vendredi 25 juin 2010

Un projet pharaonique pour Marseille

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Vendredi 25 juin 2010 :
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Le projet de rénovation du Stade vélodrome a été enfin dévoilé. Couverture du stade, agrandissement, rénovation des stades alentours et construction d’un stade dédié à rugby. Doté de 67 000 places couvertes, le projet conçu par Bouygues devrait sortir de terre à l’été 2014.Comme le vante la plaquette : « Le nouveau Vélodrome, un outil exceptionnel pour l’OM et un équipement majeur pour le développement de Marseille. » Un outil pour les cinquante ans à venir si l’on en croit le maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin.
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Non seulement je veux bien le croire et je l’espère de tout cœur parce qu’à ce prix là, c’est le moins que l’on pouvait faire !
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Un projet très ambitieux au cout malgré tout relativement élevé : 273 millions d’euros de budget financé par les aides de l’Etat et des Collectivités territoriales à hauteur de 100 millions, le restes, en l’occurrence 63%, soit 173 millions d’euros, à la charge de Marseille, l’une des villes les plus endettées de France comme nous l’avons vu il y a quelques semaines.
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A L’heure où le football semble perdre les pédales, je voudrais juste ramener les louanges et la béatitude qui entoure cette annonce à de plus juste proportion et m’amuser à faire un petit comparatif édifiant !
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Tout d’abord, pour être tout à fait honnête, je tiens à préciser que ce projet comprend la construction d’un stade de rugby attenant au Stade Vélodrome d’un montant de vingt millions d’euros. Ce stade de rugby devrait être aux normes du Top 14 et être dévolu à un certain club de rugby du doux nom de « Stade Phocéen » qui devrait évoluer à cette époque là dans l’élite si la DCNAG ne le décide pas autrement !
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Ceci-dit, nous avons donc vu que le budget s’articulait autour de deux axes : l’argent des collectivités territoriales et l’argent de la ville de Marseille. Étudions donc dans un premier temps les promesses d’investissements des collectivités :
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Le Conseil Régional va investir entre vingt et trente millions d’Euros. A titre comparatif, la Région a investi 21,3 millions d’euros pour la construction du Lycée de Bollène et 17,1 millions d’euros pour le Lycée de Sorgues.
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Le Conseil Général de son coté a annoncé mettre sur la table trente millions d’euros. A titre comparatif, le conseil Général a financé entièrement le collège Darius Milhaud pour 25,5 millions d’euros, le collège Romain Rolland pour 28,8 millions d’euros.
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La Communauté urbaine investit vingt millions d’euros. A titre comparatif, le budget total de l’investissement de la communauté pour le développement économique est de 35 millions d’euros et le prix du kilomètre de tramway à Marseille de trente millions d’euros
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Quant à l’Etat, il met la main à la poche à hauteur de trente millions d’euros. Le prix d’un musée (Pas le Muceum bien sûr, mais un beau musée quand même).
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Donc, les collectivités territoriales, pardon les « partenaires », c’est mieux, apportent cent millions. Quid des 173 millions restant ?
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Tout débord, le plus simple : 30 millions d’Euros apportés par les « droits à bâtir » sur 100000 mètres carrés de terrain autour du Stade Vélodrome en vue de la création d'un véritable projet urbain comprenant des commerces dans un centre commercial, un complexe hôtelier, des immeubles de logements et de bureaux, une clinique du sport et un musée de l’OM comme le révèle France BT sur son site. A tout hasard, je rappelle que dans le cas de « droits à bâtir », la ville permet à des entrepreneurs privés moyennant finance de construire sur des terrains lui appartenant. Elle garde la propriété du terrain et l’autre parti construit et garde les bâtiments. Dans le cas qui nous intéresse, trente millions pour 10 hectares, cela fait donc le mètre carré à 300 euros à deux pas du Parc Chanot, sur l’avenue Michelet ! Pour la petite histoire, la Caisse d’Epargne, la Caisse des dépôts s’accolant à Bouygues ont déjà préempté pour 7 hectares !
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Ensuite, 43 millions sont directement apporté par la Ville de Marseille sur son budget. Moi, je veux bien mais je me contenterais de rappeler que la dette de la ville est de 2189 euros par habitant.
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Continuons à étudier cet investissement : il reste donc cent millions à trouver. Ces cent millions proviennent d’un partenariat public-privé, le « PPP » instauré par le gouvernement pour pallier ses manques d’investissement. Bouygues, puisque c’est lui qui a été choisi, investi cent millions d’euros, s’occupe de la mise à niveau et, au bout de 35 ans restitue l’ensemble à la ville qui, durant tout ce temps là, va lui verser une redevance annuelle.
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Là où je me pose quelques questions, comme cela en passant, c’est le montant de cette redevance. Suivant la manière dont on lit les documents, on obtient plusieurs montants allant de trois millions d’euros à 8,5 millions d’euros. Je vous laisse le soin de multiplier ce montant par 35 à titre de curiosité.

