dimanche 11 septembre 2011

L’info du dimanche : Erreur sur la menace (13/09/01)

.
Dimanche 11 septembre 2011 :
.
La rubrique dominicale de mon blog, « l’info du dimanche », cette information locale, régionale ou nationale glanée dans la presse et qui m’a fait bondir de colère ou de joie durant la semaine.
.
A l’occasion du dixième anniversaire des attentats du 11 septembre, je vous propose de vous replonger dans un article d’analyse paru dans le journal « Le Monde » le 13 septembre 1001 tentant d’analyser ce qui venait de se passer et trouver les causes réelles de ces attentats.

L’occasion de découvrir la justesse de vue de Daniel VERNET sur certains points et les erreurs grossières qu’il fit dans ce même article.
.
Bonne lecture !
.
.
Erreur sur la menace
Par Daniel VERNET - Le Monde du 13 janvier 2001
.
L'AMÉRIQUE vivait depuis quelque temps d'une ambition sinon d'une illusion : rendre son territoire invulnérable à toute attaque venant d'un de ces rogue states (Etats voyous) qui, dans la liste des menaces, venaient remplacer l'Union soviétique disparue. Les démocrates, réticents, avaient emboîté le pas aux républicains et lancé le programme de la défense antimissile avant même que le héraut de cette politique, George W. Bush, ne gagne la Maison blanche. Les idéologues du Parti républicain ne se contentaient pas du financement de quelques recherches et de quelques essais. Ils théorisaient leur obsession. Ils voyaient l'avènement dans les relations internationales d'une nouvelle ère qui ne devait plus rien avoir de commun avec la guerre froide.
.
Plus de dix ans après la chute du mur de Berlin, ils ne voulaient pas seulement définir de nouveaux rapports avec la Russie postcommuniste. Ils voulaient encore la convaincre du danger potentiel représenté par des Etats supposés réfractaires au jeu traditionnel des relations internationales. Ils y avaient presque réussi. Ils concentraient tous leurs efforts sur la remise en cause de traités jugés « obsolètes », qui, au temps de la guerre froide, avaient figé la rivalité Est-Ouest mais avaient en même temps permis que le conflit idéologique ne débouche pas sur une confrontation armée. Ils voulaient les remplacer par des gentlemen's agreements entre gens de bonne compagnie et de bonne volonté. Ils mettaient en doute la dissuasion nucléaire qui, par la menace de destruction réciproque, était censée avoir retenu au bord du gouffre les plus audacieux ou les plus irresponsables (voir Nikita Khrouchtchev au moment de la crise de Cuba en 1962). Ils contestaient la qualité morale de la dissuasion nucléaire - comment justifier la mort des milliers de civils innocents ? - et son efficacité - quel président des Etats-Unis voudrait être placé devant le choix entre déclencher l'apocalypse nucléaire ou accepter la destruction de son pays ?
.
Le bouclier antimissile ou NMD (pour National Missile Defense) devait apporter la solution de ce dilemme. Face à des Etats en mesure de se doter d'armes de destruction massive, nucléaires, biologiques ou chimiques, mais insensibles à la logique implacable de la dissuasion, les Américains devaient être en mesure de se protéger contre toute agression.
.
D'où l'idée de construire ce bouclier antimissile pour mettre à l'abri de toute surprise le territoire national, les forces américaines engagées sur des terrains extérieurs et éventuellement les alliés des Etats-Unis. Le projet n'en est qu'à ses débuts. Un programme limité a été lancé par la précédente administration démocrate, vers la fin du deuxième mandat Clinton. George W. Bush et son secrétaire à la défense, Donald Rumsfeld, rêvent de lui donner toute son ampleur mais risquent fort d'être freinés par des considérations à la fois financières et techniques. Voire politiques bien que l'administration Bush, avec sa forte conscience de l'exception et de la supériorité américaine, semblât se soucier comme d'une guigne des réserves de ses alliés, pour ne pas parler du mécontentement russe ou chinois. Le projet a d'ailleurs subi nombre de modifications depuis qu'il a été lancé, qu'il s'agisse de l'ampleur de la protection, des techniques envisagées ou des phases d'intervention.
.
Ce qui compte toutefois ici, c'est moins la faisabilité du programme, et son coût, que l'idée sur laquelle il est fondé : il ne doit pas être permis aux ennemis des Etats-Unis de porter la guerre sur le territoire américain. Forte d'une forme d'insularité qui l'a mise à l'abri des querelles européennes jusqu'en 1917, épargnée par la MAD (Mutual Assured Destruction) de l'équilibre de la terreur après la deuxième guerre mondiale, l'Amérique de George W. Bush voulait être invulnérable à l'attaque d'un « Etat voyou » sans scrupules et suffisamment sans morale pour accepter le risque de représailles massives contre sa propre population. Cette invulnérabilité à une menace extérieure a pour corollaire la guerre « zéro mort » pour les opérations extérieures dans lesquelles des soldats américains pourraient être engagés. La stratégie choisie dans la guerre du Kosovo en 1999 en est la meilleure illustration.
