le sous-marin Rubis, de la classe Emeraude, lancé en 1908, manque de couler pour une raison encore indéterminée. Alors qu’il naviguait en surface au large de Cherbourg, panneaux ouverts, le sous-marin commença à plonger, enfournant de l’eau par les ballastes avants. Seul la présence d’esprit de l’équipage et au sang froid de l’enseigne Charbonnier, alors de quart, qu’un véritable drame put être évité.

Aéronautique : A chaque jour son exploit. Après celui de Védrine hier et son Londres Paris, c’est au tour du Capitaine Félix de s’illustrer sur le terrain militaire d’Etampes aux commandes de son appareil Blériot. A l’aube, le capitaine Félix bat en effet le record d’altitude avec un vol à une hauteur de 3490 mètres, baromètre enregistreur faisant foi.

Canicule : Malgré les promesses et la décision d’ouvrir le bassin Saint Maur, les parisiens constatent que loin de baisser, les coupures d’eau ont tendance au contraire à augmenter. Devant la polémique et les manifestations spontanées qui se déroulent dans la capitale, la Préfecture de la Seine annonce pour le lundi 7 aout 1911 un retour à la normale dans l’approvisionnement de l’eau.
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