dimanche 10 juillet 2011

L’info du dimanche : Sarkozy et la sécurité: l'échec ?

.
Dimanche 10 juillet 2011 :
.
La rubrique dominicale de mon blog, « l’info du dimanche », cette information locale, régionale ou nationale glanée dans la presse et qui m’a fait bondir de colère ou de joie durant la semaine.
.
Le rapport de la Cour des Comptes sur la sécurité en France au cours de ces dix dernières années est accablant. Je ne ferais aucun commentaire sur le fait de savoir si la Cour des Comptes est sortie de son rôle ou pas, si elle l’a fait avec un but politique ou pas. Par contre, je ferais simplement remarquer que celui qui a diligenté ce rapport à été nommé par Nicolas SARKOZY lui-même. Un peu l’histoire de l’arroseur arrosé donc !

Je remarque par contre avec satisfaction que ce rapport pointe du doigt plusieurs faits que moi-même j’avais dénoncé plusieurs fois et depuis longtemps sur ce blog :

Le rôle régalien de l’Etat par le biais de sa police nationale de plus en plus abandonné au profit des communes,
Les manquements d’une police de proximité, quel que soit le nom qu’on lui donne, pour prévenir la délinquance,
Le manque chronique d’effectif qui tourne désormais à un naufrage collectif,
Le rôle néfaste de la politique du chiffre sur l’efficacité des missions de police,
L’efficacité de la vidéosurveillance pas si évidente que cela, bien au contraire
.
Médiapart, dans son édition du 7 juillet, brosse un résumé un ce rapport des plus intéressant
.
Bonne lecture !
.
Sarkozy et la sécurité: dix années d'échecs
07 juillet 2011 | Par Louise Fessard - Mediapart.fr

En prenant 2002, date d'arrivée de Nicolas Sarkozy au ministère de l'intérieur, pour point de départ, le rapport de la Cour des comptes sur l'organisation et la gestion des forces de sécurité, publié ce 7 juillet, dresse un véritable bilan de la politique de sécurité du chef de l'État. Il est dévastateur.

L'actuel ministre de l'intérieur, Claude Guéant, ne s'y est pas trompé, allumant des contre-feux dans les médias avant même sa publication. Dès le 22 juin, le site Atlantico publiait une lettre du ministre adressée à la Cour des comptes, dans laquelle il fustigeait «un nombre important d'inexactitudes, d'oublis et d'appréciations manquant parfois d'objectivité». Et l'ancien préfet se fendait au passage d'une leçon de statistique, estimant la période d'analyse retenue 2002-2009 trop courte pour «révéler les contrastes entre les résultats obtenus aujourd'hui et les politiques de sécurité menées antérieurement».

L'enquête de la Cour des comptes résulte de contrôles menés avec les chambres régionales des comptes dans 52 villes de quatre régions (Ile-de-France, Rhône-Alpes, PACA et Languedoc-Roussillon). Elle concerne uniquement les forces de sécurité publiques (83.000 policiers, 80.000 gendarmes et 28.000 agents municipaux fin 2010). Revue de ses principales critiques.

La hausse des violences aux personnes

«L'évolution de la délinquance ne peut être résumée par un seul indicateur global donnant le même poids aux délits mineurs et aux crimes», rappelle la Cour des comptes. Or la communication gouvernementale continue de s'appuyer sur ce chiffre, qui agrège l'ensemble des infractions constatées par les services de police et gendarmerie.

Ainsi, le 20 janvier 2011, Brice Hortefeux affirmait-il que «la délinquance a diminué de plus de 2% en 2010. Pour la huitième année consécutive, l'insécurité recule en France». Non seulement l'usage de ce chiffre est, selon les rapporteurs, une «simplification grossière», mais cette baisse depuis 2002 serait en grande partie expliquée par le «recul spectaculaire» de deux grandes catégories d'infractions, les vols liés à l'automobile et les destructions et dégradations de biens privés (− 378.000 faits au total en zone police entre 2002 et 2009).

Cette évolution est due «principalement à l'amélioration par les constructeurs automobiles des dispositifs techniques de protection contre les vols et les effractions, et au renforcement des dispositifs de protection des espaces publics et privés (parkings, gares, etc.)». Une partie croissante des actes de vandalisme se serait également «traduite non par le dépôt d’une plainte par les victimes, mais par l’enregistrement d’une simple contravention» non comptabilisée dans le chiffre gobal de la délinquance constatée par les services.

