dimanche 2 janvier 2011

L’info du dimanche : Marseille, difficile regroupement

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Dimanche 2 janvier 2011 :

La rubrique dominicale de mon blog, « l’info du dimanche », cette information locale, régionale ou nationale glanée dans la presse et qui m’a fait bondir de colère ou de joie durant la semaine.
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En ce début d’année, alors que le « Grand Marseille » va être sur toutes les lèvres lors de l’année qui vient, je pense qu’il est temps de faire un petit retour en arrière, en l’occurrence en « pilepoil » dix huit ans an arrière, avec un article paru dans le journal Le Monde le 3 janvier 1993 faisant le point sur la création de l’intercommunalité marseillaise.
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Le lecteur attentif pourra ainsi s’apercevoir que, malgré l’eau qui a coulé sous les ponts, il n’y a rien de bien neuf sous le soleil et les arguments brandis en 1993 peuvent s’appliquer, à la virgule près, en 2011.
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Je vous laisse méditer cela
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Bonne lecture
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MARSEILLE DIFFICILE REGROUPEMENT
Par Guy PORTE – Le Monde - Article paru dans l'édition du 03.01.93
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La cité phocéenne rêvait d'une grande communauté de communes. Deux villes seulement ont fait alliance avec elle
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SAUGRENUE ", " ridicule ", " dramatique " : les épithètes les moins flatteuses ont fusé, lundi 14 décembre, sur l'ensemble des bancs du conseil municipal de Marseille lors de la discussion du projet de communauté de communes associant la métropole phocéenne (800 000 habitants) à deux uniques partenaires, même pas directement voisins : Marignane (35 000 habitants) et Saint-Victoret (10 000 habitants). " Une communauté croupion ", selon l'expression du député Guy Hermier (PC).
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Ce regroupement est très loin, en tous cas, de correspondre aux espoirs du maire de Marseille, Robert Vigouroux (apparenté PS). Sur la base d'un Livre blanc de la DATAR, le premier rapport soumis aux élus marseillais, le 24 juillet, envisageait la création d'une structure de coopération à l'échelle de l'Aire métropolitaine marseillaise (AMM), troisième ensemble urbain français comprenant 59 communes (1,6 million d'habitants) et englobant les pôles de Marseille, Aix-en-Provence, l'Etang de Berre, Aubagne et La Ciotat. " Tous les indicateurs montrent clairement que cet espace n'a pas su négocier le virage des années 70, observait, notamment la DATAR. Or, il n'existera pas de région économique puissante sur la Méditerranée française sans le pivot que constitue l'aire métropolitaine marseillaise. "
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A défaut de pouvoir concrétiser, d'emblée, cette entité idéale, une autre paraissait aussi cohérente au niveau de l'agglomération urbaine marseillaise (31 communes, 1,2 million d'habitants, 473 000 emplois). Il n'en a jamais été question . " Ce sera Aix-Marseille, ou rien ", aurait prophétisé le ministère de l'intérieur.
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Un phénomène de crainte
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Suprême désillusion : le maire d'Aix-en-Provence, Jean-François Picheral (PS), rapporteur de la commission départementale de coopération intercomunale (CDCI), a préféré s'allier avec cinq communes voisines, dont Vitrolles, son principal partenaire de l'Europôle de l'Arbois... " Je n'ai eu aucune demande officielle émanant de Marseille " explique-t-il sobrement. Au demeurant, il n'a pas fait lui-même le moindre pas en direction de Robert Vigouroux. Et il confesse que les petites communes, séduites par une union avec Aix, " ne tenaient pas spécialement à lier leur sort à Marseille... ".
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A l'évidence, la fiancée phocéenne a plutôt manqué d'attrait. " Ce projet est présenté au moment le moins opportun, reprochait, l'été dernier, au maire de Marseille, le porte-parole du groupe socialiste, Francis Allouch. Nous clamons urbi et orbi que nous n'avons plus de sou dans les caisses. Comment convaincre les communes du département que le seul intérêt de ce regroupement n'est pas de leur prendre de l'argent dans la poche ? ". L'intercommunalité n'est, certes pas, un coupe-gorge puisque la loi repose sur des incitations financières.
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Mais il faut convenir qu'une ville qui se dépeuple (110 000 habitants perdus depuis 1974) qui se désindustrialise (13 % des emplois contre 22,5 % en France, plus de 18 % de chômeurs) et, donc, s'appauvrit, n'offre pas les meilleures perspectives d'avenir. Même si elle est fondée à se plaindre des avanies qu'on lui a fait subir (1) ou si elle peut mettre en avant des potentialités indiscutables dans le domaine scientifique. " On va payer ses dettes et, en plus, elle nous enverra ses habitants indésirables " aurait persiflé, par exemple, le maire d'une commune-de gauche-placée dans son orbite.
