vendredi 20 août 2010

Il y a cent ans : Revue de presse du 15 au 21 aout 1910

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Vendredi 20 aout 2010 :
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Une petite revue de presse centenaire et cent pour cent subjective des événements qui se sont déroulés l’été 1910 par le biais de la « bible » de l’époque de la presse nationale, « Le Petit Parisien »
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Lundi 15 aout 1910 : Catastrophe ferroviaire à Saujon
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Catastrophe : Près de Royan, en gare de Saujon, un train de voyageur percute un train de marchandise à la suite d’une erreur d’aiguillage. Les premiers bilans font états de 37 morts et une soixantaine de blessés dont une dizaine dans un état critique.
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En visite à Besançon pour l’inauguration du monument de Proudhon, le Président de la République annonce son départ immédiat pour Royan.

Le train de voyageur est un « train de plaisir » suivant la nomenclature de l’époque c'est-à-dire un train circulant uniquement lors des fortes affluences engendrées par les week-ends ou les fêtes.

Chemin de fer : La presse parisienne tire à boulets rouges sur le réseau ferré Ouest-Etat et les installations de la Gare Saint Lazare où les retards, les incidents, les mouvements d’humeurs se multiplient. Pas moins de cent cinquante mille voyageurs ont transité le dimanche 14 par la vétuste gare.

Sous le couvert de l’anonymat, un cadre de la compagnie Ouest-Etat explique au Petit-Parisien la situation particulière de la Gare Saint Lazare. « La gare Saint Lazare a besoin d’être transformée de fond en comble et surtout le tunnel des Batignolles doit être élargi. Les voies d’accès qui passent sous ce tunnel ne sont pas assez nombreuses et nous devons échelonner les trains de gare en gare en attendant que ces voies soient libres. Il faut à tout prix dégager ce tunnel et le pont de l’Europe sinon les faits qui se sont produits hier et aujourd’hui se renouvelleront chaque fois qu’il y aura affluence de voyageurs. »

Non, vous ne rêvez pas : nous sommes bien en aout 1910 et déjà la Gare Saint Lazare laisse à désirer !

Apaches : Sur le Pont Neuf, vers 23 heures, une rixe éclate entre un petit groupe d’apaches et un jeune employé de commerce de 17 ans dont le seul tort était d’être accompagné d’une jolie jeune fille. En infériorité numérique, le jeune homme est roué de coup. C’est durant cet épisode qu’un coup de feu claque et qu’un apache, Adrien Aucher, âgé de 20 ans, s’écroule mortellement blessé.

Circuit de l’Est : Legagneux et Mamet arrivent enfin à Douai à l’aube après un vol de nuit des plus risqué et surtout après un plantureux repas pris dans le village de Tanguy où ils s’étaient posés de concert, préférèrent passer une partie de la nuit dans une grange.

Quatre aviateurs annoncent leurs intentions de prendre le départ le lendemain de Douai à destination d’Amiens : Les retardataires Legagneux et Mamet et les premiers arrivés de la veille : Aubrun et Leblanc.


Mardi 16 aout 1910 : Encore les Apaches
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Saujon : Le bilan de la catastrophe de Saujon est revu à la hausse puisque désormais la presse annonce le chiffre officiel de 53 morts et 65 blessés. Une chapelle ardente a été érigée dans l’enceinte même de la gare, les corps étant déposées entre deux rangées de meules de foin pour les protéger des regards des curieux.

C’est là que se rendit le Président Fallières dçs son arrivé à Saujon.
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Bruxelles : L’exposition internationale de Bruxelles est en grande partie détruite à la suite d’un incendie qui a ravagé plusieurs pavillons dont celui de la France. Les causes du sinistre sont encore inconnues et aucun mort n’est à déplorer. Toutefois le point d’origine de cet incendie semble provenir du pavillon Belge et plus particulièrement des nombreuses illuminations électriques placées à son entrée.

