vendredi 15 juillet 2011

Il y a cent ans : Revue de presse du 10 au 16 juillet 1911

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Vendredi 15 juillet 2010 :
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Une petite revue de presse centenaire et cent pour cent subjective des événements qui se sont déroulés l’été 1911 par le biais de la « bible » de la presse nationale de l’époque : « Le Petit Parisien »
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Lundi 10 juillet 1911 :
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Grève : Les ouvriers du bâtiment, après l’échec des négociations avec les organisations patronales, votent la grève générale. « Les négociations portaient sur la journée de neuf heures et la suppression du tâcheronnat »

C’est devant plus de vingt mille ouvriers que la décision de la grève est prise dans une immense acclamation. Il est à noter que plusieurs incidents se déroulèrent entre les syndicalistes et les forces de maintien de l’ordre, faisant une dizaine de blessés légers, lors de la dispersion de la réunion.

Maroc : Les négociations franco-allemandes ont commencé en secret à Berlin entre l’émissaire français, Mr CAMBON et le ministre des affaires-étrangères allemands, Mr DE KIDERLEN.

Antimilitarisme : Trois syndicalistes appartenant aux syndicats du bâtiment sont arrêtés pour « menées antimilitaristes ». Pierre-Victor VIAN et Ferdinand DUMOND, les deux secrétaires de la chambre syndicale de la maçonnerie et de la pierre, et Auguste BARILAND, conseiller prud’homaux se voient reprocher d’avoir émis des tracts et des circulaires mettant en cause les militaires.

Commémoration : Des étudiants norvégiens en provenance d’OSLO accostent enfin à Paris, au pont Notre-Dame, après avoir rallié les deux capitales à la force de rame sur une imitation d’un drakkar. Cet exploit, les étudiants l’expliquent en voulant célébrer à leur manière les mille ans de l’arrivée des vikings en Ile de France.

Mardi 11 juillet 1911 :

Maroc : Les négociations entre l’Allemagne et la France continuent à se dérouler à Berlin. Bien que, des deux cotés, on veuille rien laisser filtrer, les rumeurs sur des pourparlers satisfaisant et rapide commence à courir dans les milieux dits autorisés.

Tour de France : Cinquième étape : Chamonix – Grenoble (366 km)

Hormis le quotidien « l’Auto » et malgré les prouesses des coureurs de l’époque, le Tour intéresse peu les journaux parisiens. Pour preuve, l’article intégral du compte rendu de la cinquième étape avec pourtant de nombreux cols et une belle bagarre sur le parcours. Maintenant, l’explication de se mutisme s’explique peut-être avec le compte rendu du 13 juillet 1911.

« Le départ de la cinquième étape a eu lieu hier matin à trois heures du matin et malgré l’heure matinale une foule nombreuse se pressait au contrôle du départ.»

Les arrivées à Longwy ont eu lieu dans cet ordre :
1er : Emile Georget (La Française) en 13 h 38’
2 : Paul Duboc (La Française) à 12 minutes
3 : Gustave Garrigou (Alcyon) à 22 minutes
4 : Ernest Paul (Alcyon) à 38 minutes
5 : Jules Nempon à 45 minutes

Mercredi 12 juillet 1911 :

Bâtiment : La grève dans le bâtiment se développe et une bataille de chiffre a commencé entre les différents protagonistes. Ainsi la Préfecture de Police annonce que les salariés du bâtiment représentent 24596 ouvriers dont 18562 seraient en grève (soit 75.46 % de grévistes). Pour le patronat du bâtiment, il y aurait environ 20000 grévistes sur 90000 ouvriers. (Soit 22.22 %) Quant aux syndicats, ils revendiquent 50000 grévistes pour 60000 ouvriers, (soit 83.33 % de grévistes).

La bataille des chiffres lors des grands mouvements sociaux ne date donc pas de quelques années mais bel et bien d’un siècle !

Antimilitarisme : Les syndicalistes accusés d’antimilitarisme conteste les faits en expliquant que les tracts qui accompagnent le « sou du soldat » ne sont pas des tracts antimilitaristes mais des comptes rendus d’actions du syndicat des bâtiments appelant à la conscience des hommes. Ils expliquent qu’ils demandent aux ouvriers syndiqués sous les drapeaux de réfléchir à ce qui se passerait si l’ordre leur était donné, en cas de maintien de l’ordre, d’ouvrir le feu sur des syndicalistes où la probabilité de trouver un frère, un père, un oncle, est immense.

Le « sous du soldat » est la somme prélevé auprès de chaque syndiqué du bâtiment et envoyé aux syndiqués sous les drapeaux. Cette somme représente une aide mensuelle d’environ trente francs d’époque. Il y a 500 soldats en 1911 qui sont syndiqués du bâtiment, c'est-à-dire qui, avant leur appel sous les drapeaux, ont cotisé au minimum un an à ce syndicat spécifique. Lors de l’envoi du mandat, un bulletin retraçant les luttes du syndicat y est joint. C’est le contenu de ce bulletin qui est jugé « antimilitariste » par la justice.

Maroc : La presse française reprend la courte déclaration faite par le Ministre des Affaires Etrangères, Mr De SELVES, devant la Chambre des Députés, où le gouvernement reconnait officiellement que des négociations sont en cours avec l’Allemagne. Toutefois, comme on peut le constater, les informations sur ces négociations sont quasiment nulles :

« Je comprends le désir de la Chambre d'être renseignée le plus tôt possible sur les incidents qui ont marqué l'envoi d'un navire allemand à Agadir. A l'heure actuelle une conversation est engagée, de demande à la Chambre de permettre la conversation de se poursuivre avec la haute tenue qui convient à deux grandes puissances qui causent entre elles. Le moment venu le gouvernement dira ce qu'il aura fiat et il demandera à la Chambre d'apprécier et de juger.

Je prie la Chambre de faire crédit au gouvernement et je lui donne l'assurance que la conversation sera engagée, et poursuivie avec le souci persistant et inébranlable de ce que commandent l'intérêt et la dignité de ce pays (Vifs applaudissements. ) et le souci de maintenir, avec la puissance avec laquelle cause la France, des rapports de bonne entente et de haute loyauté. (Vifs applaudissements.) »
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Jeudi 13 juillet 2011 :
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Maroc : la nouvelle d’incident au Maroc entre troupes régulières espagnoles et ressortissants français installés à El-Ksar parvient à Paris qui demande immédiatement des explications à l’Espagne.

A Berlin, les rencontres entre français et allemands se poursuivent sans que rien ne transparaissent sur les propos tenus. Un exploit à cette époque !

Récompense : Le général Gallieni des troupes coloniales reçoit la médaille militaire à l’occasion des cérémonies précédant le 14 juillet. Le général est, par ailleurs, grand croix de la Légion d’honneur depuis 1905.

Bâtiment : La grève tourne au tragique à La Villette quand des grévistes s’en prennent à des ouvriers encore en train de travailler. L’un des ouvriers poignarde mortellement un assaillant gréviste qui meurt avant son arrivé à l’hôpital.

Alors que se déroule ce fait divers tragique, représentants des syndicats et délégation du patronat se rencontre pour essayer de trouver une solution à la crise. Les deux partis sont optimistes sur l’avancée des négociations.

Tour de France : Sixième étape : Grenoble – Nice (348 km)

Les Alpes ont commencé à faire des ravages puisque seulement 48 coureurs ont pris le départ, encore à trois heures du matin de cette étape. Comme d’habitude, « une foule nombreuse les a acclamée au départ ». A cette époque là, le « copie/collé » n’existait pas mais les journalistes avait du trouver son équivalent.

Les arrivées à Nice ont eu lieu dans cet ordre :
1er : François Faber (Alcyon) en 13 h 17’
2 : Gustave Garrigou (Alcyon) à dix minutes
3 : Charles Cruppelandt (La Française) à onze minutes
4 : Paul Duboc (La Française) à vingt minutes
5 : Ernest Paul (Alcyon) à une demi-longueur

« Alcyon vient encore en tête. Une fois de plus, la construction impeccable de cette bicyclette a donné la victoire au coureur qui la montait. Nul éloge n’est à faire : les résultats probants s’il en fut, viennent de nouveau confirmer la réputation mondiale de la célèbre marque Alcyon. »

Le Petit Parisien semble avoir choisi son camp : des articles dithyrambiques lorsque l’équipe Alcyon gagne, les résultats bruts quand une autre équipe l’emporte …
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Vendredi 14 juillet 2011 :
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Maroc : L’Allemagne procède à un remplacement de navire à Agadir, la canonnière Panther quittant définitivement les eaux marocaines, immédiatement remplacé par l’Eber qui vient ainsi épauler à son tour le croiseur Berlin toujours présent au Maroc.

Bâtiment : La presse parisienne rend compte du meeting monstre s’étant déroulé ma veille à Ménilmontant regroupant entre six et dix mille grévistes. Ils écoutent de nombreux orateurs dont Edouard Ricordeau, un syndicaliste anarchiste recherché depuis longtemps par la police.

Lors de la dispersion, plusieurs échauffourées éclatèrent entre grévistes et forces de l’ordre, faisant une dizaine de blessés

Pays de Galles : L’Angleterre remet au gout du jour l’intronisation du Prince de Galle, cérémonie abandonnée depuis plusieurs siècles. C’est au cœur des antiques murailles du château de Carnavon que le Roi Georges VI assura la cérémonie d’investiture de son fils ainé, Edouard (futur Edouard VII).
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Samedi 15 juillet 1911 :
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Fête nationale : L’éditorial du Petit Parisien :

« Le 14 juillet a été fêté hier à Paris, dans les départements et à l'étranger par les colonies françaises avec un entrain, qui doit sans doute imposer quelques réflexions aux derniers adversaires de la République.

Quelque entrée dans les habitudes courantes que soit cette solennité, quelque réguliers qu'apparaissent les divertissements et spectacles qui la marquent, elle est, pour des millions de citoyens, l'évocation d'une date unique de notre histoire et l'on peut ajouter, de l'histoire elle rappelle que le peuple français, en prenant la Bastille, a démantelé l'ancien régime, abattu l'absolutisme et préparé l'avènement de la démocratie.

Si la République, qui, à juste titre, s'est approprié ce glorieux anniversaire, est encore discutée ce n'est plus que dans des cercles restreint. Elle s'est si bien identifiée avec la France elle-même, que la fête de la République est devenue pour tous, hormis quelques-uns, la fête de la France.

Mais en saluant un passé déjà lointain, un événement célèbre entre tous, et d'où data l'affranchissement de la nation, nous devons aussi porter nos regards en avant. La démocratie n'est pas un régime figé, une chose stagnante. Ce qui fait sa beauté et sa force, c'est qu'elle est susceptible de progrès indéfinis, d'une évolution continue, sans que son principe ne soit jamais ébranlé. »

Fête nationale : le défilé, comme toutes les années, se déroule sur le terrain de l’hippodrome Longchamp où l’armée est acclamée par une foule en liesse. Suivant la tradition, le Président de la République, Armand Fallières, remets les drapeaux à trente sept régiments d’artillerie, avant de décorer les récipiendaires de la Grand Croix de la Légion d’Honneurs.

Le défilé se conclut par la traditionnelle charge de la cavalerie française.

Maroc : Après les trois entretiens qui ont eu lieu entre M. Jules Cambon et le ministre allemand des Affaires étrangères, le gouvernement allemand estime maintenant qu’il appartient à Paris de préciser la situation et de dire ce qu'il pense au sujet du point de vue exposé par M. de Kiderlen-Waechter.

Malgré le fait que rien ne filtre de ces négociations, celle-ci semblent ne pas se heurter à des difficultés insurmontables. Les observateurs pensent que l’Allemagne ne se place plus entièrement sur le terrain de l'acte d'Algésiras, qu’il ne conteste plus les droits politiques de la France au Maroc, mais qu’il défend énergiquement les intérêts économiques de l'Allemagne et désire se voir attribuer quelques compensations territoriales.

