jeudi 20 janvier 2011

Haro sur le programme du CNR !

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Jeudi 20 janvier 2011 :
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Le 2 janvier dernier, à Signes, s’est déroulé un événement qui a mis en émois, non seulement le monde des résistants, mais aussi celui des historiens, un événement suffisamment perturbant pour que François Delpla, historien reconnu sur la France de Vichy, l’évoque dans son éditorial mensuel.
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Rappel des faits : L’ANACR rend chaque année hommage aux dix maquisards assassinés par les nazis à la ferme de La Limatte, près de Signes dans le Var, le 2 janvier 1944.. C’est l’occasion pour les autorités civiles, religieuses et militaires de célébrer la mémoire de ces hommes tombés pour la France. Cette manifestation annuelle, qui revêt un caractère sacré pour les Résistants, leurs familles et les amis de la Résistance du Var, attire toujours de nombreux élus auquel se joint le représentant du préfet. C’est aussi l’occasion pour tout le monde de se rappeler les valeurs de la France et le sacrifice humain qu’elle peut produire.
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Or, le 2 janvier dernier, un incident s’est produit, incident prenant rapidement une grande proportion aussi bien dans le milieu résistant que dans le milieu des historiens. Lors de son discours, la présidente de l’ANACR, rappelant que les martyrs de La Limatte avaient aussi combattu pour l’instauration d’un monde plus heureux, expliqua que les Résistants et leurs amis ne pouvaient plus longtemps accepter ces atteintes réitérées aux acquis du CNR, en particulier les mesures contre les retraites et le démantèlement en cours de la Sécurité sociale.
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A la surprise de tous les participants, le représentant du préfet du Var et la députée de la circonscription, Mme Josette Pons, se levèrent bientôt pour quitter la tribune et la salle, marquant leur désapprobation à ce discours.
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Que le discours de la présidente de l’ANACR soit volontairement provocateur ne fait aucun doute. Que des représentants de l’Etat ne l’accepte pas alors qu’il se base sur le programme du Conseil national de Résistance est surprenant voire même insultant pour tout ceux qui sont présents à ces cérémonies et qui se sont battus pour ce même programme.
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Comme le fait remarquer François Delpla, « lorsque les représentants de l’Etat ne supportent plus l’évocation du programme du Conseil national de la Résistance lors des cérémonies qu’il honorent de leur présence, c’est le gouvernement lui-même qui se met en porte-à-faux »
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On peut donc légitimement se poser la question de savoir si le consensus républicain existant dans notre République existe encore. De même, le « modèle social français », tant vanté par la République, la IVème comme la Vème, se basant sur les options du programme élaboré durant les dures années de la guerre, en concertation aussi bien avec les forces intérieures, qu’avec Alger et Londres, est il encore d’actualité ?
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Jusqu’en 2008, les élus, quelques soient leur appartenance politique, pouvaient en toute légitimité s’incliner sur la tombe des martyrs sans se déjuger car les gouvernements respectaient globalement les options du C.N.R. Or, depuis 2009, des attaques sans précédant ont lieu de la part aussi bien du gouvernement que de la majorité législative. Le programme du C.N.R est en train de partir en lambeau et désormais, ceux qui veulent « sa mort » ne se cachent plus.
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Le simple exemple venant de Denis Kessler, vice président du Medef et PDG du Groupe Scor, est symptomatique de l’état d’esprit d’une certaine partie de notre « intelligentsia ». Il écrivait en 2007 : « La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ! »
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A ce niveau de ma réflexion, je me pose une autre question : sachant que le Comité National de la Résistance é été voulu et mis en place par le général De Gaulle, sachant que le programme du CNR a été élaboré conjointement par tous les partis politiques y participant, de droite comme de gauche, qu’il a été approuvé par Alger (Parlement) et Londres (De Gaulle), qu’il a été porté et défendu par de nombreux hommes politiques, dont les plus fidèles des gaullistes, comment son démantèlement peut être vécu par les vrais gaullistes encore dans la majorité gouvernementales ? Quelles peuvent être les pensées de ces hommes et femmes lors des cérémonies immuables du 18 juin ? Quelles seraient leurs réactions si le représentant du préfet et le député en exercice quittaient conjointement ces cérémonies ?
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En d’autre terme, comment peut-on être gaulliste et rester sans réaction par les temps qui courent ?
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Et je voudrais terminer ce papier par la lettre, resté sans réponse d’ailleurs, de Pierre-Yves Canu, résistant émérite, à l’adresse du Préfet du Var à la suite des événements de Signes, simple preuve de l’émotion ressentie par ces hommes qui se sont battus pour que la France demeure la France.
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Monsieur le Préfet du Var
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J'ai l'honneur de vous faire part de l'émotion ressentie le 2 janvier 2011, à Signes au cours de la réunion commémorative des fusillés de La Limatte. La Présidente de l'ANACR, association dont je fais partie en qualité d'ancien résistant, a tenté d’exprimer la déception des résistants en raison de la non application par nos différents gouvernements du programme du CNR préconisé au moment de la Libération.
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Les observations formulées sur l'abandon de ce programme ne pouvaient laisser indifférent votre représentant. Or celui-ci, au lieu de rester à l'écoute de l'opinion exprimée par ceux et celles qui avaient participé à la Libération du Territoire au mépris des dangers, n'a pas cru devoir écouter leur voix, alors que l'on venait de commémorer la mort de 11 d'entre eux, résistants et maquisards. Il a préféré quitter la tribune officielle.
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Je me permets, Monsieur le Préfet, de m'étonner de ce départ. Votre Honoré Prédécesseur dans l’Histoire, Jean Moulin, a toujours fait face.
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Je regrette surtout qu'un dialogue ne se soit pas instauré entre vous, représentant de l'Etat et nous, représentants d'une partie des citoyens qui ne désirions qu'honorer nos morts et être fidèles à leurs engagements.
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Je vous prie d'être assuré, Monsieur le Préfet, de mes sentiments de civilité républicaine.
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Pierre-Yves Canu
Croix de guerre pour fait de Résistance
Membre de Libération Nord
membre du réseau COHORS ( Cavaillès)
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