Cette présentation a eu aussi l’avantage de nous apprendre plusieurs choses que j’aurais volontiers qualifié d’amusantes en d’autres temps. Tout d’abord, que malgré les affirmations répétées de plusieurs des politiques marseillais, le « naming » est envisagé pour faire rentrer deux millions d’euros annuellement. Attendez-vous donc à voir désormais sur les panneaux le nom « Bouygues Vélodrome » ou « Peugeot Vélodrome » en espérant que ce ne soit pas le « Durex vélodrome » ou le « Cabrou Vélodrome » … Non, ce dernier, c’est pour l équipe de France !

Ensuite, que le loyer de l’OM va être augmenté très sérieusement et va passer à six millions d’euros par an. Ce qui sous-entend que le loyer actuel est très nettement en dessous de celui-ci ! Et que ce montant que la ville aimerait facturer n’est pas pérennisé puisque la nouvelle convention n’a pas encore été signée.

Bon, pour terminer cette plongée dans les finances du nouveau Vélodrome, une petite remarque : d’après toutes les études, le prix de construction d’une place dans un stade neuf tourne autour des quatre mille euros, ce qui est le cas pour la rénovation du Stade Vélodrome ! Pour les rénovations et les agrandissements, le Stade Vélodrome et de loin bat tous ses rivaux en terme de coût !

D’autre par, Denis Dessus, vice-président de l’ordre des architectes, dans son « manifeste pour les villes », écrit : « Pour des opérations publiques, si le PPP garantit un coût global, il s’agit d’un coût très élevé, loin des résultats permis par des solutions fines et adaptées au cas par cas, portées par une maîtrise d’œuvre indépendante des intérêts de l’entreprise, aux côtés d’un maître d’ouvrage public responsable recherchant le meilleur service pour ses concitoyens, seule solution qualitativement et économiquement satisfaisante. »

En terme plus clair, ce dont on se doutait en lisant le PPP concernant Marseille, semble se profiler : une excellente opération pour Bouygues, une moins bonne pour les marseillais.
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A titre comparatif, les stades de l’Euro 2016 :
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Paris : Parc des Princes – 40.058 places - 80 M EUR (rénovations)
Paris : Stade de France - 76.474 places -10 M EUR (retouches)
Lens : Stade Félix-Bollaert - 40.113 places - 111 M EUR (rénovations)
Lilles - Grand Stade - 47.882 places - 324 M EUR (stade neuf)
Bordeaux - Nouveau Stade - 42.566 places - 200 M EUR (stade neuf)
Nice - Grand Stade - 33.470 places - 184 M EUR (stade neuf)
Toulouse - Stadium Municipal - 37.050 places - 56 M EUR (rénovations)
Marseille - Stade Vélodrome - 67.000 places - 151 M EUR initial transformés en 273 M
EUR (mise à niveau)
Lyon - Grand Stade OL- 57.628 places - 320 M EUR (stade neuf)
Strasbourg - Stade de la Meinau - 36.645 places - 160 M EUR (réhabilitation)
Saint-Etienne - Stade Geoffroy Guichard - 39.327 places - 75 M EUR (rénovations)
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Au fait, le gros œuvre de la construction du Stade France a couté 290 millions d’euros pour un prix final de 364 millions … A comparer avec les 273 du Stade Vélodrome.
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Je comprends maintenant le pressing de Marseille pour sa grande chora !
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