Ces mêmes observateurs pensent que l’Allemagne demande des compensations, non au Maroc, mais dans d’autres régions d’Afrique qui l’intéresse plus.

Bâtiment : A l’appel des syndicats, à l’occasion de la Fête Nationale, aucune manifestation ne se déroule et aucun incident n’est à déplorer. Une journée de calme qui tranche avec l’agitation de la semaine passée.

Tour de France : Septième étape : Nice – Marseille (334 km)

Le départ de la septième étape du Tour de France (Nice-Marseille) a été donné hier matin, à trois heures du matin pour les 46 concurrents restant encore en course. Pautrat n'a pu partir à cause de sa machine en mauvais état.

Après avoir été signer au contrôle de Sospel, les concurrents sont revenus à Nice après avoir parcouru une boucle de 95 kilomètres dans l’arrière pays niçois avant de s’élancer vers la capitale phocéenne.

Les arrivées à Marseille ont eu lieu dans cet ordre :
1er : Charles Cruppelandt (La Française) en 12 h 14’
2 : Emile Georget (La Française) à un quart de roue,
3 : Jules Nempon à dix minutes
4 : Paul Duboc (La Française)
5 : Gustave Garrigou (Alcyon)

Comme ce n’est pas un membre de l’équipe Alcyon qui emporte l’étape, pas d’article dithyrambique sur le vainqueur de l’étape !

Dimanche 16 juillet 2011 :

Maroc : Les journalistes ont tellement peu à se mettre sous la dent concernant les négociations franco-allemande que la crise d’Agadir quitte la première page des quotidiens français. Ci après l’article in-extenso du Petit-Parisien du 16 juillet 1911 :

« Bien qu'une note officieuse ait fait connaître, à Madrid, le sens de la réponse que l'Espagne comptait adresser au gouvernement français, au sujet des incidents d'El- Ksar, cette réponse n'était pas encore, hier soir, parvenue à Paris.

Les pourparlers franco-allemands se poursuivent avec une rapidité croissante ce qui semble prouver qu'ils sont arrivés à une étape décisive. M. Cambon a conféré, hier, avec M. de Kiderlen-Waechter, et M. de Selves a reçu M. de Schoen.

De son côté, M. Caillaux s'est entretenu avec l'ambassadeur d'Angleterre. Le Lokal Anzeiger a recueilli le bruit que le général Moinier conduisait une colonne vers Marrakech. Cette rumeur est absolument fausse. Marrakech est tout à fait en dehors de notre programme d'action, et le général Moinier va rester quelque temps à Casablanca, pour se remettre de ses fatigues.

Il y a lieu, enfin, de démentir une seconde fois la nouvelle de la venue de M. Stolypine, le premier ministre russe, à Paris. »

Bâtiment : La situation reste stationnaire depuis jeudi, les grévistes se sont contentés, hier encore, de venir faire viser leurs cartes dans les permanences établies depuis le début du mouvement. La « chasse aux renards » se trouve forcément suspendue, la presque totalité des chantiers étant clos jusqu'à demain matin.
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Le comité central de grève a, dans sa dernière séance, décidé de tenir lundi un grand meeting intercorporatif, au cours duquel seront présentées différentes propositions propres à l'organisation du débauchage des quelques ouvriers qui oublient leurs devoirs
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Fête nationale : La presse quotidienne revient sur une violente bagarre qui a opposé les habitants d’un village de la Drome avec des « romanichels » (ce que nous appelons désormais les Gens du Voyage) à l’occasion du traditionnel bal national. Les causes de la bagarre sont inconnus mais les conséquences graves puisqu’un villageois, un épicier, a été tué d’un coup de couteau et deux autres habitants grièvement blessés.
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Trois Romanichels ont été arrêtés par les gendarmes et le campement est sous la surveillance d’un détachement militaire envoyé en urgence d’Orange pour rétablir l’ordre.
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