.
Les actions terroristes menées mardi 11 septembre à New York et Washington sonnent-elles le glas de cette politique ? Il est sans doute trop tôt pour répondre. Elles amènent toutefois à poser quelques questions sur le désordre barbare qui a succédé à la guerre froide. Si les Américains pensaient que la construction bipolaire avait cédé la place à un monde unipolaire dans lequel ils pourraient impunément imposer leur volonté et leur loi, ils se sont trompés. Faute de la discipline plus ou moins contraignante de l'affrontement Est-Ouest, une myriade d'acteurs s'est installée dans les relations internationales où les rapports entre Etats (fussent-ils des Etats « voyous ») ne représentent plus qu'une composante parmi d'autres. Parmi ces acteurs non étatiques, il y a les ONG (organisations non gouvernementales), mais aussi la criminalité organisée ou les réseaux terroristes. Contre ces derniers, contre le détournement d'un avion de ligne lancé sur les tours de Manhattan, le bouclier antimissile le plus sophistiqué et le plus étanche ne serait pas d'un grand secours. Beaucoup d'opposants au NMD, aux Etats-Unis et à l'étranger, ont reproché à l'administration de se tromper de cible, de faire erreur sur la menace principale.
.
RETOUR DANS LE RANG
.
Les attentats de New York et de Washington leur donnent certainement des arguments. Mais ils ne mettent pas pour autant fin à la discussion. Il est probable en effet que les partisans du bouclier anti-missile ne désarmeront pas, à la fois pour des raisons idéologiques - la protection du citoyen américain ne doit négliger aucune hypothèse et une menace n'exclut pas l'autre - et politiques - les terroristes de Manhattan et du Pentagone n'auraient-ils pas bénéficié de l'appui stratégique d'un Etat pour monter une opération aussi complexe ?
.
Il est donc permis de penser que les dirigeants américains n'auront pas beaucoup de mal à convaincre leurs compatriotes, au cours des mois à venir, que tous les efforts doivent être entrepris pour garantir une sécurité maximale, dans toutes les directions, car le terrorisme n'exclut pas les dangers inhérents à la prolifération des armes de destruction massive. Mais la seconde conclusion que des hommes politiques tentés moins par l'isolationnisme que par l'unilatéralisme devraient tirer, c'est que ni leur situation géographique ni leur puissance ne mettent les Etats-Unis à l'abri des tourments du monde. Et que ce degré, sans doute irréductible, de vulnérabilité les place malgré toutes leurs prétentions contraires dans une situation analogue à celle des autres Etats moins puissants de la planète. Par conséquent, les Etats-Unis devraient accepter de revenir sur le « splendide isolement » qui semblait la caractéristique de la politique engagée par la nouvelle administration républicaine. Le terrorisme les fait en quelque sorte rentrer dans le rang.
.
Comme on disait naguère que le nucléaire avait un effet égalisateur parce qu'il permettait aux petits pays possesseurs du feu nucléaire de prétendre jouer dans la cour des grands, de même le terrorisme a-t-il un effet égalisateur pour les victimes car ils ne distinguent pas entre les petits et les grands Etats. La nouveauté radicale introduite dans le monde par les attentats de New York et Washington, c'est que, pour la première fois, des groupes aux contours mal définis déclarent la guerre à l'Etat le plus puissant de la planète. L'après-guerre froide ne ressemble décidément pas à ce que les vainqueurs de la guerre froide avaient envisagé.
.
DANIEL VERNET
.
.

2 commentaires:

phgardiol a dit…

Le dernier rapport de la FAO indique que toutes les 3h, il meurt de faim, dans le monde, l'équivalent d'un 11 septembre 2001. Et cela, 365 jours par an. A constater le silence pour l'un et la surmédiatisation de l'autre évènement, on peut se demander si une vie humaine égale une autre vie humaine.Bien sûr, ces attentats sont terribles mais 3000 occidentaux, souffrant souvent d'obésité, célébrés à outrance d'un côté, 25.000 Africains,hommes, femmes et enfants, mourrant chaque jour sans tambour ni trompette... Nos indignations ont souvent quelque chose d'indécent. Ph Gardiol

Jean-Claude Mathon a dit…

Pour faire une bonne "une", il faut "un mort dans le quartier" ou "dix morts dans la ville" ou "cent mort dans le pays" ou "mille morts en Europe" ou "dix mille sur un autre continent".

Désormais, gràce (à cause) de la télé, la distance n'a plus d'importance, il faut simplement une caméra au bon endroit au bon moment.


Personne ne filme l'Afrique mais il y a cent caméras au mètre carré à New-York.

Triste et indécent, je suis d'accord avec toi.

JCM