dimanche 23 janvier 2011

L’info du dimanche : Où va La poste ?

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Dimanche 23 janvier 2011 :

La rubrique dominicale de mon blog, « l’info du dimanche », cette information locale, régionale ou nationale glanée dans la presse et qui m’a fait bondir de colère ou de joie durant la semaine.
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Alors que La Poste va se lancer dans les offres de téléphonie mobile, MArsactu, le site d’information alternatif marseillais publie un article de fond sur La Poste dans les Bouches-du-Rhône. Un article des plus intéressant.
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Bonne lecture
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Grève sans fin à Marseille, suicide à Vitrolles, libéralisation totale en France : où va La Poste ?
Par Julien VINZENT le 18 janvier 2011
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Début d’année chargé pour Laurent Mirallès, responsable de la communication de La Poste dans la région. Depuis le 1er janvier, avec la libéralisation du courrier de moins de 50 grammes, seul bastion restant, la totalité des activités du groupe public est désormais soumise à la concurrence. Un changement qui intervient alors que la grève des postiers du 2e arrondissement dure depuis plus de 100 jours sur la question de l’emploi.
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Autre actualité à assurer pour Laurent Mirallès : la réouverture du bureau du Vieux-Port et le déménagement de l’antenne historique de Colbert dans des locaux plus réduits, avec dans les deux cas un nouveau concept d’ »Espace service client intégral », qui fait tomber les vitres et automatise la plupart des opérations courantes. Dernier sujet de coups de fil, et non des moindres puisqu’il a été couvert par les correspondants des radios et télés nationales : le suicide de Robert Palpant, facteur à Vitrolles, le 8 janvier.
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Quel visage de La Poste cette série d’événements dessine-t-elle ? « L’épouse de Robert nous a dit : « Je ne veux pas que sa mort ne serve à rien ». Elle nous autorise à mettre le dossier sur la place publique et d’aller au bout, insistait la semaine dernière Jean-Luc Botella, secrétaire général de la CGT-Postes lors d’une conférence de presse. Nous ne souhaitons pas tomber dans l’aspect uniquement émotionnel, avec le schéma où on l’opposerait au pragmatisme de l’entreprise. Nous devons traiter la cause, et pas uniquement la conséquence ». Marsactu tente de relever le défi.
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Le poids des réorganisations
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Face au suicide de cet employé de 55 ans avec 2 enfants, Laurent Mirallès s’est refusé dans La Marseillaise à « établir tout lien avec les conditions de travail », appelant à « de la pudeur et de la retenue ». Mais pour Jean-Luc Botella, avec 5 suicides dans les Bouches-du-Rhône et 71 au niveau national depuis janvier dernier, « il ne peut pas y avoir de coïncidence ». Il y voit « les effets d’une réorganisation dans le sens de plus de flexibilité, de charge de travail ».
A Vitrolles, les trois bureaux ont connu deux réorganisations depuis 2009, faisant passer les effectifs de 25 à 17, avec une centralisation des moyens sur le bureau principal. « Robert venait une demi-heure plus tôt, repartait une demi-heure plus tard, il pointait depuis longtemps sa fatigue physique », ajoute le syndicaliste.

