lundi 22 août 2011

1935 : L’affaire MALMEJAC – Partie 7 – Devant la Justice …

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Lundi 22 aout 2011 :
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Tous les lundis, durant cet été 2011, je vais explorer les méandres d’une affaire qui a bouleversé une longue semaine la ville de Marseille, et au-delà, la France entière : « l’affaire MALMEJAC » ou l’enlèvement d’un enfant en plein jour et au cœur même de la cité phocéenne.
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Ordre des publications :

Lundi 4 juillet 2011 : Présentation
Lundi 11 juillet 2011 : L’Enlèvement
Lundi 18 juillet 2011 : Premières recherches
Lundi 25 juillet 2011 : La piste d’Endoumes
Lundi 1er aout 2011 : La piste de Saint-Just
Lundi 8 aout 2011 : Les médias s’en mêlent
Lundi 15 aout 2011 : Le Boulevard des Fauvettes
Lundi 22 aout 2011 : Devant la justice
Lundi 29 aout 2011 : Un dernier rebondissement
Lundi 5 septembre 2011 : Conclusion

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I / M. Couplet sur les lieux :

L’appel de l’inspecteur Aubin à peine reçu, le Chef de la Sûreté bondit dans une voiture pour se rendre le plus rapidement possible au boulevard des Fauvettes. Il est accompagné de l’inspecteur chef Martini, de l’inspecteur Desmoulins et du secrétaire Musy.

Dans le sillage de la voiture de police s’engage une noria d’autres véhicules. Les journalistes qui attendent devant l’Evêché ont compris que quelque chose d’important est en train de se passer.

Lorsque l’étrange caravane arrive à Beaumont, une foule compacte est massée devant la villa des ravisseurs, foule franchement curieuse et tendue. En effet, les nombreux enfants qui sortaient de l’école voisine lors de l’intervention des inspecteurs Aubin et Le Boazec, ont compris que des événements intéressant étaient en train de se produire dans leur quartier habituellement si calme. En courant, ils avaient gagné le portail de la villa et, bientôt, voisins, voisines, mères venant chercher leurs enfants, curieux, s’étaient rassemblés sur le trottoir, devant la porte du jardin au fond duquel s’élève la villa des ravisseurs.

L’arrivée, que l’on ne peut pas qualifier de discrète, du chef de la Sécurité Couplet, leva les derniers soupçons qui pouvaient encore étreindre la foule. L’affaire était sérieuse et la seule affaire sérieuse en cours à ce moment là dans Marseille était l’affaire Malmejac. La ravisseuse se trouvait donc derrière ces murs. De curieuse, la foule bascula dans l’hostilité la plus complète.

A peine les policiers furent-ils dans la maison que les inspecteurs Aubin et Le Boazec qui attendait impatiemment l’arrivée de leur chef, lancèrent d’une voix chargée d’émotion :

« Voilà l’homme et la femme mais surtout voilà Claude ! »

Comme l’expliquera plus tard M. Couplet, il fut pris d’une énorme émotion en voyant le petit garçon que portait l’un de ses inspecteurs. Il ne faisait aucun doute que l’enfant était Claude Malmejac. Le furoncle sanguinolent plus que les vêtements le faisait comprendre. A la pensée de la future joie des parents, l’émotion du chef de la Sureté fut encore plus grande.

C’est à ce moment là que Gilbert Rolland interpella M. Couplet qu’il venait de reconnaître :

« Qu’allez-vous faire de moi ? Vos inspecteurs m’ont donné la promesse formelle de me laisser échapper ! »

M. Couplet se contenta de répondre d’un ton sec :

« On va seulement vous interroger ! »

Il ne voulait pas heurter un témoin qui, pour l’instant, n’avait pas dit grand chose. Il ne fallait pas qu’il se referme sur lui-même comme une huitre et ne parle plus.

II / Perquisition aux Fauvettes :

Prenant les choses en mains, M. Couplet distribua des consignes claires : Priorité à l’enquête. Dans un premier temps, les inspecteurs procédèrent aux constatations indispensables à la bonne marche de l’enquête, fouillant sommairement la villa.

