lundi 26 juillet 2010

CTGQOYCP : La tragique aventure de Donald Crowhurst

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Lundi 26 juillet 2010 :
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Le lundi, comme prévu, un événement « C’est tellement gros qu’on y croit pas ». Et pourtant, tout dans l’histoire racontée est véridique.
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Qui donc était Donald Crowhurst pour avoir droit à cette rubrique ?
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Tout d’abord, les faits bruts : C’était un homme d’affaire anglais, passionné de voile, qui participa au « Sunday Time Golden Globe Race », le tour du monde à la voile sans escale et sans assistance, organisé en 1969, l’ancêtre du Vendée Globe, dans l’espoir de remporter le prix pour sauver son entreprise au bord de la faillite.
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Cela aurait pu faire une belle histoire sauf que cela tourna au cauchemar. Le 10 juillet, 1969 son trimaran est découvert abandonné, dérivant dans l’Atlantique, par le RMV Picardy (latitude 33 degrés 11’ nord, longitude 40 degrés 28’ ouest). Aucune trace du marin à bord.
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Voila pour les faits, mais l’épilogue fit scandale : Deux semaines plus tard, les journaux du monde entier faisait leurs « unes » de cette incroyable découverte : durant toute la course, Donald Crowhurst avait truqué son journal de bord, diffusé de fausses informations, était tranquillement resté dans l’Atlantique Sud au large de l’Argentine, attendant le retour des autres concurrents, avant de suicider, pris de remords.
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Revenons donc un peu en arrière pour tenter de comprendre un tel drame :
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Le Golden Globe Challenge a été inspiré par le tour du monde en solitaire avec escale à Sydney de Sir Francis Chichester. La publicité considérable faite autour de ce succès poussa un certain nombre de marins à planifier la prochaine étape logique : un tour du monde en solitaire sans escale. C’est le Sunday Time qui va financer l’opération.
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Outre Donald Crowhurst, les autres participants étaient Robin Knox-Johnston, Nigel Tetler, Chay Blith, John Ridgway, William King, Alex Carozzo et les français Loic Fougeron et Bernard Moitessier.
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Le navire que se fit construire Donald Crowhurst était un trimaran de 40 pieds, le Teignmouth Electron, dessiné par la californien Arthur Piver. A cette époque, un tel voilier était un pari et un voilier fortement déconseillé pour un voyage d’une telle difficulté et d'une telle longueur. Les premiers trimarans, même s’ils avaient la réputation d’être plus rapide, pouvaient être très lent s’ils étaient surchargés et étaient très peu maniable et difficile à manœuvrer au plus près du vent. Enfin, en cas de chavirement, ils étaient à peu près impossible à remettre droit.
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Pour améliorer la sécurité du bateau, Crowhurst avait prévu d'ajouter un sac de flottabilité gonflable sur le haut du mât pour empêcher le chavirement, le sac devait être activé par des capteurs d'eau sur la coque conçu pour détecter un chavirement imminent. Cette innovation tiendrait le bateau horizontal, et une habile combinaison de pompes lui permettrait d'inonder la coque supérieure externe, qui (en conjonction avec l'action des vagues) tirait à la verticale le trimaran. Son idée de base était de tester ces dispositifs lors du tour du monde, de prouver leur efficacité, puis de se lancer dans la fabrication du système, sauvant ainsi son entreprise.
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Mais Donald Crowhurst fut pris par le temps, étant trop occupé à construire, équiper son trimaran tout en assurant le financement et les commanditaires pour la course. Ne pouvant finir l’ensemble des dispositifs de sécurité avant le date limite de départ de la course, il décida de prendre quand même le départ avec l’idée de les compléter durant la descente dans l’Atlantique. Dernière précision qui a une importance vitale : Donald Crowhurst n’avait jamais navigué sur un trimaran avant de prendre livraison de son navire.
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Le 31 octobre 1968, dernier jour prévu par les règles de la course, il quitte Yeignmouth dans le Devon. Dès le premier jour, il a rencontré d’énormes problèmes à la fois avec son équipement et avec son navire, problèmes qui réduisirent sa vitesse de moitié D’après son journal de bord, il ne se donnait lui-même que cinquante pour cent de chance de survivre à son voyage si ,et seulement si, il réussissait à achever les systèmes de sécurité avant d’atteindre l’Océan Austral.
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Donc, dès le départ, Donald Crowhurst se trouva confronté à un choix cornélien : Abandonner la course et se trouver face à la faillite de sa société et l’humiliation s'en suivant, ou poursuivre son périple avec un bateau mal préparé jusqu’à une mort presque certaine.
