dimanche 26 décembre 2010

L’info du dimanche : La parole chrétienne est à contre-courant, et non de droite

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Dimanche 26 décembre 2010 :
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La rubrique dominicale de mon blog, « l’info du dimanche », cette information locale, régionale ou nationale glanée dans la presse et qui m’a fait bondir de colère ou de joie durant la semaine.
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En ce lendemain de Noël, je vous propose de lire la tribune écrite dans le Monde par Gaston Piétri, prêtre du diocèse de Corse, se demandant qu’elle est la place de la parole chrétienne et si elle est de droite ou de gauche.

Simplement une petite tribune polémique pour vous permettre de garder la main !

Bonne lecture

La parole chrétienne est à contre-courant, et non de droite
Tribune libre écrite par Gaston Piétri,
Parue dans Le Monde daté du 25 décembre 2010

La contestation du discours de Benoît XVI au sujet de la famille et de la sexualité a confirmé le désaccord, pour ne pas dire le fossé, entre une partie de l'opinion publique et l'Eglise catholique. En effet, sur ce point, les avis sont tranchés et les positions contradictoires. Ce qui est dommageable, de part et d'autre, est la configuration qui s'installe dans les esprits en ce qui concerne ces positions, répartissant une fois pour toutes face à face les militants de la modernité et ceux de l'anti-modernité, ceux du progrès et ceux de la réaction, et en forme d'extrême simplification ceux de la gauche et ceux de la droite.

Faut-il parler d'apparences ? Certes pas. Car il y a bien une réalité, celle de la résistance de l'Eglise catholique à des bouleversements inédits du modèle familial, et donc du modèle de couple humain. Et cela au moment où les changements paraissent à beaucoup l'expression ultime de la modernité. Il y a cette autre réalité qui, vue du côté de l'Eglise catholique, réside dans la contradiction désormais flagrante entre ce qu'autorisent beaucoup de législations et les principes moraux auxquels les croyants et les humanistes devraient demeurer fermement attachés. La question est de savoir si à partir de là, car c'est là que le bât blesse, la configuration moderne/antimoderne, gauche/droite, a quelque fondement sûr ou si le temps ne serait pas venu d'aiguiser le regard pour mieux cerner les enjeux.

La distinction privé/public perd toute pertinence en cette querelle, dès lors que les rapports entre les sexes, la définition de la parenté, pour ne citer que ces exemples, font désormais l'objet de décisions d'ordre politique puisqu'ils sont régulés par des législations.

Peut-on accuser les Eglises d'ingérence dans le domaine public lorsque, pour énoncer des exigences éthiques cohérentes avec leur vision de l'homme, elles ne peuvent faire autrement que rencontrer des réalités qui sont en débat dans la sphère politique ? Et pourquoi donc est-ce d'un autre côté, et seulement de cet autre côté, que l'ingérence a été dénoncée par des formations politiques et des organisations de la société civile, lorsqu'étaient en cause l'immigration et le droit des étrangers ?

Les limites de la compétence des confessions religieuses ont été maintes fois rappelées. Elles ne sont pas habilitées à prôner des solutions concrètes et directement applicables, il ne leur appartient surtout pas de faire la loi. D'où leur nécessaire prudence quand un débat législatif est en cours. Elles ne sauraient réclamer que le "légal" traduise tous les impératifs de la morale, en même temps qu'elles ont le droit de signifier que tout ce qui est légal n'est pas forcément moral. Aux consciences alors de se déterminer, et qui pourrait interdire de les y appeler ?

On n'a pas manqué de relever, au moment des expulsions des Roms, que les positions des responsables religieux ne coïncidaient pas avec la couleur politique majoritaire des votes des pratiquants, telle que la montrent sondages et enquêtes d'opinion. Il y a là un autre aspect incontestable de la réalité. Il est traduit généralement, en France, par le constat selon lequel "les catholiques sont à droite".
L'écart entre ce vote tel qu'il est interprété et les orientations prônées au titre de la justice sociale et de la protection des plus faibles ne prouve rien contre la logique chrétienne de ces positions, laquelle est amplement attestée par la tradition biblique et l'enseignement social de l'Eglise. Si les catholiques allaient ne pas en tenir compte dans leur pratique électorale, ce décalage devrait les interroger eux-mêmes sur leur propre incohérence. A l'Eglise bien sûr de s'en expliquer et d'abord au sein de ses communautés.

Quant à la dissymétrie entre, d'une part, les interventions sur le terrain de la sexualité et de la famille et, d'autre part, l'engagement pour la cause de la justice sociale, elle ne peut étonner qu'en raison du positionnement qui, dans l'opinion publique française, obéit à une distribution convenue des rôles entre droite et gauche. Distribution qui passe pour aller de soi.

Et, cependant, elle est plus qu'approximative lorsque chacun se souvient que le projet de loi sur la dépénalisation de l'interruption volontaire de grossesse provenait, en 1975, d'un gouvernement de droite. Distribution d'autant moins fondée en doctrine que rien n'autorise à lier définitivement la sensibilité aux inégalités sociales et la mise en oeuvre d'une "libération sexuelle" tous azimuts. Après tout, les carences désastreuses dans la régulation des marchés et la dérégulation totale des moeurs pourraient être aussi bien combattues, de part et d'autre, comme autant de dérives venant d'une même conception inacceptable de la liberté. Mais s'explique-t-on vraiment sur la liberté, le libéralisme et la limite du libre choix en matière de moeurs ?

Une chose est un "ordre moral" autoritaire, autre chose est la manière de refonder sur des bases authentiquement humaines des notions aussi essentielles pour notre vivre ensemble que le couple et la famille. La tâche des Eglises est délicate.

A ramer à contre-courant, il est facile de donner l'impression, surtout quand le langage employé est peu audible par nos contemporains, de vouloir bloquer la société. Mais si, par ailleurs, la société allait céder à la xénophobie et en même temps récuser la protection sociale au nom des libertés individuelles (comme semblent le montrer les Etats-Unis), c'est encore à contre-courant qu'il faudrait ramer.

La justice et la liberté, quant à elles, sont dans le même camp. Et c'est un labeur positif que de les promouvoir.

Gaston Pietri,
Prêtre du diocèse d'Ajaccio,
Responsable de la rédaction de la revue "Eglise de Corse".

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