vendredi 29 janvier 2010

L’enfer du Trombone illustré et des Hauts de page

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Vendredi 29 janvier 2010 :
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Spirou, le journal mythique de bande dessinée, est un étrange journal. Il peut à la fois publier le pire et découvrir l’exceptionnel, que dis-je le génie à l’état brut.
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Par deux fois, en 1977 et en 1980, ce journal à la base pour les enfants, abrita des débordements talentueux qui, trente ans plus tard, rendent toujours nostalgiques les fans du neuvième art. En ce moment même, entre deux bières, dans une quelconque brasserie d'Angoulème, je suis sûr qu’il y a au moins deux fans en train de se remémorer les faits d’armes que furent « le trombone illustré » puis « les hauts de pages »
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Petit retour en arrière et séquence nostalgie !
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Paru du 17 mars au 20 octobre 1977, le Trombone illustré, sous l’impulsion de Franquin et Delporte, est un supplément agrafé à trente reprises au milieu du journal de Spirou Indépendant du format et de l'esprit de celui-ci, cette publication poil à gratter réunissant des dessinateurs de différentes rédactions est la traduction de l'explosion du phénomène de la BD adulte pour adultes (Fluide glacial, Métal hurlant, l’écho des savanes, Charlie mensuel, etc…) le Trombone brise les conventions formelles du récit dessiné et les tabous d'un journal plutôt bien-pensant.
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Jouant de l'autofiction comme avec Gaston le héros sans emploi, il décrit les tâtonnements éditoriaux d'une rédaction pirate et égratigne au passage les errements d'une industrie en mutation.
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À cause de ses partis pris, des idées novatrices développées, du graphisme peut en rapport avec Spirou dit « classique » et surtout de la façon dont il se présentait comme un concurrent interne au journal, le Trombone ne pouvait que disparaitre. Mais ce fut là l'occasion de railler un peu plus l'attitude des MM. Boulier, Prunelle et autres représentants de l'autorité... Ce destin éphémère combiné à la rareté des albums du Trombone (issus des invendus de Spirou, qui était obligé de les dégrafer du journal pour pouvoir les relier en albums trimestriels) en ont fait un journal culte mais méconnu.
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Les « Hauts de page » eux sont apparus trois ans plus tard. Comme leur nom l’indique, il s’agissait de petits dessins, voire de court strip, squattant a sens propre du terme les hauts des pages du journal.
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En fait, Alain De Kuyssche, le nouveau rédacteur du journal, voulant instiller un esprit nouveau sur un journal qu’il trouvait sclérosé, avait proposé l’animation du journal à deux jeunes auteurs marseillais, Yann et Conrad.
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Sauf que Yann et Conrad sont des provocateurs dans l'âme et détournent le concept. S’il faut de l’animation à Spirou, je journal va en avoir. Ils prennent d'assaut les hauts de pages et y introduisent des gags corrosifs qui, la plupart du temps, raillent les autres auteurs maison. Tous y passent et les réactions sont à la hauteur de la provocation, la plus virulente étant celle de Roger Leloup.
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En plus, cette révolution est faite dans un contexte bien particulier car le journal s'enlise artistiquement. Certains auteurs vedettes, aux contrats mirobolants, proposent des histoires souvent médiocres qui occupent beaucoup trop de place dans les pages du journal. Il reste peu d’espace pour publier des jeunes auteurs, pourtant talentueux.
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Alain De Kuyssche est très conscient de cette situation mais est totalement impuissant face à des auteurs aux contrats bétonnés par la direction du journal. Il couvre donc les forfaits de Yann et Conrad durant les dix mois d’existence de cette « animation ». Une tempête secoue le petit monde du journal, divisant les auteurs en deux camps ennemis : les partisans et « les ennemis » des Hauts de Pages.
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Qu'importe, les Hauts de Pages de Yann & Conrad insufflent une fraîcheur salutaire dans le vénérable hebdomadaire en voie de fossilisation au sortir de son 40ème anniversaire.
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Les Hauts de Pages ont apporté un esprit critique et frondeur, drôle et impertinent au sein d’une publication pour la jeunesse alors en quête de renouveau. Cette expérience historique à révélé aux lecteurs la petitesse d'esprit de certains auteurs mais surtout l'incroyable talent du jeune duo marseillais. Le phénomène ne laissera personne indifférent dans la profession.
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L’aventure des Hauts de Pages prendra fin lors de la rupture entre le journal et le duo marseillais à la suite de la publication par les deux compères d’une planche « osée » de l’album « Shukumei ».
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