Et la Cour remarque que «sur la même période (2002-2009), les atteintes à l'intégrité physique des personnes (AVIP) ont, elles, connu une hausse de 20 %, soit 44.000 faits supplémentaires». Cette augmentation est liée «aux violences physiques non crapuleuses telles que les coups et blessures volontaires en augmentation de 51 %, les menaces ou chantages dans d'autres buts que l'extorsion de fonds, les atteintes à la dignité et les violences intrafamiliales».

De plus, les magistrats mettent en doute la «fiabilité» des statistiques départementales du fait de leur «grande instabilité» d'une année sur l'autre. Ainsi, sur l'année 2009, «les inversions de tendance de grande ampleur, comme dans le Haut-Rhin où une baisse de 12,2 % en 2008, a laissé place à une hausse de 14,6 % l'année suivante», constatées également en Gironde, dans la Manche, le Morbihan, l'Orne, l'Oise, l'Ain, en Ille-et-Vilaine, Haute-Corse et Savoie, les laissent-elles songeurs. La Cour observe un phénomène inverse dans d'autres départements, où une hausse sensible en 2008 laisse place en 2009, à une baisse tout aussi sensible.

Une lutte contre les stupéfiants concentrée sur les consommateurs

«Nous avons donc lancé une offensive résolue, contre les grands trafics mais aussi contre le deal de proximité», se réjouissait en janvier 2011 Brice Hortefeux. Bien, mais trop tard, répond en substance la Cour des comptes qui note que, jusqu'en 2010, la lutte contre le trafic de stupéfiants ne figurait pas parmi les objectifs prioritaires de la direction centrale de la sécurité publique (DCSP) alors qu'il «paraît pourtant acquis de longue date qu'il alimente diverses formes de délinquance, notamment dans les quartiers réputés sensibles». Entre 2002 et 2009, l'action des policiers et gendarmes a «été orientée principalement vers l'interpellation des consommateurs sans amélioration significative des résultats en matière de revente ou de trafics».

Ainsi, sur cette période, la constatation des infractions à la législation sur les stupéfiants par les services de la DSCP a connu une progression de 76% pour l'usage simple, 30% pour l'usage avec revente et seulement 8% pour le trafic.

Selon le rapport, la lutte contre le trafic de stupéfiants joue le rôle de «variable d'ajustement pour rehausser le taux moyen d'élucidation». En effet, en matière de consommation de stupéfiants, la constatation de l'infraction est synonyme de l'interpellation des personnes mises en cause, ce qui offre un taux d'élucidation systématique de 100%.

En jouant sur ces infractions relevées par l'action des services (IRAS, qui comprennent aussi les infractions relatives au séjour des étrangers, multipliées par 2,4 entre 2002 et 2009), les services ont «tendance, en tant que de besoin, à moins constater d'IRAS pour réduire l'agrégat de délinquance générale ou, au contraire, à en constater plus, pour améliorer le taux d'élucidation». La politique de lutte contre le trafic de stupéfiants est donc pour, la Cour des comptes, la parfaite illustration d'un «pilotage statistique».

Manque de présence sur la voie publique

Dans un premier temps, à la suite du vote de la loi d'orientation de la sécurité intérieure du 29 août 2002, dite LOPSI, les effectifs de policiers et gendarmes ont fortement augmenté, principalement en région parisienne. Mais, du fait de la RGPP, ils décroissent depuis 2009 et, selon les rapporteurs, dès 2011, le nombre des policiers affectés dans les services de sécurité publique sera revenu à son niveau de 2002.

Mais surtout, beaucoup de policiers restent affectés à des tâches administratives ou annexes (escorte de détenus, garde de bâtiments, garde de détenus hospitalisés, etc.), limitant de fait leur présence sur la voie publique. En moyenne, le taux d'occupation de la voie publique (pourcentage de l'effectif de policiers occupés à un moment donné par ce type d'activités) était de 5,5 % en 2009.

«Les effectifs, c'est très important. Mais ce n'est pas tout, affirmait le 3 février à Orléans Nicolas Sarkozy. Et ce n'est d'ailleurs même plus l'essentiel. Avoir beaucoup d'effectif et peu d'équipements, ça ne permet pas une police efficace.» Mais la Cour des comptes montre que le gouvernement a plutôt cumulé les deux.