« On revient au taylorisme »
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« J’ai l’impression à chaque fois que je rencontre des agents de La Poste de revoir ce qu’on a connu chez France Telecom : cette fatigue, ce sentiment d’en avoir marre », assure Pierre Pradel, ancien cadre chez FT et président du collectif vitrollais de défense du service public postal, qui dénonce les réductions d’horaires d’ouverture et les fermetures de bureau intempestives.
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Du côté des centres financiers, ce n’est pas mieux à en croire Sylvie Féola, élue au conseil d’administration du groupe. Elle pointe elle aussi les nouvelles organisations du travail, « qui nous font revenir au taylorisme. On fait de l’abattage. » Elle raconte les piles de dossiers à enchaîner, les réclamations à traiter qui datent de plusieurs mois, les tracas que l’on ramène à la maison et ce sentiment de ne pas pouvoir bien faire son travail.
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« Taylorisme », « abattage » : les termes sont forts. Et résonnent au niveau national, comme le prouvent l’enquête diffusée récemment sur Canal+ et surtout le courrier adressé à la direction en juin 2010 par les médecins du travail du groupe et publié par Le Télégramme, parlant de « processus morbide », de « mal-être [à] tous les niveaux ». Bref, « La Poste crée des inaptes physiques et psychologiques », résumaient-ils.
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Mutations sociales et technologiques
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Du côté du délégué régional de La Poste Raymond Llanes, on glisse habilement sur le sujet, préférant se placer dans une perspective globale : « C’est normal que les syndicats et la direction ne voient pas les choses de la même manière. La responsabilité des dirigeants de l’entreprise est de la faire évoluer pour qu’elle s’adapte », justifie-t-il. Et de citer les mutations passées qu’a connu La Poste, avec le passage au tri automatique en 1972 et surtout l’informatisation. « Aujourd’hui, avec l’évolution des techniques, les machines trient 30 à 40% plus rapidement, nos clients ont des habitudes de consommation très différentes, plus personne ne veut attendre plus de 5 minutes dans un bureau », poursuit-il.
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« On ne va pas se battre contre le fait de ne plus porter des caissettes et trier à la main les lettres. Et les usagers, moi la première, sont très contents de faire leurs opérations sur Internet. Mais derrière tout cela il y a toujours des hommes, des problématiques d’organisations », répond Sylvie Féola. Ainsi, à force d’automatiser et de passer par Internet, le client ne vient plus que lorsqu’il a des réclamations à faire. De manière générale, le non remplacement de trois postiers sur quatre partant à la retraite, avec à la clé environ 50 000 postes de moins d’ici 2015 sur les 287 000 actuels, après une première réduction de 40 000 en une dizaine d’année, ne se fait pas sans heurts.
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« Il ne faut pas oublier que La Poste est d’abord une entreprise de main d’oeuvre. C’est ce qui pèse le plus et il faut être toujours au bon niveau. Jusqu’à présent, le courrier représentait 50% du chiffre d’affaires, mais on va perdre entre 30 et 40% en volume. Il est clair qu’il faut adapter nos moyens pour avoir des prix compétitifs », fait valoir Raymond Llanes. La Cour des Comptes ne disait pas autre chose dans un rapport sévère de 2003 et plus récemment en juillet dernier : il faut réduire les coûts, poursuivre l’industrialisation, augmenter la productivité… Idem pour la Caisse des dépôts et consignations, bras armé de l’Etat qui a pris l’année dernière le quart du capital et n’a pas caché en attendre une rentabilité.
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De la TNT aux pubs ultra-ciblées
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Quand à la concurrence, « dans les faits, le marché « accessible » demeurera limité dans les prochaines années. Une vigilance est cependant indispensable car l’entrée d’opérateurs alternatifs sur les créneaux les plus rentables ne saurait être écartée, d’autant que le marché postal est très concentré sur des grands clients », avertissaient les sages de la rue Cambon. D’autres imaginent déjà des offres ciblées sur les grandes villes, avec des délais raccourcis. « On s’y est préparés », assure Raymond Llanes, qui glisse que « notre principal concurrent, c’est la dématérialisation« , citant l’exemple des feuilles de soins de la Sécu.
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Du coup, La Poste cherche à se diversifier : relevés de compteurs, installation de TNT, sécurité informatique, ou encore publicité ciblée, grâce à son fichier imbattable. « Nous proposons de gérer des mailing de A à Z. Vous pouvez envoyer à la France entière, à un quartier précis, aux médecins, aux gens qui ont un pavillon et même aux nouveaux arrivants », détaille Laurent Mirallès.
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L’épicier, postier du XXIe siècle ?
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Et le service public dans tout ça ? 4 missions s’imposent toujours à La Poste : le service postal universel, l’aménagement du territoire, les aides à la presse et l’accessibilité bancaire. Mais si « le discours peut paraître rassurant, toutes les décisions stratégiques et politiques ne vont pas dans ce sens », estime Sylvie Féola. Notamment les compensations de l’Etat sont incertaine. Autre exemple avec l’aménagement du territoire, qui oblige La Poste à disposer de 14 000 « points de contact » : si l’entreprise publique est largement dans les clous, avec environ 17 000 points, contre 3000 pour une « optimisation commerciale » selon ses calculs, les bureaux de poste fondent comme neige au soleil, remplacés par des partenariats avec l’épicier ou la boulangère du coin. Autant d’emplois en moins dans ces zones rurales, même si les enquêtes montrent que les populations sont plutôt satisfaites et que les commerçants y trouvent un complément de revenus.
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En tout cas, pour les postiers attachés à leur rôle, ces partenariats passent mal. « La Poste dénature l’importance du courrier », déplore Christophe Galéa, secrétaire de la section CGT à Marseille 02. « C’est le côté humain qui est dénaturé », intervient son collègue Marc Vanbutzeele. A côté de la Major, on voit également d’un mauvais oeil l’arrivée d’intérimaires pour pallier les absences. « Les facteurs prêtent serment, ils ont des obligations de confidentialité, d’éthique », explique-t-il. « Ce ne sont pas des professionnels, ils ne sont pas formés au métier », reprend le syndicaliste. La direction a beau nier l’importance du phénomène interim, qui ne concernerait que 1% des postes, la Cour des Comptes note que « les dépenses d’intérim du Courrier, sont passées de 29 millions d’euros en 2004 à 105,5 millions en 2008″.
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Après 100 jours de grève, Marc Vanbutzeele a la certitude que « c’est un combat juste. Mon grand père a fait 36, le Front Populaire, moi je pense à ce que l’on va léguer à nos enfants, on se bat pour préserver la qualité du travail ». Peu de chances que le rapport de la commission sur le développement de la Poste, soit dans la même logique, lui qui préconise « le traitement par automate des opérations à faible contenu relationnel et à marge inférieure au coût de l’opération au guichet ». Maxime mise en pratique au Vieux-Port et à Colbert depuis peu.
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