lundi 25 juillet 2011

1935 : L’affaire MALMEJAC – Partie 3 - La piste d'Endoumes

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Lundi 18 juillet 2011 :
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Tous les lundis, durant cet été 2011, je vais explorer les méandres d’une affaire qui a bouleversé une longue semaine la ville de Marseille, et au-delà, la France entière : « l’affaire MALMEJAC » ou l’enlèvement d’un enfant en plein jour et au cœur même de la cité phocéenne.
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Ordre des publications :

Lundi 4 juillet 2011 : Présentation
Lundi 11 juillet 2011 : L’Enlèvement
Lundi 18 juillet 2011 : Premières recherches
Lundi 25 juillet 2011 : La piste d’Endoumes
Lundi 1er aout 2011 : La piste de Saint-Just
Lundi 8 aout 2011 : Les médias s’en mêlent
Lundi 15 aout 2011 : Le Boulevard des Fauvettes
Lundi 22 aout 2011 : Devant la justice
Lundi 29 aout 2011 : Conclusion
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I / La demande de rançon :

Le lendemain matin, après une longue nuit d’angoisse où les parents éplorés ne purent trouver le sommeil, un volumineux courrier, remis quelques instants plus tôt par le facteur, attend le professeur. Au milieu des habituelles missives et des factures courantes, une enveloppe va attirer son attention.

Il s’agit d’une enveloppe, de couleur blanche, identique à celle que l’on trouve couramment dans le commerce, portant l’adresse des Malmejac écrite manuscritement à l’aide d’un crayon noir. D’après le cachet de la poste qui indique dix sept heures, elle a été glissé dans la boite aux lettres du bureau de poste de la rue Saint-Ferréol. A l’intérieur, le professeur découvre une feuille, soigneusement pliée en quatre, arrachée à un cahier d’écolier. Le message inscrit à l’intérieur en lettres majuscules, d’une écriture irrégulière, là aussi à l’aide d’un crayon noir, est facile à déchiffrer. Il est rédigé à peu près en ces termes :

Soyez sans crainte sur le sort de votre enfant.
Il vous sera rendu sain et sauf si vous êtes décidé à verser une somme de 50.000 francs.

A la suite de ce message inquiétant, les modalités permettant au professeur Malmejac de faire connaître sa décision sont inscrites. Il ne fait aucun doute à l’auteur de la lettre anonyme que les parents vont accepter ses exigences financières. Pour signifier son accord, il doit insérer une annonce classée dans le « Petit-Marseillais », le principal quotidien de la ville. Cette annonce tient en deux lignes :

Disposons de 50.000 francs
Cherche emploi intéressant

Alors que le malheureux père est en train d’évaluer la crédibilité de cette étrange lettre, la concierge de l’immeuble, Madame Lombardi, frappe à la porte de l’appartement. Comme tous les matins, elle a vérifié le contenu de la boite aux lettres communes de l’immeuble. Elle y a trouvé une enveloppe adressée aux Malmejac. Se doutant de l’importance de cette lettre, elle s’est empressée de l’amener à son destinataire. Ouvrant fébrilement l’enveloppe blanche dont l’adresse est elle-aussi écrite au crayon noir, le docteur découvre une autre demande de rançon dont le texte est strictement identique à la première.

Pour les enquêteurs, immédiatement mis au courant, l’origine de ces deux missives ne fait aucun doute. A dix sept heures, lorsque la demande de rançon a été glissée dans la boite aux lettres de la rue Saint-Ferréol, la nouvelle de l’enlèvement n’avait pas encore été divulguée. La station de T.S.F. « Marseille-Provence » qui couvre l’actualité locale n’a diffusé cette information que bien plus tard et aucun des quotidiens du soir, qu’ils soient locaux ou nationaux, n’a évoqué l’enlèvement. Personne donc ne connaissait à cette heure là cette information hormis la famille, la police et la ravisseuse. Cette lettre ne peut qu’émaner d’elle.

Une chose étonne toutefois les enquêteurs lorsqu’ils découvrent à leur tour la missive. C’est la valeur relativement minime de la rançon réclamée. En effet, cinquante mille francs n’est pas un montant excessif pour l’époque. Ayant, de toute évidence, à faire à un membre de la pègre, les policiers s’attendaient à une somme beaucoup plus élevée.