Le commissaire de l’exposition annoncera en fin de journée que malgré les dégâts très importants (près de 40 % de l’exposition détruit par l’incendie), l’exposition demeurera ouverte. De son côté, la police arrête plusieurs pilleurs qui tentaient de trouver au milieu des décombres du pavillon Belges les diamants du Congo et au milieu du pavillon français les bijoux des joaillers qui s’y trouvaient exposés.

Apaches : Une bagarre rangée éclate à la nuit tombée Rue d’Avron à Charronnes entre deux bandes d’apaches se disputant ce territoire. La bagarre est tellement violente que ce n’est pas moins d’une centaine de policiers et de militaires qui sont obligés d’intervenir pour ramener le calme dans le quartier.

Il n’y a aucun mort mais sept blessés graves sont emmenés dans les hôpitaux parisiens, quatre hommes et … trois femmes, tous blessés à coups de couteaux. Une douzaine d’apaches des deux bords sont appréhendés en sus de ces sept blessés. Le plus âgé a 23 ans, la plus jeune 16 ans et a moyenne d’âge tourne autour des 19 ans.

Circuit de l’Est : Les concurrents sont arrivés à Amiens, avant dernière étape du circuit, sans encombre. C’est Leblanc qui se pose en premier à Amiens. Il est talonné par Legagneux et Aubrun. Mamet quant à lui est toujours à Douai au prise avec des ennuis de moteur

Mercredi 17 aout 1910 : Affaire Vermersch, le point de l’enquête
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Saujon : L’heure est désormais à la recherché des responsabilités. Les témoins sont entendus par les enquêteurs et plus particulièrement par le juge d’instruction, Mr Sablie. De ces auditions, il semble ressortir que l’erreur humaine est de plus en plus probable et que la faute provient du cheminot en charge des aiguillages de la gare de Saujon qui n’aurait pas vérifié la liberté des voies avant d’autoriser le « train de plaisir » à pénétrer en gare.

La presse se déchaine elle contre la vétusté du réseau de province, faisant remarquer que l’accident aurait pu être évité si la gare de Saujon avait été équipée des aiguillages automatiques et des systèmes de protections automatiques en vigueur dans les gares parisiennes.

Bruxelles : Les organisateurs de la foire internationale, après une réunion à huis-clos, annonce que la foire demeure ouverte et que la plupart des pavillons détruits seront reconstruits à l’identique. Le seul problème demeure la section de la foire surnommée « Bruxelles – Kermesse » qui était en fait une zone avec de nombreuses attractions foraines. Il va falloir trouver de nouveaux forains pour remplacer ceux dont l’outil de travail a été détruit par l’incendie. Un retour à la normale est espéré pour la deuxième quinzaine de septembre.

Affaire Vermesch : La disparition du rentier du Vesinet revient sur le devant de la scène avec un article de fond du « petit parisien » qui fait le point sur l’enquête. De cet article, il ressort que Honoré Vermesch a disparu en ayant sur lui 3000 francs, qu’il n’a point touché à sa revenue encaissés dans une banque bruxelloise, que le dernier à l’avoir vu est un négociant en vin de Chatou lors de la sortie d’une messe dominicale début avril et qu’enfin des témoignages troublants laissent à penser que le rentier aurait embarqué à Marseille à destination de l’Afrique du Nord, probablement pour Casablanca.
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Jeudi 18 aout 1910 : Arrivée du Circuit de l’Est
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Apaches : De nouveau les rixes entre bandes d’Apaches font la une de la presse parisienne renvoyant en page intérieure les catastrophes de Saujon et Bruxelles mais point l’arrivée du Circuit de l’Est.

Deux bandes d’Apache règlent leur différents rue de Chaligny, à coup de couteaux et surtout coup de revolvers. Le temps que la police intervienne, un apache est abattu, le leader de l’une des deux bandes, mais aussi une femme de 38 ans, Victorine Luquet, tuée de deux balles perdues alors qu’elle tentait de se mettre à l’abri.

Les apaches arrêtés refusèrent d’expliquer le pourquoi de la rixe, se contentant d’expliquer qu’il s’agissait d’une affaire d’honneur.