Ils commencèrent par inspecter le rez-de-chaussée. Le salon était modeste, assez simple d’aspect, bien que meublé sans aucun gout. Une table et des chaises en osier en sont le principal mobilier. Sur la droite, à côté d’une cheminée postiche, une armoire peinte en blanc est dressée. De l’autre côté, sur un meuble grossier, trône un poste T.S.F. flambant neuf.

Sur la table sont posés en vrac des journaux racontant le rapt, un roman de Gyp, « Ces bons docteurs », des revues policières et artistiques.

Par une sorte d’alcôve, un petit escalier permet de gagner le premier étage. Toujours au rez-de-chaussée, la cuisine est située quant à elle à côté du salon.

Cette cuisine n’est pas comme les autres. Les policiers ont l’impression de pénétrer dans un zoo. En effet, ils ont la surprise d’y découvrir successivement un chien se terrant dans un coin, une perruche sur son perchoir et un singe, enfermé dans une cage grossière. C’est une véritable ménagerie qui peuple la cuisine. Du travail attend la S.P.A.

Au premier étage, deux chambres prennent jour le devant de la villa. Celle de gauche est celle de Gilbert Rolland. Un divan, des étagères avec des livres, romans d’aventure, mais aussi des romans policiers qui côtoient les textes des grands auteurs classiques.

A gauche, on découvre la chambre de Marie Rolland. Les murs sont tapissés d’un papier peint clair. Le lit fait face à une cheminée ornée de candélabres richement décorés. A côté du lit, un petit divan est installé avec quelques coussins posés dessus. Dans un coin, les policiers trouvent une grande malle contenant divers documents comme des lettres, des papiers, des factures, etc.

Dans le cabinet de travail qui est situé sur le même palier, à proximité d’une salle de bain, les enquêteurs vont découvrir un chevalet et des aquarelles signées de la main de Gilbert Rolland. Les policiers ne peuvent que constater que, comme peintre, le jeune homme possède un talent certain.

III / Transfert à l’Evêché :

Une fois la perquisition sommaire effectuée, M. Couplet décide alors de transférer les suspects à l’Evêché pour, dans un premier temps les interroger puis, dans un second temps, les inculper.

Lorsqu’ils comprennent qu’ils vont être emmenés au siège de la Sureté, Marie et Gilbert Rolland sont soudain pris d’inquiétude pour le sort de leur ménagerie.

« Soyez bon pour eux ! » supplient ils « Soignez les biens. Au besoin, prenez-les chez vous. Mais, qu’au moins ils ne manquent de rien ! »

A l’extérieur, les policiers ont eu la sagesse d’amener devant la villa une de leurs voitures et d’établir un périmètre de sécurité autour de la villa. C’était là une bonne précaution. La foule était en effet prête à faire un mauvais sort à la mère et à son fils. Le lynchage pur et simple n’était pas loin. Les cris, les invectives et les huées ne laissent planer aucun doute de l’état d’esprit de la foule.

Avec difficulté, sous la protection des brigadiers présents, le couple est placé dans la voiture qui démarre aussitôt en direction de l’Evêché. Elle est suivie de très près par deux autres véhicules de police, le premier avec les inspecteurs Le Boazec et Aubin, l’autre avec M. Couplet qu’accompagne le petit Claude.

IV / Les retrouvailles :

Le bruit de la découverte de l’enfant, bien vivant et en bonne santé, n’ayant subi aucun sévices, s’était répandu comme une trainée de poudre autour de l’Evêché.

Lorsque les trois voitures, trainant toujours dans leurs sillages une noria de véhicules de presse, arrivèrent aux abords de l’hôtel de police, la rue de l’Evêché était noire de monde. Après le passage difficile des voitures, les policiers durent fermer les portes pour éviter que l’hôtel de police ne soit envahi par tous ceux qui voulaient voir l’enfant et faire un mauvais sort aux coupables.

