mardi 20 juillet 2010

Europe financière : sortons de l’impasse

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Mardi 20 juillet 2010 :
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Dans une tribune publiée dans le quotidien "Le Figaro", lundi 19 juillet, Robert Rochefort, députée européen et vice-président du Mouvement Démocrate, et Stéphane Cossé, économiste, soulignent le retard de l'Europe en matière de régulation financière.
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"Plus d'un an et demi après le début de la crise financière, il faut se rendre à l'évidence : la réforme de la régulation et de la supervision financières en Europe piétine. Le « paquet législatif » prévu à cet effet est en discussion depuis des mois au sein des instances européennes, et le vote au Parlement européen vient encore d'être repoussé en septembre. Pis, l'échec est d'autant plus flagrant qu'une transformation ambitieuse est en cours aux Etats-Unis. Quel paradoxe ! La crise financière avait pourtant montré l'échec du modèle anglo-saxon reposant sur l'auto-évaluation et le surendettement privé, qui ne pouvait mener en fin de compte l'économie mondiale qu'au chaos. Dans ce contexte, l'Union européenne avait une opportunité historique de proposer de nouvelles règles et d'être à la pointe pour lutter contre les rendements financiers excessifs, les bulles spéculatives, et le surendettement.
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Tout avait pourtant bien commencé. Il y a un an, l'ancien gouverneur Jacques de Larosière publiait, à la demande de l'Union européenne, un rapport prometteur - même si encore trop clément. Dans la foulée, l'on annonçait à Bruxelles un « paquet législatif », avec notamment la création du Conseil Européen du Risque Systémique (CERS) et d'autres autorités indépendantes de surveillance du secteur financier. A Londres, Lord Turner, patron de la City, dénonçait, à la surprise de tous, les excès de la finance. Le président Sarkozy surenchérissait de son côté dans le cadre du G20.
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Que reste-t-il de ces espoirs ? Une réglementation limitant les bonus a certes été prise en France et en Grande-Bretagne. Mais, en France, la partie du projet de loi concernant le renforcement de la supervision des acteurs et des marchés financiers se limite à une dizaine d’articles. Au Royaume-Uni, le nouveau gouvernement envisage une réforme du secteur financier limitée. L’Allemagne, la France et le Royaume Uni ont bien appelé à l’instauration d’une taxe sur les banques, mais sans que l’on comprenne s’il s’agit de moraliser les établissements financiers, d’accroître les recettes budgétaires ou de limiter les risques systémiques. Les Etats-Unis, eux, ont instauré une telle taxe. Sous la pression européenne, la Banque des Règlements Internationaux prépare certes des régulations (Bâle III) en matière de renforcement des fonds propres des banques, mais rien n’est encore décidé.
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Et pourtant ! L'actualité montre que les profondes turbulences créées par la crise sont loin de s'éteindre. Les établissements financiers sont à nouveau florissants. La spéculation s’attaque à l’euro, seconde monnaie de réserve au monde. Les volumes de transactions sur les dérivés et autres produits à haut risque sont en forte croissance. Les pays de l’OCDE sont eux implacablement plombés par les 5 000 milliards qu'ils ont dû injecter en deux ans pour sauver le secteur financier, relancer leurs économies et éviter le désastre total. Et la probabilité d’une nouvelle crise financière est de plus en plus élevée, selon de nombreux analystes.
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Face à ces nouveaux excès, les Etats-Unis avancent, chaotiquement peut-être, mais ils avancent. L'impressionnant interrogatoire public des équipes de Goldman Sachs par le Sénat a marqué les esprits. Et surtout la réglementation proposée par l'administration Obama, la plus ambitieuse depuis 1945, a finalement été adoptée, avec le support massif des Américains.
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Et quelle réglementation ! Sa présentation résumée ne compte pas moins de 88 pages. Cette nouvelle loi interdit la spéculation des banques commerciales sur compte propre et limite drastiquement les investissements de ces banques dans les fonds de capital investissement et hedge funds. Elle impose l'enregistrement des hedge funds et organise les marchés de produits dérivés jusqu'alors réalisées de gré à gré de façon opaque. Elle institue une sorte de conseil suprême de la supervision financière, crée un fonds d'intervention d'urgence et confère des pouvoirs extrêmement larges au gouvernement pour intervenir en cas de crise. Elle institue une bien meilleure protection des consommateurs.
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Face à cela, l’Europe, comme elle a dû s’y résigner au G20 de Toronto, prend bonne note de son retard. Son lobby financier a tenté jusqu‘ici de freiner les efforts de réforme substantielle sous prétexte que…les banques américaines ne font rien. Ce même lobby s’arque boute sur le maintien du modèle de banque universelle, au motif que sa remise en cause pourrait nuire au bon fonctionnement des activités spéculatives les plus rémunératrices.
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Les opinions publiques ne comprennent pas l’actuelle inertie des dirigeants européens. Après tant de discours sur la moralisation du capitalisme et le « plus jamais ça », l’Europe court le risque de perdre toute crédibilité. Un comble face aux Etats-Unis ! Les autorités nationales doivent prendre enfin conscience qu’il est devenu nécessaire de s’entendre avec le Parlement européen pour mettre au point un socle de régulation et de supervision communs ambitieux. Nous avons besoin en particulier d'autorités indépendantes et fortes dans l'intérêt des Européens. Epargnons-nous une nouvelle humiliation en Europe."
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