De son coté, le professeur est soulagé. Ce n’est point une malade mentale qui a enlevé son fils. Il a bien affaire à un crime crapuleux dont le mobile est l’argent. La possibilité de retrouver vivant l’enfant en est grandement accrue.

II / Les premières pistes :

Tandis que le docteur Malmejac découvre la demande de rançon, les enquêteurs poursuivent leurs efforts pour retrouver l’enfant disparu. Dès les premières heures, dès la nouvelle connue, la police est assaillie de témoignages spontanés, tous digne de foi, ayant toutes les apparences de la vérité. A écouter ces témoins, on pouvait être amené à croire que tous les marseillais avaient vu la ravisseuse en compagnie de l’enfant.

Dans cette avalanche de témoignages, la grande majorité est écartée par les enquêteurs car jugés trop fantaisistes ou visiblement affabulateurs. Malgré tout, certains sont jugés sérieux et plus particulièrement trois d’entre eux qui sortent nettement du lot.

Tout d’abord, les enquêteurs retiennent l’intéressant témoignage d’un chauffeur-livreur des Etablissements Catalan, établissement spécialisé dans les produits pharmaceutiques. M.Grosset, s’étant présenté spontanément à l’Evêché, affirme avec force avoir vu la ravisseuse poussant le landau devant le 7 Cours Pierre Puget vers seize heures vingt. Il apporte même une précision en guise de bonne foi : il se rappelle qu’un jeune homme aida la ravisseuse à traverser la chaussée à cet endroit, ce qui l’obligea à s’arrêter pour les laisser passer. Elle continua ensuite son trajet sur la partie centrale du Cours Pierre Puget, se dirigeant vers le jardin de la Colline, toujours en poussant le landau.

De son côté, un facteur se souvient aussi avoir vu une inconnue correspondant au signalement de la ravisseuse, poussant elle aussi un landau, vers seize heure trente sur le boulevard de la Corderie, à l’angle de la rue du Chantier, devant les Etablissements Verminck. Elle se dirigeait vers la place du Quatre Septembre.

Enfin, un officier de l’Armée de Terre, affirme lui aussi avoir vu l’inconnue, marchant vite tout en poussant un landau, vers dix sept heures, sur le boulevard des Dardanelles. Elle se dirigeait alors vers le quartier d’Endoume.

Ces trois témoignages spontanés sont pris très au sérieux par la police. Plusieurs raisons à cela : Le premier témoignage correspond en lieu et temps très précisément au témoignage de Albert Tomassone, le chauffeur de taxi. Les deux autres sont faits par des personnes « assermentées », un fonctionnaire et un militaire, dont la profession écarte l’hypothèse de l’affabulation. De surcroît, ces trois témoignages, permettent de tracer un itinéraire de fuite plausible aussi bien géographiquement que temporellement.

  • 16 h 20’ : Cours Pierre Puget
  • 16 h 30’ : Boulevard de la Corderie
  • 17 h 00’ : Boulevard des Dardanelles

Comme nous le verrons plus tard, l’un de ces témoignages est capital. Les deux autres sont par contre douteux. Mais, pour l’heure, ces trois récits vont servir de base aux premières heures de l’enquête et entraîner la police sur la piste d’un quartier : Endoume

Mais les enquêteurs ne savent pas encore qu’ils vont leur faire aussi perdre un temps précieux et les orienter sur une bien mauvaise piste.

Deux autres témoignages, dans un premiers temps jugés intéressants, sont, par la suite, écartés, à juste titre, et classés comme non fiables. Ainsi, un chauffeur de taxi affirme avec force avoir vu l’inconnue vers dix huit heures sur la Canebière, à hauteur de l’agence de la « Société Générale », face aux « Nouvelles-galeries ». Elle marchait vite, se dirigeant vers les Réformés, et portait au bras un enfant qui pleurait. De même, une directrice d’école jure avoir vu la suspecte dans un tramway de la ligne Chartreux/Saint Giniez vers dix huit heures. Elle est descendue à l’arrêt de la rue Paradis en cachant un bébé sous son grand manteau noir.