Alors que les suspects sont transférés sans ménagement dans le bureau du chef de la Sureté, l’enfant, pleurant dans les bras de l’inspecteur-chef Martini, est conduit dans l’appartement de fonction de M. Couplet où l’accueille une Mme Couplet pleine d’attention. Le but de cette opération est d’éviter au bébé d’être traumatisé par la foule et permettre aux parents de venir le récupérer en toute sérénité.

Calmé, l’enfant promène un regard étonné sur toute cette animation, comprenant confusément que quelque chose d’heureux pour lui est en train de se dérouler autour de lui.

Pendant ce temps là, au 185 de l’Avenue du Prado, on ignore encore la bonne nouvelle. C’est une voisine, Mme Mallet, qui avait mis son téléphone au service de la famille, qui reçut l’appel de M. Couplet. Comprenant que quelque chose de sérieux se déroulait et en l’absence de M. Malmejac, c’est le cousin de celui-ci, M. Sarlande qui prit l’appel. En effet, le docteur Malmejac ne se trouvait pas présent à ce moment là, se trouvant dans les locaux du Petit Marseillais en compagnie du rédacteur en chef de celui-ci, Léon Bancal.

Après que M. Sarlande eut affirmé qu'il était seul et que personne ne les écoutait, M. Couplet laissa éclater sa joie. Dans un premier réflexe, le cousin crut à une odieuse plaisanterie. Son esprit ne pouvait concevoir une telle chose, ne pouvait concevoir un tel bonheur. Il fallut que M. Couplet fasse entendre la voix du petit Claude pour que son interlocuteur comprenne enfin la vérité.

N’arrivant toujours pas à croire une telle nouvelle et ne voulant pas donner de faux espoirs à sa cousine, M. Sarlande se contenta de dire à la famille, sur un ton détaché :

« Encore une nouvelle piste. Je vais aller la vérifier ! »

Il quitta le domicile des Malmejac en compagnie de Mme Mallet, la voisine et Mme Armand, l’amie de la famille pour se rendre à l’Evêché. Il voulait vérifier de visu l’état de santé du petit Claude pour éventuellement préparer la mère à affronter le pire. M. Sarlande n’arrive pas à imaginer que l’enfant soit en bonne santé après une disparition d’une semaine

De son côté, le docteur Malmejac se trouve dans les locaux du « Petit marseillais » où il a rendez-vous avec le rédacteur en chef de celui-ci. Léon Bancal. Il compte remettre à Léon Bancal le message qu’il a écrit le matin même et qu’il compte faire publier le lendemain dans la presse locale.

Le journaliste, lorsqu’il est prévenu par un de ses collaborateurs que l’enfant a été retrouvé, quelques instants avant de rencontrer le père éploré, pense dans un premier temps qu’il s’agisse d’une fausse nouvelle. Mais le journaliste qui a contacté la rédaction est un de ses meilleurs éléments. Il faut quelques secondes à Léon Bancal pour prendre toute la mesure de l ‘événement. Il décide alors de prévenir le docteur Malmejac avec douceur.

Léon Bancal se contenta seulement d’aviser son interlocuteur que la police avait découvert un enfant dont le signalement semblait correspondre au petit Claude. Dans les locaux de la rédaction du « Petit- marseillais », on savait désormais qu’il ne pouvait y avoir aucune erreur possible. Toutefois, aucun journaliste ne voulait prendre le risque de l’annoncer au principal concerné, ne sachant top « comment présenter la chose », ne voulant pas « éprouver une joie trop directe » comme l’expliquera plus tard Léon Bancal dans un éditorial.

Ce sera durant le trajet en taxi entre les locaux de la rédaction du « Petit marseillais » et l’Evêché que Léon Bancal va annoncer au docteur Malmejac la bonne nouvelle, mettant ainsi fin à l’angoisse compréhensible du père.

Lors de son arrivé à l’Evêché, le docteur Malmejac est accueilli par la clameur de la foule qui laisse exploser sa joie en le voyant. Suivant un policier, le docteur Malmejac monte quatre à quatre les marches conduisant à l’appartement de M. Couplet.

« C’est lui ! » s’écrie-t’il en voyant l’enfant avant de se précipiter en larmes sur son fils.