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Il prit alors une décision intermédiaire : tromper les terriens dans une falsification élaborée. Il prit la décision de flâner dans l'Atlantique Sud pendant plusieurs mois tandis que les autres concurrents faisaient voile dans l’Océan Austral, de falsifier son journal de bord par de fausses positions puis de se glisser dans le match retour vers l’Angleterre, misant sur le fait que le journal de bord du dernier ne serait pas contrôlé.
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Depuis son départ, Crowhurst avait été délibérément ambiguë dans son rapport de radio de son emplacement. À partir du 6 Décembre 1968, il a continué à faire des rapports de plus en plus vagues, communiquant de fausses positions, fabriquant un faux journal de bord, faisant croire qu’il affrontait à son tour l’Océan Austral.
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Il navigua alors de façon erratique dans le sud de l’Atlantique, s’arrétant même une fois en Amérique du Sud (en violation des règles) pour effectuer des réparations. Une grande partie du voyage se passa dans le silence radio, alors que sa position supposée a été déduit par extrapolation basée sur ses précédents rapports. A partir du mois de janvier 1969, à partir de ses faux rapports, il était acclamé dans le monde entier comme le probable vainqueur de la course, bien que Sir Francis Chichester ait exprimé publiquement des doutes sur la plausibilité de l'avancement de Crowhurst.
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Or, sa position de vainqueur potentiel se conforta après la décision spectaculaire du français Bernard Moitessier, alors leader, de décrocher de la course et de continuer vers Tahiti. Les autres concurrents ont, à ce moment là, tous abandonné sur bris de matériel à l’exception de l'anglais Robin Knox-Johnston qui boucle son tour du monde le 22 avril 1969 et de Nigel Tetley, lui aussi sur un trimaran, qui remonte comme un boulet de canon, le long des côtes d’Amérique du Sud.
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Nigel Tetley, s’il sait depuis le début qu’il ne peut terminer premier et remporter le prix principal, au vue de sa date tardive de départ, espère bien remporter le prix du voilier le plus rapide, s’il arrive désormais à battre Crowhurst qu’il pense plus rapide et devant lui alors qu'il est parti après lui ! En réalité, Nigel Tetley est loin en tête, étant même passé à moins de 150 miles nautiques (278 km) de la cachette de Crowhurst.
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Mais se croyant au coude à coude avec Donald Crowhurst, Nigel Tetley pousse son trimaran à l’extrême, jusqu’au point de rupture, jusqu’à ce que son bateau se désintègre en plein Atlantique nord, le 30 mai 1969.
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Toute la pression est donc reportée sur les épaules de Donald Crowhurst, vainqueur potentiel du Golden Globe dans la catégorie du plus rapide puisque quoiqu'il arrive, il devrait être plus rapide que Robin Knox-Johnston. Or, dans ce cas là , ses carnets de bords seraient épluchés par des marins expérimentés, y compris Chichester, et la supercherie serait alors découverte. De plus, il est probable qu’il était touché par un fort degré de culpabilité vis-à-vis de Nigel Tetley qui n’aurait certainement pas pris les risques qu’il a pris s’il avait su ne pas avoir de concurrent direct.
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La dernière transmission radio de Donald Crowhurst date du 29 juin 1969. La dernière entrée dans son journal de nord du 1er juillet 1969. Le Teignmouth Electron est trouvé à la dérive, inoccupé, le 10 Juillet 1969.
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Le comportement Crowhurst comme le montre ses journaux de bord indique une psychologie complexe et conflictuelle. Sa volonté de truquer son voyage était, dès le départ, voué à l’échec, d’autant plus que sa progression était irréaliste et trop rapide. En contrepartie, il a passé de longues et nombreuses heures à consigner méticuleusement de fausses entrées dans son faux journal de bord, entrée souvent plus difficile à réaliser pour la cohérence que des entrées réelles.
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La dernière entrée du journal a été le 1er Juillet 1969. On suppose qu'il a alors sauté par-dessus bord et s'est noyé. L'état du bateau n'a donné aucune indication sur ce qu’il avait pu se passer. On retrouva trois livres de bord (deux journaux de navigation et un livret de radio) et une grande masse d'autres papiers qui permirent de révéler la tentative de supercherie, sa dépression mentale et le suicide final.
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Epilogue : Robin Knox Johnston, le seul à avoir terminé le Golden Globe et à avoir par conséquence remporté les deux prix (Celui du premier et celui du plus rapide) fit don des gains du prix du plus rapide (£ 5.000) à la veuve de Donald Crowhurst et ses enfants. Nigel Tetley, quand à lui, reçu un prix de consolation de mille livres afin de construire un nouveau trimaran, mais s'est suicidé (pour des raisons inconnues) en 1972.
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