Ces deux témoignages sont très vite écartés par les enquêteurs car ils ne correspondent pas à l’hypothèse qui est leur base de travail. A ce moment là de l’enquête, ils pensent que la ravisseuse s’est plutôt réfugiée dans le quartier d’Endoume.

III / Les chiens policiers :

Dans une affaire aussi sensible que celle-ci, le commissaire Couplet ne peut et ne veut négliger aucune piste aucun détail. La pression qui pèse sur ses épaules commence à devenir importante. En quelques heures, l’affaire a pris une ampleur nationale. La presse parisienne, elle aussi, s’est mêlée à l’affaire et n’hésite pas à comparer cet enlèvement à celui du fils Lindbergh, quelques années auparavant aux Etats-Unis. Conséquence immédiate : aux coups de téléphone du Préfet, Laurent Gaussorgues et de son chef de cabinet Emile Froment, se sont désormais rajoutés les appels en provenance du Ministère de l’Intérieur et du ministre lui-même, Joseph Paganon, sans oublier le Secrétaire Général de la Police à la préfecture, André Jacquemart.

Dans ce contexte exacerbé, le chef de la Sûreté à Marseille veut mettre toutes les chances de son coté. Il n’hésite pas à demander de l’aide à M. Crescenzi, le propriétaire d’un chenil de dressage, le « Chenil des Spartiates » situé Traverse de la Seigneurie à Mazargues. L’idée maitresse du policier est de faire sentir aux chiens des effets appartenant à Claude Malmejac puis de voir leurs réactions.

Amenés devant le 5 Cours Pierre Puget, les chiens « Ric » et « Mireille » cherchent toute la matinée du 29 sans grand succès. Cet échec est toutefois relativement compréhensible quand on connaît le volume de passage de cette artère, volume grandement amplifié par la foule de curieux qui veulent observer l’immeuble où la ravisseuse s’est réfugiée. Il est difficile, même pour l’odorat exercé des chiens, de trouver la piste du petit Claude au milieu de milliers d’odeurs différentes.

A intervalle régulier, les enquêteurs font flairer aux chiens un vêtement ayant appartenu à Claude Malmejac et fortement imprégné de son odeur. Mais les chiens ne réagissent pas vraiment à ces stimuli et font comme si le petit Claude n’était jamais passé par là.

Soudain, les observateurs pensent que les chiens viennent de trouver une piste. En effet, passant devant les grilles d’entrée des jardins du Pharo, les chiens y pénètrent et, après moult hésitations, s’arrêtent devant la porte principale de la Faculté de Médecine. Faux espoir. Il faut se rendre à l’évidence. Les chiens avaient en fait senti l’odeur du père de l’enfant, le Docteur Malmejac, qui, rappelons le, enseigne dans ces locaux.

En tout début d’après-midi, les recherches canines se concentrent à proximité du quartier d’Endoume où les enquêteurs pensent que se cache la ravisseuse. Mais ces nouvelles recherches ne vont pas apporter une réelle progression à l’enquête.

IV / La piste d’Endoume :

Comme on vient de le voir, en cette fin de matinée du 29, les enquêteurs sont désormais persuadés que, une fois son forfait accompli, la ravisseuse a trouvé refuge quelque part dans le quartier d’Endoume. Plusieurs éléments les ont amenés à privilégier cette piste.

Tout d’abord, les premiers témoignages recueillis le jour de l’enlèvement ont amené la police à supposer un itinéraire de fuite pour la ravisseuse, itinéraire se dirigeant, comme on l’a vu, vers le quartier d’Endoume par le boulevard de la Corderie et le boulevard des Dardanelles.

Dans la matinée du 29, trois nouveaux témoignages spontanés vont conforter cette hypothèse. En effet, trois personnes se présentent à l’Evêché, affirmant avoir vu une femme correspondant au signalement diffusé par la presse.

Ces trois témoins providentiels étaient la boulangère du 17 rue d’Endoume, Mme Castellan, sa commise, Fortunée Suoroto et une jeune cliente, Claire Cyprienne, âgée de treize ans et demi.