L’émotion qui présida aux retrouvailles fut intense et indescriptible. Des reporters-photographes voulurent immortaliser cet instant. Ils furent alors autorisés à pénétrer dans le petit appartement de fonction. Les éclairs de magnésium illuminèrent la bousculade qui s’ensuivit.

Pendant ces minutes inoubliables, la gouvernante Georgette Perrachon se trouvait dans un bureau adjacent de la Sureté. La nouvelle de sa présence parvint aux oreilles du docteur Malmejac qui pria aussitôt qu’on aille la chercher. Le cri qu’elle poussa en voyant l’enfant fut aussi émouvant que les sanglots de son employeur. L’enfant, voyant tout cela, se mit lui aussi à pleurer.

V / Premiers interrogatoires :

Durant toutes des effusions, le couple suspect attend son interrogatoire sans le bureau du chef de la Sureté.

La vieille femme, appuyée sur sa canne, semble perdue dans ses pensées, tandis que son fils paraît prostré. Le « Petit marseillais » va faire une description peu flatteuse de la scène :

« La vieille dame en noir, assise et comme repliée sur elle-même, s’appuyant sur sa canne, fixait le sol, n’osant relever la tête. Son fils, le visage effilé, d’allure non moins misérable, avec des yeux fuyants et faisant preuve d’un cynisme révoltant, semblait préparer dans une froide méditation des raisons qui puissent atténuer la gravité de son crime. »

C’est bien entendu M.Couplet qui va mener les premiers interrogatoires dont le but est de définir l’identité des ravisseurs et cerner leurs motivations.

La vieille femme se présente sous le nom de Marie Joly épouse Rolland née à la Roche-sur-Yon le 4 septembre 1867, sans emploi. Son fils, Gilbert, est âgé de 25 ans, dessinateur de profession mais actuellement sans emploi.

Ils ne font pas trop de difficulté pour raconter ce qu’il s’est passé à l’exception du fait que mère et fils s rejettent l’idée première de l’enlèvement.

Le Petit Provençal du 3 décembre 1935 racontera en détail l’interrogatoire des prévenus, preuve flagrante des complicités existante à l’époque entre les forces de l’ordre et la presse locale. A méditer à l’heure de notre sacro-saint « secret de l’instruction » !

VI / La version de Marie Rolland :

« Nous sommes arrivés à Marseille depuis deux ans. Nous avons habités tout d’abord avenue des Roches, au Roucas-Blanc. Cinq mois après, j’ai acheté un magasin de teinturerie au Cours Devilliers. Il valait 75000 francs mais je n’ai payé que 45000 francs comptant. Après six mois d’exploitation, j’ai du le revendre et j’ai perdu beaucoup d’argent. Nous sommes allé nous installé Boulevard Bel-Air à Beaumont puis au Boulevard des Fauvettes. Nous vivions de l’argent qui me restait de la vente de la teinturerie ainsi que d’objets mis en gage au Mont de Piété sans oublier l’argent récupéré par la vente des portraits que mon fils faisait.

Finalement nos ressources s’épuisèrent. Notre loyer était de 3500 francs. Il nous reste aujourd’hui 35 francs. Il nous fallait à tout prix des ressources. J’ai vu beaucoup de films cinématographiques. J’ai lu beaucoup de romans policiers. C’est de là que me vient l’idée de voler un enfant afin d’essayer d’obtenir contre sa restitution à ses parents une forte rançon. Cette idée, j’en fis part à mon fils avec qui nous nous sommes concertés pour mettre au point les détails de son exécution.

Je me suis mis en quête d’une proie. Un jour, alors que je venais de visiter un appartement dans l’immeuble situé au 50 Boulevard Dugommier, je rencontrais une nurse qui avait avec elle deux enfants. Quoiqu’ennuyé de me trouver en présence de deux bébés, je décidais de les utiliser. C’étaient les enfants du docteur Cizali.

Le soir, je fis part de mon intention à mon fils qui me répondit de faire comme je voudrais.

