dimanche 10 avril 2011

L’info du dimanche : A Marseille, un prix de l'eau très opaque .

.
Dimanche 10 avril 2011 :
.
La rubrique dominicale de mon blog, « l’info du dimanche », cette information locale, régionale ou nationale glanée dans la presse et qui m’a fait bondir de colère ou de joie durant la semaine.
.
Alors que Marseille va bientôt accueillir le forum mondial de l’eau, « Mediapart », je journal internet fondé par Eddy Plenel, s’associe au journal local « Le Ravi » pour une enquête en six longs article sur l’eau dans la région PACA.
.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que nous sommes dans un monde très opaque où les prix sont pour le moins surrpenant. Prnons un simple exemple : vitrolles et Marseille ont la particularité d’avoir le même opérateur, en l’occurrence la Société des Eaux de Marseille. L’approvisionnement en eau, la « tuyaterie », les hommes sont les mêmes. Pourtant, sur Marseille, le prix au mètre-cube est de 3,15 euro en 2010 contre 2,71 euro pour Vitrolles. Cherchez l’erreur !
.
Autre incongruité de l’eau, dernièrement quand Loïc FAUCHON, Président du Conseil Mondial de l’Eau (C.M.E.) est interviewé par La Provence sur ce fameux forum, il omet de préciser, pour la bonne compréhension du lecteur, qu’il est aussi le PDG de la SEM et donc salarié de l’une des plus importants groupes privé de distribution de l’eau, Veolia.
.
Et il y aurait encore beaucoup de chose à dire …
.
Bonne lecture !
.
.
A Marseille, un prix de l'eau très opaque
Une enquête de Louise Fessard (Mediapart) et Jean-François Poupelin (Le Ravi)
.
À 3,15 euros/m3, le prix de l'eau à Marseille n'est pas exorbitant comparé à Lyon (2,89 euros), Paris (3,01 euros) ou Bordeaux (3,39 euros). Mais comment expliquer le taux de rentabilité record pour le délégataire marseillais, la Société des eaux de Marseille (SEM), filiale de Veolia: près de 15% en 2009, avec un pic à 19% en 2006?
.
Pourtant, selon un audit réalisé en 2009, le taux moyen pour ce type de contrat oscille entre 8 et 10%. Autre surprise, la SEM a réalisé 56 millions de bénéfices entre 2002 et 2009, alors que la consommation d'eau domestique à Marseille n'a cessé de baisser. Comment les multinationales de l'eau françaises réalisent-elles ces tours de magie ?
.
Fixer soi-même la règle du jeu
.
«Impossible de connaître le prix réel de l'eau», s'étonne en 2000 la chambre régionale des comptes de Paca (CRC Paca). En effet, les exploitants établissent leurs comptes selon des normes qu'ils ont eux-mêmes définies au sein du Syndicat professionnel des distributeurs d'eau, comptes qui ne «respectent pas les principes comptables généraux», précise la CRC.
.
«Jusqu’en 1992, les entreprises délégataires de service public ne fournissaient pas leurs comptes, raconte Paul Linossier, un ancien de Veolia et de Suez qui milite désormais à l'UFC Que-Choisir. Quand elles ont dû justifier leurs dépenses, elles ont inventé le compte annuel de résultat d’exploitation avec leurs propres modalités de confection.» En clair, quand on fixe soi-même la règle du jeu, on gagne à chaque fois!
.
Noyer le poisson
.
À Marseille, la SEM n'a pas de société spécifiquement consacrée à la délégation de service public (DSP) de la ville, ce qui rend la lecture de ses comptes difficile car la filiale de Veolia gère plusieurs contrats d'eau et d'assainissement pour la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, collectivité (PS) compétente pour la gestion de l'eau de ses 18 communes.
.
Il est donc impossible pour MPM d'identifier le personnel réellement chargé du service pour le contrat de Marseille. Cela permet à la SEM, selon l'audit de 2009, de facturer 80% des charges (personnel et locaux) de sa direction générale, de sa direction financière et de sa communication aux usagers marseillais, alors que le contrat de DSP de Marseille ne représente que 52% de son activité!
.
«Il faudrait reconstituer le coût réel du service, car quand on regarde sur le terrain ce que le délégataire a réellement fait, on se dit parfois qu'il n'a pas du dépenser la moitié de ce qu'il facture, explique Paul Linossier. Mais ce ne sont certainement pas des comptables derrière leur bureau qui pourront retracer ça, il faut des gens du métier qui savent évaluer le temps nécessaire pour effectuer telle opération sur le réseau, etc.» Or le cabinet Cabanes, qui a réalisé l'étude, reconnaît lui-même ne pas s'être rendu sur place et avoir uniquement travaillé à partir des documents remis par la SEM.