Aux enquêteurs les interrogeant, elles expliquent que, le 28 novembre vers dix sept heure trente, dix huit heure, elles ont vu l’inconnu qui gravissait le chemin menant du Vallon des Auffes à la rue d’Endoume. Elle tentait de dissimuler un enfant qui pleurait, sous un grand manteau noir. Un des témoins, la boulangère, proposa même une brioche pour calmer l’enfant mais l’inconnue refusa dédaigneusement.

Ces témoignages sont jugés crédibles par la police principalement pour deux raisons : ils décrivent des événements s’étant déroulé sur l’itinéraire supposé de la ravisseuse et ils ont la particularité de ne pas mentionner le landau, à l’inverse de la plupart des témoignages reçus spontanément à l’Evêché depuis l’aube. Or, à ce moment là de l’enquête, personne dans le public ne sait que les enquêteurs viennent de retrouver le landau, malheureusement vide, à proximité du 5 cours Pierre Puget.

De plus, ces trois témoignages providentiels sont recoupés par un nouveau témoignage celui d’une voisine de la rue d’Endoume, Mme Eriderich. Interrogé par les inspecteurs en train de vérifier le témoignage de la boulangère, elle déclare :

"Je me rappelle bien avoir vu cette dame et cet enfant. Je prenais de l'eau à la fontaine lorsque passa une femme âgée qui tenait un bébé, mais si maladroitement que celui-ci criait et pleurait. Je dis : "En voilà un qui n'est pas content !". A ces mots, la femme se retourna, me dévisagea et continua son chemin. Je la perdis de vue dans l'obscurité."

Grace à ces quatre témoins, la piste d’Endoume est relancée et semble la plus crédible.

V / Descente policière à Endoume :

Tout ce faisceau de présomptions amène le chef de la Sûreté, M. Couplet, à organiser une descente dans le quartier d’Endoume. Vers quatorze heures, ce 29 novembre 1935, le quartier est hermétiquement bouclé par plus de trois cent policiers.

Une heure plus tard, la fouille systématique des habitations et des moindres locaux est lancée. Les recherches sont plus particulièrement axées sur la rue d’Endoume où la ravisseuse a été aperçue par plusieurs témoins. Les habitants du quartier firent le meilleur accueil aux policiers, leur favorisant la tache, allant même au devant de leur désir.

Cette attitude est à souligner. C’était bien la première fois que la police recevait un tel accueil dans un quartier qui, en temps normal, était plutôt réfractaire à toute forme policière. Mais cela démontrait combien l’enlèvement d’un enfant bouleversait la population marseillaise.

Alors que les perquisitions vont grand train, une vive alerte intervient pour les forces de l’ordre. En effet, spontanément, une passante fit part aux policiers de ses soupçons vis-à-vis d'une femme habitant rue de la Colline et dont le signalement correspondait à celui de la ravisseuse. La police, ne délaissant aucune piste, dépêcha un enquêteur à l'adresse indiquée.

Mais, arrivé à cette adresse, le policier trouva l'appartement vide avec toutes les traces d'une fuite précipitée. Cette attitude étant plus que suspecte, les policiers se répandirent donc dans tout le quartier avec pour mission de retrouver la suspecte, sans succès cependant.

Un des enquêteurs présent sur le terrain s'aperçut alors que l’adresse indiquée ne lui était pas totalement inconnue. Fouillant dans ses souvenirs, il se rappela que cette femme était une de ses "clientes" dont le casier judiciaire totalisait une soixantaine d'année d'interdiction de séjour pour vol à l'étalage.

Il ne fit alors aucun doute aux enquêteurs que, apercevant les forces de l'ordre, la suspecte avait préféré prendre le large. Réaction logique mais qui ne l'exemptait pas aux yeux de la police d'être aussi une ravisseuse.

Pour confirmer la piste, on montra la photo de la suspecte à Georgette Perrachon qui se trouvait alors dans les locaux de la Sûreté pour un nouvel interrogatoire. Mais la piste ne fit pas long feu. La jeune fille ne reconnut pas la ravisseuse sur les photos présentées.

Malheureusement, à part quelques interpellations pour vérification d'identité, la fouille, terminée vers dix huit heures, ne donna rien.