Car depuis 2009, la réduction des crédits de fonctionnement se fait sur «les moyens nécessaires à l'activité opérationnelle (matériels de protection et d'intervention), aux enquêtes judiciaires (matériels d'analyse et de détection pour la police technique et scientifique), ou au renouvellement des équipements informatiques et à la maintenance des locaux (...) sans évaluation de l'impact sur les capacités d'intervention des unités».

Même les achats de fournitures pour la police technique et scientifique (PTS) ont baissé de 4,2 millions d'euros à 3,6 millions d'euros entre 2008 et 2010, «en contradiction avec la priorité ministérielle affichée en faveur de la PTS», soulignent les rapporteurs.

Des disparités territoriales accentuées par la montée des polices municipales

La répartition géographique des policiers n'est pas réellement corrélée avec la taille de la population et l'importance de la délinquance constatée. Ainsi, malgré un taux de délinquance nettement plus élevé, les villes de Nice et Marseille ont-elles une densité de policiers à peine supérieure à celles de Lille, Toulouse, Rouen, Toulon, Bordeaux, Montpellier, Strasbourg et Lyon. «Ces disparités sont susceptibles de compromettre l'égalité de traitement des citoyens au regard de leur droit à la sécurité», estiment les magistrats.

Ces disparités sont parfois encore accentuées par le recours accru de certaines municipalités à des policiers municipaux, dont plus de la moitié sont concentrés dans quatre régions (Ile-de-France, Rhône-Alpes, Languedoc-Roussillon et Provence-Alpes-Côte-d'Azur). Le nombre de policiers municipaux a augmenté de 35% entre 2002 et 2010, passant de 14.300 à 19.370 agents.

Si l'on ajoute les 1.450 gardes champêtres, les 5.180 agents de surveillance de la voie publique et les 2.330 agents de surveillance de Paris, les services de police municipale représentent en effet environ 28.300 agents. Ce qui représente, en zone de police (hors Paris et la petite couronne), 25% des gradés, gardiens de la paix et adjoints de sécurité de la DCSP! «Cette évolution fait ainsi dépendre du choix des élus locaux les conditions de mise en œuvre des politiques de sécurité de l'État», déplore la Cour des comptes.

Une vidéosurveillance coûteuse

Le président de la République demandait, en 2009, de tripler le nombre de caméras de vidéosurveillance, de 20.000 à 60.000 sur le territoire. C'est mal parti, car la Cour n'a, elle, compté que 10.000 caméras sur la voie publique en 2010.

Elle s'inquiète du coût du programme, estimant à 300 millions d'euros l'investissement nécessaire (pris en charge à hauteur de 40% par l'État), auxquels il faudrait ajouter 300 millions d'euros de dépenses de fonctionnement par an, reposant directement sur le budget des collectivités locales. «Soit l’équivalent de la rémunération d’un tiers (6.500 policiers municipaux) des effectifs actuels des polices municipales», comparent les rapporteurs.

Certes, «la vidéosurveillance accroît la rapidité d'intervention des policiers et sécurise leurs conditions d'intervention en améliorant la précision du renseignement donné aux équipages (description des lieux et des personnes impliquées)», constatent les rapporteurs. Mais, en dehors de ces observations partielles, «la France se caractérise par la quasi-absence d'enquête scientifique sur l'efficacité de la vidéosurveillance», regrettent-ils.

Par ailleurs, la Cour s'inquiète d'un certain laxisme du côté des préfets chargés d'autoriser l'installation de systèmes de vidéosurveillance sur la voie publique, et de l'absence de contrôle a posteriori des commissions départementales de vidéoprotection. En 2009, par exemple, le préfet des Alpes-Maritimes a signé 35 arrêtés de création ou d'extension de systèmes de vidéosurveillance des espaces publics par des communes, «quasiment tous établis selon le même modèle» et sans aucun refus, sans se soucier de la qualité des personnes chargées d'exploiter les systèmes ou de visionner les images.

La Cour souligne justement «la faible professionnalisation» de ces agents communaux qui ne sont pour la plupart pas assermentés, et n'ont souvent pas reçu de formation spécifique sur les obligations déontologiques liées à leur fonction.

Là encore, l'implantation est très inégale, la région PACA possédant, par exemple, en zone police «davantage de caméras installées sur la voie publique que les départements de la grande couronne parisienne». «Le recours croissant à la vidéosuveillance de la voie publique ne peut se substituer à l'action des forces de sécurité étatique», conclut la Cour.
.
URL source: http://www.mediapart.fr/journal/france/070711/sarkozy-et-la-securite-dix-annees-dechecs
.
.

Aucun commentaire: