vendredi 18 juin 2010

Quel appel le 18 juin ?

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Vendredi 18 juin 2010 :
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Je sens qu’avec cet article, je vais me faire quelques amis mais c’est ma tendance historienne qui parle dans ce papier. Remettre dans son contexte quelques pendules à l’heure alors que nous célébrons le soixante-dixième anniversaire de « l’appel du 18 Juin » me semble nécessaire.
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« L'appel du 18 Juin » est le premier discours prononcé par le général de Gaulle sur les ondes de la radio nationale anglaise (BBC), le 18 juin 1940. Dans cet appel, adressé avant tout aux officiers et soldats français ainsi qu’aux ingénieurs en employés de l’armement, il appelle à ne pas cesser le combat contre l’Allemagne nazie.
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Ce discours, très peu entendu sur le moment mais publié dans la presse française le lendemain et diffusé par des radios étrangères, est considéré comme le texte fondateur de la Résistance française, dont il demeure le symbole.
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Or, c’est là le paradoxe, cet appel qui va être lu aujourd’hui, ce texte fondateur, n’a pas été enregistré. On sait désormais que ce qui a été prononcé réellement ce soir là diffère notablement du texte « canonique » pour reprendre un terme de « croyance ».
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Et nous le savons depuis peu, depuis que les archives des services de renseignements suisses (Bulletin n° 153 publié par le Gruppe Ohr (Service écoute de la Division Presse et Radio de l’Etat-major Suisse) à 6h00 le 19 juin 1940) ont été ouvertes aux chercheurs en 1990. Et que découvre-t-on dans ces archives ? Que la version publiée dans les journaux français dès le 19 juin 1940 et présentées comme « caviardée » ou « détournée » se rapproche de cette écoute suisse.
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La différence notable entre les deux versions (« canonique » et « suisse ») porte principalement sur l’entrée en matière de l’appel :
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Version canonique : « Les chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête des armées françaises ont formé un gouvernement. Ce gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s’est mis en rapport avec l’ennemi pour cesser le combat. »
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Version suisse : « Le gouvernement français a demandé à l’ennemi à quelles conditions honorables pourrait cesser le combat. Il a déclaré que si ces conditions étaient contraires à l’honneur, à la dignité, à l’indépendance de la France, le combat devrait continuer. »
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Et le deuxième paradoxe de cet appel, c’est que cet appel tel qu’il a été réellement passé le 18 juin ne correspond pas à la vision politique de l’époque du Général De Gaulle. De même, la version du 19 juin, que nous connaissons, immortalisé comme étant celui du 18, ne correspond pas non plus à ses attentes
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La cause de ces hésitations ? Les propres hésitations du gouvernement anglais qui ne sait exactement quelle carte jouer et veut donc préserver tous le monde. Du Général Noguès, donc beaucoup à Londres espérait qu’il allait relever l’étendard défaillant français, à Georges Mandel, en route vers Casablanca sur le Massilia en passant pas le Maréchal Pétain lui-même dont on espère encore à Londres qu’il va continuer la lutte : le héros de Verdun ne peut livrer la France à l’Allemagne.
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Par contre, une esquisse de l’appel, datée du 17 juin, établit sans ambigüité qu’avant de passer entre les fourches caudines de la politique anglaise, l’appel était d’une violence inouïe à l’encontre du Maréchal Pétain. Le général veut d’emblée proclamer que Pétain est déshonoré et qu’aucun Français ne doit lui obéir. Malheureusement, les fonctionnaires de sa Majesté, sous l’autorité du gouvernement anglais, sous la plume de Jean Monnet, vont édulcorer plusieurs fois ce texte.
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Ce compromis est la résultante des forces politiques agissant dans l’ombre à Londres, des batailles entre d’un côté le Général De Gaulle, soutenu par Duff Cooper et par le Général Spears d’un côté contre Lord Halifax et le Foreign Office de l’autre.
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Enfin, ne cherchez pas dans cet appel la fameuse phrase : « La France a perdu une bataille mais la France n’a pas perdu la guerre ». Elle a été rajoutée à postériori !.
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Si vous voulez en savoir plus sur ces différentes versions et leurs interprétations, je ne peux que vous conseillez de vous rendre sur le site de l’historien François DELPLA, spécialiste de cette période et plus particulièrement sur deux de ses articles :
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Les énigmes de l’appel du 18 juin 1940 :
ICI
18 juin : la vérité qui progresse et les obstacles qui subsistent :
ICI
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Ainsi que compulser l’excellente analyse de Jean-Louis CRÉMIEUX BRILHAC publié en 2000 dans la revue Espoir et disponible à l’adresse :
ICI
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