Le lendemain, vers dix heures, je prenais place dans un taxi que je hélais à la station de la rue Saint Bazile, au Chapitre. Arrivée au Jardin Longchamp où je savais trouver la nurse et les deux petits confiés à sa garde. Je priais alors le chauffeur de taxi d’aller chercher la nurse au milieu d’un groupe de personne. Mais cette première tentative échoua. Quand j’arrivais chez moi, je contais les détails de ma mésaventure à mon fils qui ne montra aucune émotion. Je n’abandonnai pas mon projet. Et vous savez comment, après avoir pris tout mes renseignements, je réussissais à m’emparer du fils du docteur Malmejac.

Avec mon fils, nous convînmes que si l’affaire réussissait, nous nous retrouverions Cours Pierre Puget. Quand j’eus commis le rapt, je me fis conduire au numéro 5. Là, j’entrais dans le couloir. Quand le chauffeur fut reparti, je ressortis. Je me suis promené en long, en large, sur le cours, en attendant mon fils qui n’arrivait pas. En allant et venant, je remarquai que la porte de l’immeuble portant le numéro 18 était ouverte. Je pensais que je pourrais me débarrasser à cet endroit du landau bien encombrant. C’est ce que je fis quand mon fils arriva. Tandis que je laissais le landeau à coté de la porte de la cave, il arrivait en taxi. Nous nous sommes fait conduire devant la porte de l’école des garçons de Montolivet. De là, nous nous sommes rendus chez nous à pied.

Tandis que je me demandais ce que pouvait penser les parents du petit, mon fils m’expliqua que je n’avais pas à m’inquiéter, qu’il avait envoyé une lettre. Sur le moment, je n’ai pas compris car je ne m’expliquais pas comment il avait eu les moyens de se rendre au domicile des parents. Le lendemain et les jours suivants, nous avons acheté une grande quantité de journaux mais je n’ai pas osé faire marcher le poste TSF, du moins au début.

Mon fils a écrit de nombreuses lettres. Dans une de ces lettres, celle expédié hier au soir, il a mis, ainsi que le demandait le Docteur Malmejac, le bracelet du petit Claude.

J’ai toujours bien traité l’enfant, me conformant aux prescriptions données par la mère à la TSF quand nous avons décidé de l’écouter. Je lui ai surtout fait manger des bananes. Je vous jure qu’il n’y a aucun complice à rechercher. »

VII / La version de Gilbert Rolland :

« Je suis dessinateur-artistique, élève de l’école des Beaux-arts de Marseille. J’étais sans travail depuis longtemps. Acculé à la misère, l’idée m’est venue de ravir un enfant et de faire chanter la famille. Je me suis mis en campagne sans connaître précisément le nom de mon éventuelle victime. Après un essai infructueux, j’ai remarqué l’apparence cossue de l’immeuble situé au 185 de l’avenue du Prado, le jour où, précisément, en sortait un enfant et sa nurse. Je n’ai su qu’après l’enlèvement qu’il s’agissait de Claude Malmejac, fils de docteur.

A des signes extérieurs, j’ai pensé que la famille devait avoir de l’argent. J’ai alors dis à ma mère ce qu’elle avait à faire. Tout était arrêté et murement préparé. Vous connaissez lesz circonstances du rapt. Ma mère a pris un taxi qui l’a d’abord conduite chez le docteur Crémieux où elle a pu se libérer de la nurse, puis elle a donné comme adresse le 5 Cours Pierre Puget. Quand le taxi est parti, elle a traversé le cours pour se débarrasser du landau dans le couloir du n.18. Moi, j’attendais un peu plus loin.

Nous avons alors pris un second taxi de couleur noire appartenant à un particulier que je ne connais pas et nous sommes fait conduire avec l’enfant à Montolivet. De Montolivet, nous avons alors gagné à pied notre villa sans éveiller l’attention de personne.

Nous avons bien traité l’enfant. C’est ma mère qui faisait sa petite soupe. Moi, je lui ai donné des bananes pour calmer ses pleurs.

En arrivant chez nous, j’ai écrit au père pour lui demander 50000 francs. »

Cette affirmation fait bondir les policiers qui lui font immédiatement remarquer que suivant ses premières déclarations, il était sensé ne pas connaître le nom de l’enfant.

« Vous avez raison, j’avais eu le temps de me renseigner. J’ai d’ailleurs écrit plusieurs lettres et j’étais prêt à lui faire parvenir la chainette de l’enfant pour entrer en possession de l’argent quand s’est produit le coup de théâtre de notre arrestation. »

Les policiers vont alors pousser l’interrogatoire pour comprendre quel degré de connaissance il avait de l’identité de l’enfant enlevé. Et là, les policiers gagnent le Jackpot.

« Si ma mère m’a attendu au Cours Pierre Puget, c’est que je suis allé porter une lettre au domicile du Docteur Malmejac. J’ai glissé cette lettre sous la porte de l’immeuble. Je suis ensuite allé à la Poste Castellane pour y envoyer une seconde lettre au contenu strictement identique. J’ai choisi des fils de docteurs parce que je considère que les médecins sont habituellement dans l’aisance. »

Les conditions de détentions de l’enfant intéressent aussi les policiers.

« Le soir du rapt, nous avons donné une soupe au petit qui l’a mangé avec quelques difficultés. Nous l’avons couché sur le divan. Ma mère lui a mis une de mes chemises de nuit. Je suivais le développement de l’affaire avec anxiété par le biais des journaux. La première nuit, le petit a bien dormi. Quand j’ai vu l’importance que prenait le rapt, j’ai eu peur mais il était trop tard pour changer d’avis. »

Les policiers veulent alors savoir si les nombreux messages radiophoniques n’ont pas émus les ravisseurs :

« J’ai précisément un poste TSF à la maison. Je n’ai entendu que le dernier appel de la famille. Je lisais plutôt les journaux, avec beaucoup d’attention. Je dois ajouter que nous étions fort ennuyés de la tournure que prenais l’affaire. Le gosse nous embarrassait et nous ne savions pas comment le rendre sans attirer l’attention de la police. »

Les policiers s’intéressent enfin à la tentative de tuer l’enfant lors de l’interpellation. Gilbert Rolland se défend avec force de cette interprétation des événements

« Ca n’a été que de la mise en scène. Je n’ai jamais eu l’intention de tuer l’enfant. Le second revolver, je ne l’ai jamais eu en main. Quant au premier, celui que j’ai remis aux enquêteurs, la gâchette était au repos. C’est vous dire que je n’avais aucune intention criminelle. Les inspecteurs m’ayant donné leur parole que rien ne serait fait contre nous, j’ai immédiatement ouvert la porte et on nous a arrêtés aussitôt. »

Et Gilbert Rolland va tenter d’amadouer les inspecteurs en se faisant passer à son tour pour une victime :
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« Je suis un malheureux, c’est la misère seule qui m’a poussé. Je suis un chômeur, pas un bandit ! »
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On appréciera à sa juste valeur cette dernière affirmation !
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VIII / Au Palais de Justice
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Aussitôt les interrogatoires terminés, les deux prévenus sont transférés sous bonne escorte au Palais de Justice pour y être présenté au juge d’instruction, Mr Minnard. Il est donc plus de vingt trois heures quand commence une confrontation des plus capitales.
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Après avoir lu les déclarations que les prévenus ont fait devant les inspecteurs de la Sureté, le juge leur demande s’ils ont bien compris la gravité des faits qui leur sont reprochés et s’ils veulent un avocat pour les défendre. Marie Rolland et gilbert Rolland vont répondre tout deux par la négative à cette question cruciale.
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Le juge va donc inculper Marie Rolland de Rapt et va la faire incarcérer en préventives à la prison pour femmes de Présentines et Gilbert Rolland de complicité de rapt, de tentatives d’extorsion de fonds et d’agression à domicile aggravée à mains armées, le jeune homme ayant avoué aussi l’agression à domicile contre Mr Sciamanna.
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L’affaire aurait pu s’arrêter là sans les rebondissements du lendemain matin
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La suite la semaine prochaine ...
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