Circuit de l’Est : Triomphe à Paris de Leblanc et Aubrun qui atterrissent les premiers à Issy-les-Moulineaux devant une foule impressionnante. Les deux pilotes sont immédiatement arrachés de leurs engins pour être porté en triomphe. De son côté, Legagneux arrive troisième plus d’une heure après le vainqueur. Sachant qu’il ne serait pas classé, il a profité du vol pour survoler Paris.

Dès que les aviateurs posent le pied sur le gazon de l’aérodrome improvisé, une véritable guerre est déclenchée entre les journalistes pour connaitre celui qui aura le meilleur scoop pour ses lecteurs. Le Petit Parisien joue, quant à lui la roublardise, en proposant à Leblanc puis a Aubrun de les transporter en voiture jusqu’au siège de l’association ayant organisé le Circuit de l’Est. Profitant du moyen de transport, les deux pilotes acceptent et les journalistes n’ont qu’à faire un détour sur le chemin pour obtenir interview et photos exclusives !

Leblanc – Avion monoplan – le circuit de 790 km en 11 heures 56 minutes 5 secondes
Aubrun - Avion monoplan – le circuit de 790 km en 13 heures 27 minutes 31 secondes
Legagneux n’a pas été classé à la suite de ses problèmes à la troisième étape même s’il a parcouru la totalité du parcours.
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Vendredi 19 aout 1910 : Carnet rose
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Carnet rose : La presse parisienne décrit dans le plus pur style de « Gala » le mariage de la Baronne Vaughan avec un rentier de Neuilly-sur-Seine, Mr Durieux. La Baronne Vaughan née Blanche Delacroix, âgée en 1910 de vingt sept ans, est une personnalité du Gotha, l’ancienne « amie » (son épouse morganatique écrit même le Petit Parisien) du roi Léopold II des Belges qui acheta le splendide château de Balincourt (Seine et Oise) et la propriété qui va avec.

La cérémonie se déroule, à l’aube (6 h 30’ du matin) dans le village d’Arronville en un temps record. En effet, Prêtre et Maire mettent moins d’un quart d’heures pour unir le couple, union qui scelle le sort de la baronne qui a renoncé à son titre. La discrétion voulue par la baronne pour cette cérémonie a été brisée par la presse qui avait investi le village depuis l’annonce la semaine dernière de la chose.

Autriche-Hongrie : Les fêtes pour le 80ème anniversaire de l’Empereur François-Joseph se déroulent dans touts l’Autriche-Hongrie et la Bosnie. Cérémonies religieuses, fêtes scolaires, réjouissances publiques se succèdent toute la journée.

Toute la famille impériale est réunie à la résidence d’été de l’Empereur à Bad-Ischl où un repas en grand apparat est servi en présence de l’Archiduc François-Ferdinand. Tous les pays européens ont envoyé leurs ambassadeurs à Bad-Ischl pour présenter à l’Empereur les respects de leurs états respectifs.

Bruxelles : Alors que le ministre du Commerce se trouve à Bruxelles pour constater de visu l’étendue des dégâts qu’a subit le pavillon de la France, le gouvernement français réclame de son côté des mesures de sécurités plus draconiennes avant d’envisager la reconstruction. Le gouvernement point du doigt plusieurs dysfonctionnements dans la chaine de la sécurité dont l’incendie et les pillards sont les plus visibles et demande donc des garanties aux organisateurs.

Un véritable ultimatum en trois points est présenté aux organisateurs pour que la France continue sa participation : des bouches d’incendie plus accessibles, une surveillance constante des installations et un réseau d’eau plus performant.

Les organisateurs annoncent de leur coté la création d’un corps spécifique de pompiers qui va assurez 24 h sur 24 h la surveillance de l’exposition avec au minimum 30 hommes près à partir.

