vendredi 6 août 2010

Il y a cent ans : Revue de presse du 1 au 7 aout 1910

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Vendredi 6 aout 2010 :
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Une petite revue de presse centenaire et cent pour cent subjective des événements qui se sont déroulés l’été 1910 par le biais de la « bible » de l’époque de la presse nationale, « Le Petit Parisien »
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Lundi 1er aout 1910 : Arrivée du Tour de France à Paris
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Les Apaches : Un jeune chiffonnier d’Aubervilliers est tué par les Apaches lors d’une rixe au pied de l’appartement de ses parents. L’auteur du coup de couteau mortel est en fuite mais activement recherché par la police. Une rivalité amoureuse serait le mobile du crime, mobile assez courant dans les meurtres impliquant les Apaches.
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Scandale des Vermiraux : La justice ordonne la fermeture de l’Orphelinat des Vermiraux et demande aux préfets qui ont placé des enfants dans cette institution de les retirer dans les délais les plus courts. Parallèlement à cette décision judiciaire, le « Petit Parisien » publie l’interview accablant de l’ancien gardien chef de l’institution, Mr Behr, accusé par le couple Soliveau qui administre l’orphelinat d’avoir été l’instigateur de la révolte de 1909.
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Tour de France : Arrivée triomphale à Paris des derniers cyclistes encore en course dans ce huitième Tour de France organisé par l’Auto, l’ancêtre de l’Equipe. C’est un français, grand favori, Octave Lapize qui remporte à la fois l’étape et le classement général. Pour le plaisir, voici l’article in-extenso de cette dernière étape, à comparer avec la prose de nos journalistes actuels :
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« Hier, des coureurs cyclistes sont arrivés à Paris, ayant accompli en un mois la plus formidable randonnée routière ayant été organisée. Notre confrère l’Auto qui, depuis huit ans déjà, organise chaque mois de juillet cette épreuve du Tour de France, l’avait voulu cette année plus complète, plus impressionnante que jamais. L’itinéraire ne comptait pas moins de 5000 kilomètres. Ce fut en vérité une tache herculéenne. Aussi bien la foule hier au Vélodrome où les vaillants couvraient leur dernier kilomètre, leur réserva t’rlle un accueil triomphant.
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Parti de Caen, but de l’avant dernière étape, à six heures du matin, le vainqueur de l’épreuve ou plus exactement de l’étape, faisait son entrée dans la bonne ville capitale à trois heures 17’. C’était E.Azzini qui avait ainsi l’honneur des premiers vivats, Ernest Paul le suivait de près et puis Ménager. Voici du reste qu’elle fut le classement de cette étape qui mesurait 262 kilomètres : 1er E.Azzini en 8 heures 17’, 2ème E.Paul à deux longueurs, 3ème Ménager à deux longueurs, 4ème E.Faber en 8 h &9’, 5ème Bettini
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Pourtant, ce n’est point Azzini, ce n’est point Ernest Paul non plus que Ménager qui inscrivent leur nom en tête du palmarès du huitième « Tour ». La course se disputant aux points, selon les résultats totalisés des quinze étapes, cet honneur revient à Octave Lapize. C’est lui qui, finalement, recueille tous les profits et toute la gloire sportive à commencer par la reproduction de ses traits qui s’étaleront aujourd’hui dans tous les journaux à commencer par le « Petit parisien ». Voici donc le classement général : 1er octave Lapize sur bicyclette Alcyon et pneu Dunlop avec 63 points, 2ème Faber sur bicyclette Alcyon, 67 points, 3ème Garrigou sur bicyclette Alcyon, 86 points, 4ème Vanhouwaert sur bicyclette Alcyon 97 points.
