jeudi 13 janvier 2011

François Bayrou: "Le Défenseur des enfants doit conserver son intégrité, son autorité et son indépendance!"

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Jeudi 13 janvier 2011 :
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Dans une tribune publiée lundi 10 janvier par le Figaro, François Bayrou, président du Mouvement Démocrate, plaide pour "sauver le Défenseur des enfants" dont un projet de loi actuellement en discussion au Parlement prévoit la disparition au profit d'un Défenseur des droits.

"Il faut garder au Défenseur des enfants son intégrité, son autorité pleine et son indépendance", souligne-t-il, car "ce qui doit être pris en compte pour un enfant, ce ne sont pas seulement des droits pour aujourd'hui, c'est le fragile intérêt d'une personnalité qui se forme et peut être brisée".

Découvrez son texte en intégralité.
L’Assemblée nationale, après le Sénat, va examiner cette semaine le texte d’une loi organique créant pour la France le Défenseur des droits. En regroupant en une seule autorité les missions du Médiateur de la République, celles de la CNDS (Commission nationale de déontologie de la sécurité) et de la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité), la loi veut simplifier et donner plus de force à cette action de défense concrète des droits des citoyens. On peut espérer que le Défenseur des droits, doté de pouvoirs importants, identifié dans la vie publique, rejoindra en influence ses homologues de dizaines de pays démocratiques, ombudsman en Suède (depuis deux siècles) ou Defensor del pueblo en Espagne.

Cette loi devrait donc mériter le plus large soutien.

Mais, comme souvent, en ne réfléchissant pas aux nuances et en confondant le fond avec la forme, on est allé trop loin et on risque une grave erreur. Il a été en effet décidé d’intégrer à la mission du Défenseur des droits celle du Défenseur des enfants, désormais dépendant du précédent, sans pouvoir propre, et nommé par lui.

Je tenterai pendant le débat, comme l’ont fait Hugues Portelli, Jacqueline Gourault et Robert Badinter au Sénat, de persuader le gouvernement et la majorité qu’ils se trompent : il faut garder au Défenseur des enfants son intégrité, son autorité pleine et son indépendance !

Car la défense des enfants, dans une société comme la nôtre, traversée de conflits et de désordres, de bouleversements matériels et moraux, n’est pas seulement une affaire de droits. L’enfant n’est pas un citoyen adulte en modèle réduit, qui entre en conflit avec une administration.

Ce qui compte pour un adulte, c’est le respect de ses droits aujourd’hui. Ce qui doit être pris en compte pour un enfant, ce ne sont pas seulement des droits pour aujourd’hui, c’est le fragile intérêt d’une personnalité qui se forme et peut être brisée. C’est de cet intérêt à long terme qu’est en charge le défenseur des enfants. Et c’est tout autre chose.

L’essentiel des conflits, des déchirements, des affrontements qui touchent l’enfant ne sont pas affaire d’abus de pouvoir ou de mauvaise volonté. Ils sont subis : ils sont du domaine affectif et leurs conséquences sont immenses dans la formation de la personnalité.

Il suffit de prendre pour exemple la question des placements d’enfants en institution ou en famille d’accueil, beaucoup plus nombreux en France que dans tous les pays comparables, avec des conséquences immenses sur la personnalité des enfants et sur leur famille. Le placement est conforme au code civil, à l’exercice du droit, bien sûr. Est-il toujours conforme à l’intérêt de l’enfant, du lien parental, de leur avenir ? Peut-on imaginer d’autres formes de soutien ? Qui pourra conduire cette réflexion et non pas seulement étudier un dossier, mais entendre la parole des enfants et des parents ? Le Défenseur des enfants indépendant l’a fait, et le fera. Le Défenseur des droits sera trop pris par d’innombrables conflits administratifs, politiques, financiers ou de discrimination dans l’État, les collectivités, les entreprises ou les prisons, pour consacrer à une telle mission le temps et les moyens nécessaires.

L’enfant est un sujet en soi. C’est pourquoi la loi n’a pas créé un « Défenseur des droits de l’enfant », mais bel et bien un Défenseur des enfants.

Ce Défenseur des enfants doit avoir la pleine autorité, la légitimité et l’indépendance qui sont les garanties de sa mission. C’est ainsi que l’ont voulu la plupart des démocraties. Son institution est la conséquence de plusieurs engagements internationaux auxquels notre pays a souscrit. Tous les pays européens sans exception qui se sont dotés d’un Défenseur des droits ont conservé parallèlement, ou créé, la fonction de Défenseur des enfants. Tous. En lui enlevant son indépendance, nous ne gagnerions rien, notamment pas un euro puisque l’ensemble de ses moyens serait transféré vers la nouvelle autorité. Mais nous perdrions beaucoup. Il faut sauver et légitimer le Défenseur des enfants : c’est le moyen et le signe d’un projet de société fondé sur l’attention à l’essentiel.
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