Liquidation des congrégations : Comme chaque année, le Ministère de la Justice et des Finances publie le rapport annuel sur les opérations ayant été effectuées dans le cadre de la liquidation des congrégations et portant sur l’année 1909. Les liquidations qui portent pour un montant d’un peu plus de vingt millions de francs sont en baisse par rapport à l’année 1908 mais cette baisse s’explique par le fait que les liquidations arrivent à leurs termes. D’ailleurs, le ministère annonce que les liquidateurs nommés d’après les lois de 1901 et 1904 terminent leurs missions et que le relais sera pris par les administrateurs de biens nationaux.
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Samedi 20 aout 1910 : Augmentation du prix du vin
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Economie : Les organisations corporatives de l’alimentation, (le nom officiel des grossistes) annonce deux mesures qui font tollé dans la presse : l’arrêt de la vente des demi-portions et surtout l’augmentation des prix de la plupart de leurs aliments dont le vin. Après les vignerons, ce sont dont les grossistes, conséquence logique, qui augmente leurs prix.
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Les grossistes annoncent une augmentation de 10 centimes du litre mais tout en précisant que la spéculation allant probablement apparaître, d’autres augmentations sont donc inévitables.
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Le « Petit Parisien » se lamente de ces augmentations qui vont toucher cruellement le budget de la plupart des ouvriers français.
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Diplomatie : Brest accueille le croiseur de bataille japonais « Ikoma » en train d’effectuer un tour du monde pour aguerrir les élèves officiers de la marine impériale. La France fait grand cas de la visite d’un bâtiment phare d’un pays qui potentiellement ami et surtout au développement économique intéressant.
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Marseille : Tentative de meurtre de l’administrateur de l’inscription de la marine qui, entre autre attribut les pensions, retraites, invalidités aux marins en exercice sur la place de Marseille. Un jeune marin de 25 ans de la compagnie Cyprien Fabre ayant vu sa pension maladie refusée sous prétexte que sa maladie n’avait aucun rapport avec l’acticité maritime, rendit l’administrateur responsable de ce rejet.
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Alors que l’administrateur se trouvait dans son bureau, le marin y pénétra, demanda si le rejet était définitif et à la réponse affirmative, sortit un revolver et fit feu en direction de l’administrateur. Heureusement pour lui, le jeune marin était mauvais tireur et la balle alla se loger dans un sous-main. Il est immédiatement arrêté par les employés des affaires maritimes.
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Pour la petite histoire, c’est la deuxième fois en mois de trois mois qu’un marin attente à la vie de l’administrateur.
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Circuit de l’Est : Tous les participants sont reçus dans l’après-midi à l’hôtel de ville où un triomphe est fait à Leblanc et Aubrun qui sont les seuls à avoir fait la totalité du parcours mais aussi à Louis Blériot, constructeur des deux appareils que pilotaient les héros. Nombreux sont les députés, ministres, hommes politiques qui, malgré le fait que nous soyons en aout, se pressent dans les salons lambrissés au cœur de Paris.

Les aviateurs sont vraiment les super héros des années dix.
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Dimanche 21 aout 1910 : Quelle place de l’aéroplane en temps de guerre ?
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Aviation : Le « Petit parisien » publie une longue étude sur le rôle de l’aéroplane en temps de guerre, que faire des quarante huit pilotes dont disposent les armées françaises. L’étude démontre qu’il n’est envisagé à court terme qu’une fonction d’observation : donner les meilleures informations aux chefs militaires qui décideront quelle conduite tenir.

Nulle part la moindre mission de bombardement ou d’attaque n’est envisagée pour ce nouveau moyen de combat. Cela reste et doit demeurer le rôle des dirigeables « qui sont voué à un immense avenir ».

Diplomatie : Les officiers japonais du « Ikoma » sont reçus à l’Elysée par le Président Fallières. Le commandant Shoji, Matsumura et Kimura reçoivent des mains du président la légion d’honneur.

Le croiseur japonais doit quitter Brest lundi pour gagner Naples et continuer son tour du monde.

Prusse : L’Empereur Guillaume II et l’impératrice inaugurent le château de Posen qui doit désormais leur servir de résidence. La nouvelle résidence impériale dont la construction a durée cinq ans et a couté quatre millions de francs doit constituer le symbôle du germanisme triomphant dans les « Marches de l’est » et doit être le pendant du Haut-Konisberg, en Alsace, qui est lui celui du germanisme triomphant dans les « Glacis de l’ouest ».
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