.
Facturer à la collectivité un redressement fiscal
.
« La SDEI [une filiale de Suez délégataire des communes vauclusiennes de la communauté d'agglomération du Grand Avignon, la Coga, Ndlr] est venue pleurer auprès des élus parce qu'elle a subi un redressement fiscal après avoir payé pendant des années une taxe professionnelle trop basse, raconte Marcelle Landau, présidente du Collectif des usagers de l'eau d'Avignon. Le 27 septembre 2010, la Coga a décidé de le prendre en charge.» Soit 32.000 euros d'argent public, le tout sous couvert du préfet qui «n'y a rien vu d'anormal.»
.
Oublier de mentionner ses produits financiers
.
L'audit de 2009 à Marseille a relevé une autre entourloupe: la SEM oublie très opportunément de faire apparaître dans ses comptes 9,4 millions d'euros de produits financiers en 2008. En revanche, elle n'hésite pas à facturer à MPM des charges financières avec un taux de financement élevé (9%)... alors qu'elle n'a aucune dette bancaire!
.
Indexer les tarifs de l'eau sur les salaires
.
Le cabinet d'audit note encore que la formule de révision des tarifs est très avantageuse pour la SEM. L'indice des salaires (qui pousse à la hausse) compte pour 43%, les charges du personnel ne représentant que 35% de l'ensemble des dépenses liées à l'exploitation du service.
.
Accumuler trop de provisions pour travaux
.
Chaque année, l'exploitant prélève une somme sur le contrat et l'affecte à des travaux pour l'entretien et le renouvellement des canalisations. En 2009, la SEM a déclaré aux cabinets d'audit dépenser plus pour les travaux de renouvellement que ce qu'elle provisionnait. Mais ceux-ci ont découvert dans les documents comptables (fournis par la SEM elle-même) qu'elle disposait en fait d'un vrai trésor de guerre.
.
Fin 2009, son stock de provisions pour renouvellement s'élevait à près de 50 millions d'euros! C'est-à-dire que l'usager marseillais a payé via sa facture d'eau pour des travaux qui n'ont pas été réalisés, ou ont été réalisés à moindre coût, et a au final alimenté la trésorerie de la SEM.
.
A la fin du contrat de DSP, la loi sur l'eau de 2006 prévoit que ces provisions pour travaux non utilisées soient retournées à la collectivité. «Il faut vérifier les provisions effectuées chaque année et demander à l'exploitant de fournir les preuves des sommes effectivement affectées aux travaux», explique Marc Laimé, journaliste du Monde diplomatique. Mais encore faudrait-il que les élus communautaires de MPM s'en préoccupent.
.
Depuis 2009, les collectifs de l'eau de la Coga se battent pour leur part avec Marie-Josée Roig, député-maire UMP d'Avignon et présidente de la collectivité, pour que les usagers ne paient pas deux fois le remplacement des branchements en plomb dans cinq communes en délégation de service public. Total de la douloureuse : 6,5 millions d'euros.
.
Une somme déjà facturée aux usagers, comme l'a finalement reconnu l'ancienne ministre de Jacques Chirac, pour Avignon et Morières-lès-Avignon, gérées par la Société avignonnaise des eaux, une filiale de Veolia, qui espérait faire la culbute. Restent Villeneuve-lès-Avignon et Les Angles, gérées par la Saur. «L'un des arguments du renouvellement du contrat de cette dernière était justement la prise en charge des branchements de plomb», peste Marcelle Landau, qui espère le grand chelem.
.
Se bander les yeux
.
Les lois françaises permettent théoriquement aux collectivités d'exercer un véritable contrôle de leurs DSP. «La plupart du temps, les élus compétents n'effectuent pas ce travail», affirme Marc Laimé. Exemple à Marseille. «La commission de contrôle financier prévue par le Code général des collectivités territoriales n'a jamais été créée», regrette Sylvie Nespoulous, élue Europe Écologie à MPM.
.
«Il y a aussi une méconnaissance et, du coup, une déresponsabilisation. Quand la collectivité a perdu depuis des années la maîtrise du service, elle ne peut plus en évaluer la qualité et en rendre compte aux habitants», explique Anne Le Strat, adjointe au maire de Paris.
.
.

Aucun commentaire: