vendredi 23 mars 2007

Le facteur des "Mille vaches"

Vendredi 23 mars 2007
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Je vais faire dans le « postier » en cette fin de semaine. Après les boites aux lettres hier, je passe aux facteurs. Demain, ce sera peut-être les employés du centre de tri !

Lors de la réunion hebdomadaire au siège de la section, quelqu’un a demandé ce qu’était la fonction publique. Je n’ai pas de réponse « d’école » à ce vaste débat mais j’ai un exemple sur la manière dont je conçois la réponse. Cet exemple s’appelle Laurent Mallard et il est le facteur d’une commune rurale de 642 habitants, Royère-de-Vassivière, perdue au fin fond de la Creuse, ce département où la moyenne d’âge est la plus élevée de France.

Cet exemple me touche encore plus que je connais un endroit similaire où habite mon beau frêre et ma belle sœur, le style de ferme à l’écart de la « ville » de 300 âmes, le tout perdu sur les hauts plateaux du Velay par 1300 mètres d’altitude.

Pour revenir à Laurent Mallard, lors de ses tournées, il a pris pour habitude de rendre des menus services aux habitants, agriculteurs retraités, personnes âgées, souvent privées de moyen de locomotion et vivant dans un habitat dispersé.

Donc, en plus du courrier, il lui arrive de ramener des médicaments, du tabac, des journaux…

« Dans le village où je travaille, les habitants sont souvent âgés et isolés. En zone rurale, il n’y a plus de commerces de proximité et ils sont obligés d’aller faire leurs courses à plusieurs kilomètres de leur domicile, ce qui nécessite un moyen de locomotion. Et comment faire si, comme c’est souvent le cas, ils sont démunis ou impotents ? » explique t’il. Face à la détresse de ces personnes coupées du monde, « tous les facteurs rendent ce type de services »

Dernièrement, Laurent Mallard était accompagné dans sa tournée sur le plateau de Millevaches par un organisateur-analyste chargé « d'évaluer en temps la durée des tournées et de les optimiser. » Ce jour-là, le facteur ne trouva aucune raison pouchanger ses habitudes. Il remit donc à l'un deux paquets de tabac, à l'autre deux journaux. « Ce peut être une baguette de pain ou des médicaments ramenés de la pharmacie, mais je ne tonds pas encore la pelouse », dit-il avec humour.

Mal lui en a pris : ses audacieux gestes de soutien ont provoqué un rapport défavorable et il a été convoqué par la directrice du bureau de Bourganeuf.

Aujourd’hui, Laurent Mallard attend la décision de sa direction. Il ne sait pas encore s’il sera licencié quoique son emploi ne semble pas menacé mais il pourrait subir une sanction. Un procès-verbal pourrait être rédigé à son encontre.. Il ne sait pas non plus de quelle façon il exercera son métier s’il est maintenu à son poste.

La population du paisible bourg qui s'étend sur 7 500 hectares s'est émue et a lancé une pétition. « Le facteur est le seul lien avec l'extérieur dans nos campagnes. Je trouve scandaleux qu'un inspecteur vienne rompre cette tradition d'entraide », s'insurge Anne-Marie Reyre, maire. En Creuse, d'où était parti naguère un mouvement de défense du service public, l'affaire est prise, si l'on peut dire, au pied de la lettre.

Le président de l'office de tourisme de son côté juge « malvenu qu'on veuille sanctionner quelqu'un qui rend service, qui paie de sa personne et n'en tire aucun bénéfice... » Et de détailler : « Aujourd'hui, il y a 80 cm de neige. Pour des personnes de plus de 80 ans vivant autour du village, le facteur est le seul contact qu'elles ont avec l'extérieur. C'est le facteur qui nous informe en cas de problème. Si on sanctionne ça, alors La Poste marche sur la tête ».

Laurent Mallard essaye de garder la tête froide : « Ca me paraît difficile d’envisager ce travail sans aider les gens. Si La Poste interdisait aux facteurs de rendre des services à la personne, c’est un des fondements de mon métier qui s’écroulerait. Mais si la direction prend cette décision, des milliers de facteurs seront concerné »

Alors, quelle conclusion provisoire apporter à cette histoire ? Que le service public et la fonction publique sont probablement là. Tant qu’il y aura un facteur qui se rendra dans ces fermes et ces habitats reculés, qui fera le lien entre les différents foyers isolés, qui sera le digne représentant de la République, alors il faut une fonction publique.

Cet idéal désormais presque perdu se trouve dans ces endroits là, dans ces personnes là.

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