Pour les policiers, cette descente avait un but non avoué. Le quartier d’Endoume avait la réputation d’être le repaire de nombreux voyous. Il s’agissait donc de mettre un coup de pied dans la fourmilière en espérant que la pègre marseillaise serait suffisamment irritée par ces procédés pour livrer la ravisseuse et ses éventuels complices.

Pour tous les observateurs, il ne faisait aucun doute que cet enlèvement ne pouvait être l’œuvre du milieu local mais plutôt l’œuvre de gangsters étrangers à Marseille. Ils étaient donc plus facilement lachable par le milieu marseillais.

En fait, la police n’attendait pas grand chose de cette descente. Tout au plus, il s’agissait de la réponse policière à l’inquiétude grandissante de la population marseillaise.

VI / Le landau retrouvé :

Vers midi, ce 29 novembre 1935, un élément inespéré va donner un tour nouveau à l’enquête. Alors que la police est en train d’axer ses recherches sur le quartier d’Endoume, le landau de Claude Malmejac est retrouvé par hasard, caché au fond d’un couloir, au 18 Cours Pierre Puget, à proximité d’une porte menant aux caves de l’immeuble.

La porte d’entrée de cet immeuble, situé entre la rue Gustave Ricard et la rue Breteuil reste toujours ouverte. En effet, non seulement il s’agit d’un immeuble de bureau mais, de surcroît, un salon de coiffure pour femme occupe les locaux de l’entresol. Le couloir, très large et long d’une dizaine de mètres, est à demi occupé par un escalier imposant. Vers le fond, à gauche, il s’élargit devant la porte du logement du rez-de-chaussée.

La découverte du landau est fortuite. Un témoin, descendant l’escalier, aperçut le landau dans l’obscurité du couloir mais il n’y prêta pas spécialement attention. En effet, les clientes du salon de coiffure ont pour habitude de laisser les landaus à cet endroit là. Lorsque revenant plusieurs heures plus tard, il aperçut de nouveau le landau, un doute l’assaillit et il prévint aussitôt la police.

Il s’agissait bien du landau des Malmejac. Tous les jouets de l’enfant sont retrouvés à l’intérieur. Par contre il manque le sac à main de la nurse qui, pour mémoire, contenait une petite somme d’argent.

Bien entendu, l’immeuble et ses caves sont immédiatement fouillés de fond en comble par la police, sans aucun résultat cependant. Toutefois, cela ne surprend pas les enquêteurs qui s’attendaient à un tel résultat. Il y avait fort à parier que la ravisseuse ne demeurait pas dans l’immeuble où elle avait abandonné le landau.

Un peu plus tard dans l’après midi, le docteur Malmejac va formellement reconnaître le landau. Tous les objets qu’il contenait furent minutieusement examinés par les services techniques de la police mais cet examen minutieux n’apporta aucun élément nouveau à l’enquête.

Par contre, cette découverte va plonger les enquêteurs dans un abîme de perplexité. Ils s’attendaient à trouver tôt ou tard le landau abandonné mais certainement pas à cet endroit là. Cette découverte renforce le témoignage principal, celui de M. Grosset, le chauffeur-livreur des Etablissements Catalan, qui avait vu la ravisseuse avec le landau remontant le Cours Pierre Puget, donc vers le 18. Par contre elle fragilise grandement les témoignages du facteur et de l’officier de l’Armée de Terre qui avaient vu l’inconnu sur le boulevard de la Corderie avec le landau alors que normalement, vu l ‘endroit où le landau a été retrouvé, elle aurait du être sans. Faut il en conclure que la ravisseuse est revenue durant la nuit cacher le landau ou est-ce toute la piste d’Endoume qui est fausse ?

Dans l’état actuel des choses, la Sûreté ne cherche pas une explication rationnelle à ce détail, le bouclage du quartier d’Endoume étant déjà lancé.

VII / Les autres pistes :

En cette soirée du 29, les enquêteurs sont assez déroutés par la tournure inattendue qu’ont pris les recherches. La découverte du landau au Cours Pierre Puget a anéanti plusieurs témoignages jugés fiables et la piste d’Endoume a fait long feu. Ils doivent avouer qu’ils ne savent pas où se trouve l’enfant et qu’aucune piste crédible n’est en leur possession. Les policiers sont dans le brouillard le plus complet.