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Signalons le beau succès que remporte la bicyclette Alcyon qui, après triomphé dans la plupart des étapes, prend les quatre première places au classement général. »
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Mardi 2 aout 1910 : Une reine à Marseille
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Faits divers : Grave accident de train en Algérie. Un train de voyageur en provenance d’Alger à destination d’Oran est percuté par un train de marchandise en gare de Saint Barbe du Tlelat. Le bilan est très lourd : vingt sept morts dont le Commandant Farlau qui allait prendre le commandement de la mission de pacification contre les rebelles de Moulouya. Le correspondant du « Petit parisien » se trouvant par hasard dans le train, c’est un récit de première main que le journal publie en « une » ce jour là.
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Aviation : A Stokel, près de Bruxelles, le pilote anversois Tick bat à son tour le record du monde d’altitude avec un vol à 1700 mètres de hauteur, vol qui lui vaut la une de la totalité de la presse française.
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Marseille : Visite royale pour la cité phocéenne si l’on en croit le « Petit Parisien » : « Ranavalo, l’ex reine de Madagascar, accompagnée de sa nièce, la princesse Ramazindrani et de sa dame de compagnie, Mme de Ratzen, est arrivé cet après-midi par le Charles Roux, courrier d’Alger de la Compagnie transatlantique. Après une cure à Vichy, Ranavalo se rendra à Paris.»
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Mercredi 3 aout 1910 : Les retraites, mode d’emploi
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Retraite : Dans une interview exclusive donnée au « Petit Parisien », le député Puech, rapporteur de la loi sur les retraites mise en place sous l’impulsion du Ministre René Viviani.
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« La loi des retraites sera appliqué au plus tard le 1er juillet 1911. Les propositions du gouvernement prévoient ainsi pour le budget prochain des crédits pour une demi-année, de juillet à décembre. Ce ne sont là que des prévisions. Si par suite de circonstances imprévues la loi pouvait être mise en application avant juillet, la commission du budget comme la Chambre n’hésiteraient pas à voter le complément de crédits nécessaires. La loi des retraites est l’un des lois les plus larges, les plus humaines, les plus bienfaisantes qu’aient encore connues la troisième république et pas un républicain n’hésiterait à faire tous les sacrifices nécessaire pour lui permettre de donner au plus tôt tous les résultats que nous en attendons. »
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Le député Puech se lance d’abord dans une évaluation financière de ce que la loi va couter annuellement. Le gouvernement et lui-même évalue le cout de la loi dans une fourchette de 138 à 140 millions de francs (aux alentours de 500 millions d’euros de nos jours)
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Il explique ensuite que la loi sur les retraites ne touchera que les ouvriers ayant moins de 65 ans à sa date de promulgation. Pour y avoir droit, il faudra avoir travaillé trois ans au moins en tant qu’assurés obligatoire (employé, serviteur, ou ouvriers). Le montant de la cotisation annuelle sera de 9 francs et donnera droit à une rente annuelle et viagère de 100 francs. En cas de décès, la veuve recevra annuellement une rente de 50 francs. Le nombre des personnes susceptible d’entrer dans ce nouveau mode de calcul est évalué alors à 34000 pour l’année 1911.
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Pour les autres, ce que le ministre Viviani appelle les « assurés facultatifs » et qui sont les petits patrons, les artisans, les cultivateurs, le gouvernement est dans le flou total, ne sachant trop combien des 4 millions de personnes entrant dans cette catégorie vont opter pour ce régime qui, pour eux, est facultatif.
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Enfin, les caisses, syndicats, sociétés de secours mutuels sont autorisés à mettre en place des régimes de retraites spécifiques avec l’aide de l’état qui leur verse 1 francs par compte ouvert ; les cotisations étant laissés au libre arbitre de ces organismes.
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Pour terminer, le régime précédant dit « régime d’assistance » qui touche les salaries de plus de 70 ans, est maintenue jusqu’à son extinction naturelle et étendu aux tranches d’âge de 65 à 70 ans atteintes en 1911 pour éviter les lésés et les laissés pour compte.