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Le phénomène général de crainte inspiré aux " petits " par le pouvoir d'absorption de la ville-centre a également joué avec plus de force qu'ailleurs compte-tenu du problème de taille posé par ce mastodonte. " Certains de mes collègues, confirme le maire de Marignane, Laurens Deleuil (UDF), m'ont clairement dit qu'ils ne voulaient pas prendre le risque de devenir, à terme, de simples quartiers de Marseille ". Pour Jeanne Laffitte (PS), adjoint au maire de Marseille et membre de la CDCI la réalité est plus simple : " Beaucoup de communes ont vu l'occasion de prendre leur revanche sur trente ans d'omnipotence defferriste ".
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Une concurrence suicidaire
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La personnalité de Robert Vigouroux n'a pas, elle-même, contribué à créer un climat propice à une large alliance. " Il n'a pas su séduire " convient un membre de l'entourage du maire de Marseille. Aimable euphémisme pour parler du caractère et de la difficulté à communiquer du premier magistrat marseillais. Il ne fait pas de doute, également, que sa position ambigüe à l'égard du PS, son isolement politique volontaire, l'ont fortement desservi. L'un de ses proches dénonce, par ailleurs, la stratégie du conseil général- présidé par le socialiste Lucien Weygand-qui aurait consisté " à favoriser des regroupements par affinitités cantonales plutôt que d'appuyer le projet, politiquement gênant, de l'aire métropolitaine marseillaise ". Le préfet des Bouches-du-Rhône, Claude Bussière, se contente de noter que 110 communes sur 119 ont déja délibéré sur l'intercommunalité -dont 55 sur un projet concordant- " ce qui, estime-t-il, est un succès pour la loi " (2). " Les esprits, ajoute-t-il, ne sont pas encore mûrs, dans certaines communes pour concevoir un regroupement plus important avec Marseille. " C'est précisément l'espoir que cultive le maire de la métropole. Son directeur de cabinet, Jean Pellegrino insiste sur " la haute valeur symbolique, mais aussi stratégique, de ce regroupement qui crée une interconnexion unique en France entre un grand port autonome, un aéroport international, deux autoroutes et, demain, le TGV ". M. Deleuil est, lui aussi, très confiant dans l'avenir de cette communauté, dénommée " Marseille Provence Métropole " " qui est sûrement appelée à s'élargir, notamment vers l'Est de Marseille " .
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Les trois communes ont opté pour le régime fiscal de la taxe professionnelle d'agglomération sur la base d'un taux moyen pondéré de 17 %. Ce qui incite le maire de Marignane à se frotter les mains. " Notre taux était de 24 %. Nous devenons plus attractifs pour les entreprises sans perte de ressources budgétaires, puisque la loi nous garantit un produit équivalent à celui perçu antérieurement ". Dès 1994, la communauté espère recevoir, de l'Etat, une dotation globale de fonctionnement supplémentaire de 100 à 150 millions de francs . Elle va donc " réaliser des choses " dans les deux domaines de compétences optionnelles (ou facultatives) qu'elle a choisies : la protection et la mise en valeur de l'environnement et les transports. Ses deux principaux projets : la création d'une unité moderne de traitement des ordures ménagères et l'étude d'un système de transport en site propre reliant Marignane à Marseille, via le port. Avant même la naissance officielle de la communauté, les trois partenaires ont déjà effectué, le 26 novembre, une démarche commune et solidaire auprès du ministre de l'Equipement, pour obtenir l'implantation d'une gare du futur TGV Sud-Est " à proximité immédiate de l'aéroport de Marseille-Provence ". Marignane a été, d'autre part l'une des deux communes, avec Aubagne, à adhérer au syndicat mixte de l'Opéra de Marseille et de Provence.
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Bien des regrets perçaient, pourtant, dans la délibération sur la création de la communauté " à trois " adoptée, le 14 décembre, par les élus de la seule majorité " vigouriste " et deux socialistes. " Dans le contexte européen, la concurrence à l'intérieur de notre agglomération serait suicidaire, puisque, y lisait-on, nous devons faire face, au contraire, à celle des autres grandes agglomérations qui ont toutes des structures institutionnelles fortes. Il y a là un changement d'échelle dont tous les acteurs publics et privés de l'agglomération marseillaise doivent prendre conscience ".
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PORTE GUY
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