Et ce n’est pas le témoignage spontané de cette femme qui se présenta dans l’après-midi à l’Evêché qui relancera réellement à l’enquête. Tout au plus, elle permettra de conforter les soupçons du chef de la Sûreté, M. Couplet, quant au professionnalisme de la ravisseuse. Pour celui-ci, il ne fait plus aucun doute que le rapt fut préparé de longue date et l’adresse donnée au chauffeur de taxi ne le fut pas au hasard. Le témoin expliqua longuement que, alors qu’elle passait sur le Cours Pierre Puget jeudi, en milieu de matinée, elle repéra une vieille femme correspondant en tout point au signalement diffusé par la pesse, femme qui examinait avec minutie les entrées d’immeubles dont les portes étaient ouvertes.

Au cours de cette journée, les policiers vont aussi réentendre les témoins clefs de l’affaire et, surtout, Georgette Perrachon. En effet, les policiers ont des doutes la concernant. Il leur parait hautement improbable qu’elle ait été complètement étrangère à ce rapt. Comment cette jeune fille a t’elle pu se laisser tromper aussi facilement ? La seule explication qui vient à l’esprit est qu’elle est complice de la ravisseuse.

La presse ne sera pas non plus très tendre avec la nurse. Les journaux présenteront aussi des doutes après que la jeune fille ait refusé de rencontrer le docteur Malmejac lui aussi convoqué. Mais ce refus est mal interprété par la presse marseillaise qui ne voit en lui qu’une preuve de culpabilité alors qu’il est très probable que ce geste soit dû aux sentiments d’une jeune fille qui pense avoir failli à la confiance que mettaient en elle ses patrons.

Devant l’inspecteur Martini, Georgette Perrachon se bornera à refaire à l’identique sa déposition initiale, apportant seulement quelques précisions nouvelles sur son emploi du temps dans la période précédant le drame. On apprendra ainsi qu’elle a passé la nuit du 27 au 28 chez sa sœur, Madame Andras, au 12 chemin du Château d’If.

Les policiers profiteront de sa présence à l’Evêché pour la confronter à toutes les vieilles femmes vêtues de noir que les vérifications qu’ils effectuent les amènent à croiser, sans résultat probant cependant.

Le contre interrogatoire du docteur Crémieux, lui aussi convoqué, n’amènera pas non plus d’éléments nouveaux. Il précise simplement qu’il penche pour l’hypothèse d’une malade mentale en manque d’enfant.

VIII / L’aspect humain et familial :

Le 29 novembre 1935, à vingt heure, la station de radiodiffusion « Marseille-Provence », la station la plus écoutée de la région marseillaise, va diffuser un nouveau signalement du petit Claude complété par un avis de recherche de la police.

Cet avis est accompagné d’un appel émouvant de la mère éplorée suppliant les ravisseurs de lui rendre son enfant :

Mais l’aspect humain de l’affaire n’est pas à négliger. Ainsi, depuis qu'est connue la nouvelle de l'enlèvement, le couple Malmejac est entouré chaleureusement, montrant ainsi l'estime dans lequel il se trouve. Dès les premières heures, les collègues du professeur se sont efforcés d'aider l'enquête sous son coté scientifique. L'hypothèse de la folie est celle retenue par les éminents scientifiques. Mais ; là encore, aucune preuve n’est avancée, que des soupçons.

Dès les premières heures du drame, les parents du professeur ont accouru au domicile du jeune couple. De son côté, la famille de madame Malmejac réside à Alger. Elle est prévenue télégraphiquement. Madame Vacherot gagne le plus rapidement possible la cité phocéenne en prenant le vol régulier Alger / Marseille. Elle arrive à quatorze heures quinze à l’aéroport de Marignane. Une heure plus tard, elle se trouve elle aussi auprès du jeune couple. D’autres membres de la famille sont aussi présent, comme Monsieur Sarlande, le cousin parisien de Madame Malmejac.
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Le jeune couple trouve ainsi dans le cocon familial un peu de réconfort dans les terribles épreuves qu’il traverse.
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A suivre la semaine prochaine
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