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Diplomatie : Le roi Alfonse XIII et la reine d’Espagne, Victoria, sont en visite officielle en France avant de se rendre en voyage privé en Angleterre pour une semaine de vacance. A Paris, ils sont reçu par le Président Fallières tandis que les journaux parisiens, à leur habitude, décrive minute par minute la visite royale, mélange assez bizarre et détonnant de « Point de vue image du monde », « Gala » et « Le Figaro ».
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Faits divers : De nouveau détail de la catastrophe de Saint Barbe du Tlelat font la une des journaux parisiens qui racontent là aussi avec force de détails les obsèques des victimes.
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Jeudi 4 aout 1910 : Encore les Apaches
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Diplomatie : Le roi Alfonse XIII et la reine d’Espagne, Victoria, quitte le territoire français en direction de Londres dans un incognito relatif, leur visite officielle étant terminée. Cela n’empêche pas les autorités françaises de les accompagner jusqu’à Calais où ils doivent embarquer pour l’Angleterre.
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Aviation : Nouvel accident d’aéroplane à Stoeckel et mort du pilote, Nicolas Kinet, cousin d’un autre pilote d’aéroplane, Daniel Kinet mort au début de l’été dans un accident similaire. Malgré cet accident, le meeting de Stoeckel se poursuit.
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Affaire Vermesch : La justice ne possède toujours aucune piste pour élucider l’étrange disparition du rentier du Vésinet, Honoré Vermesch. Des avis de recherches sont envoyés dans tous els états limitrophes de l’hexagone qui pourrait abriter le disparu.
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Apaches : Pour ceux qui pensent que la cité phocéenne est le comble de la violence et de l’insécurité, l’article du « Petit Parisien » parut dans l’édition du 4 aout 1910 devrait les faires réfléchir. Même remarque pour ceux qui pense que les « bandes » sont un phénomène récent :
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« Depuis quelques temps, certains Apaches marseillais et toulonnais avaient décidé d’en venir au main. Cette nuit, vers une heure et demi, les antagonistes se rencontrèrent sur le boulevard Rodocanacchi, à l’extrémité de la rue Paradis, près de la promenade du Prado, déserte à ce moment là. Une véritable fusillade se produisit et, de part et d’autre, plus de quarante coups de révolvers furent tirés. Des coups de couteaux et de stylets furent également échangés. Ce fut une véritable bataille rangée.
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Deux toulonnais, arrivés à Marseille dans la soirée, Gabriel Barthélemy, vingt et un ans, demeurant avec sa mère qui tient un bar à Toulon et Gandenzi Cariolina, vingt et un an, ouvrier coiffeur, demeurant rue Delquerre à Toulon, furent grièvement blessés. On les transporta à l’hôpital de la Conception où Barthélemy expira peu après avoir subi l’opération du trépan.
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Le service de la sureté s’est mis à la recherche des apaches marseillais qui ont pris la fuite après la fusillade.
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On croit que, parmi ces derniers, il y aurait aussi plusieurs blessés. »
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Vendredi 5 aout 1910 : Toujours les Apaches
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Diplomatie : Le gouvernement espagnol interdit une manifestation à San Sébastien des conservateurs voulant soutenir la position du Vatican dans l’affaire de la laïcisation de l’état espagnol. Le Premier ministre annonce l’envoi de troupes militaires pour assurer la sécurité et faire régner l’ordre dans la région basque.
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Apaches : Après Marseille la veille, aujourd’hui Versailles. Une bande d’Apaches roue de coups un débitant de boisson chez qui ils avaient consommés plus que de raison seulement parce qu’il voulait se faire payer son dû. La bagarre devint générale quand un groupe de soldat du 1er Génie qui passait dans la rue, prirent la défense du commerçant. Les assaillants prirent alors la fuite.
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Prévenu, le commissaire de Versailles demanda des renforts et organisa des patrouilles dans la ville. Bien lui en pris, peu avant deux heures du matin, les agents tombèrent sur une nouvelle bagarre dans un autre débit de boissons. Quatre apaches furent arrêtés avant d’avoir pu prendre la fuite et déféré immédiatement au parquet.
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Villejuif : La grève des briquetiers continue malgré l’espoir de détente apparu en début de semaine, espoir vite déçu. En réaction, le nombre des grévistes a encore accru et toutes les briqueteries désormais sont au bord de l’asphyxie économique malgré les paroles rassurantes du patronat.
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Augmentation : Après la hausse du tabac au début du mois de Juin, voilà qu’une nouvelle hausse indigne les français : celle de la poudre de chasse qui subit une hausse de trente trois pour cent. Ainsi, le prix de la poudre noire ordinaire passe de douze à seize francs, celui de la superfine de quinze à vingt francs. Chasseurs et armuriers protestent vivement contre des hausses qu’ils trouvent injustifiées. « Ils trouvent que cette mesure va faire baisser de façon significative le nombre de permis de chasse délivrés annuellement ».
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Samedi 6 aout 1910 : Policier lâchement abattu
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Espagne : Le Premier ministre confirme les mesures de sécurité prises au Pays Basque pour empêcher la manifestation des catholiques de cette région. Mais la tension est énorme avec le télégramme envoyé au roi par les conservateurs qui maintiennent quoiqu’il arrive les manifestations du dimanche.
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Drame : Un agent de police est froidement abattu et un autre grièvement blessé lors d’un contrôle d’identité consécutif à une altercation en plein rue. Intervenant sur un début de bagarre suite à un incident de circulation rue Réaumur, l’un des protagonistes dégaina un revolver et fit feu sur les policiers avant de prendre la fuite et d’être poursuivi puis rattrapé par la foule. Les motifs de son coup de sang sont inconnus.
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Ce meurtre déclenche un énorme émoi en France car le policier semble avoir été tué gratuitement. C’est l’absence de mobile qui choque le plus l’opinion publique.
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Dimanche 7 aout 1910 : Abattue en plein palais de justice
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Espagne : Les conservateurs font marche arrière au dernier moment devant les mesures de sécurité prises au Pays Basque et annulent le rassemblement de Saint Sébastian. Toutefois, des troubles sont quand même à craindre à la suite de rumeurs annonçant des sanctions gouvernementales contre les prêtres et curés ayant appelé leurs ouailles à se rendre à ce rassemblement.
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Crête : La Crète revient brutalement à la une de l’actualité par le biais des futures élections législatives helléniques qui doivent se dérouler le mois prochain. En effet, deux partis politiques grecs envisagent très sérieusement de répondre favorablement à la demande de six hommes politiques crétois d’être incorporés dans leurs listes. La présence de crétois sur les listes électives grecques entérinerait de facto l’incorporation de la Crète à la Grèce. La Turquie a immédiatement réagi en signification qu’elle considérait un tel acte comme un casus-belli. De leurs côtés, les puissances protectrices annoncent qu’elles ne pourraient tolérer de telles candidatures et demandent fermement à la Grèce de déclarer inéligible ces six candidats potentiels.
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Drame : Drame du divorce en « une » du Petit Parisien : un dessinateur, François Médaille, tue sa femme en plein Palais de Justice suite au jugement prononcé contre lui concernant la garde de sa fille de seize ans. Le juge venait de prononcer la séparation et la garde de la jeune fille par sa mère quand, pris d’un soudain coup de colère, l’homme dégaina un revolver en plein bureau du juge. Sa femme, comprenant qu’elle était en danger, pris la fuite dans les couloirs du palais de justice mais elle fut rattrapée par son mari qui tira à bout portant par trois fois sur sa femme, la tuant sur le coup.
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Polémique : La fusillade de la rue Réaumur ayant entrainé la mort d’un policier et le meurtre en plein palais de justice d’une femme lance une vive polémique dans la presse sur la réglementation du port des armes à feu. La presse rappelle que, malgré le fait que lors du congrès international du droit pénal en 1905, la question de savoir quelle réglementation appliquer n’a jamais eu de réponse. La presse réclame donc enfin une législation qui interdise, ou au pire restreigne, la vente d’arme et impose un permis de port d’armes.
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