vendredi 30 juillet 2010

Il y a cent ans : Revue de presse du 25 au 31 juillet 1910

.
Vendredi 30 juillet 2010 :
.
Une petite revue de presse centenaire et cent pour cent subjective des événements qui se sont déroulés l’été 1910 par le biais de la « bible » de l’époque de la presse nationale, « Le Petit Parisien »
..
Lundi 25 juillet 1910 : Cyclone en Italie
.
Intempéries : Après la région, c’est au tour de l’Italie et plus particulièrement de la Lombardie d’être dévasté par ce que la presse française nomme « un cyclone ». Cette violente tempête qui a particulièrement touché Busto Arsizio, Solero et Saronno, fait soixante morts, quatre cents blessés et de très importants dégâts. Conséquence directe de la tempête, le Po sort de son lit, ralentissant d’autant les secours. Le Roi Victor Emmanuel III décrète la zone sinistrée et annonce sa venue dans un avenir proche.
.
Scandale des Vermiraux : Le « Petit Parisien » prend la défense de Monsieur Landrin, délégué des services d’assistance des départements de Seine et Oise et de Seine et Marne. Le délégué, longuement entendu par la justice qui le soupçonne de complicité et de brutalité sur les enfants. Pour le journal parisien, cette audition ne vise qu’à noyer le poisson et « transformer un honnête fonctionnaire en lampiste ».

Sabotage à Villejuif : Un briquetier de 27 ans, gréviste, est arrêté par la police à son domicile. D’après des renseignements confidentiels, c’est lui qui aurait posé la bombe qui a détruit les machines de la Briqueterie Leblanc. A ce propos, le « Petit Parisien » rappelle que depuis cette date, tous les ouvriers sont au chômage, les réparations devant prendre plusieurs semaines.

Sète : Un incendie, parti accidentellement dans les vestiaires, détruit le Kursaal et le Casino de Cette alors que les deux établissements étaient bondés et qu’une représentation de l’opéra Carmen se déroulait. Par chance, malgré la rapidité de progression des flammes, seul quelques blessés légers, tous incommodé par la fumée, seront relevé par les pompiers.

Mardi 26 juillet 1910 : Le Tour de France dans les Pyrénées
.
Faits divers : Drame de la jalousie dans le quartier de l’Hôtel de ville : un mari trompé vitriole sa femme adultère. Le comble, c’est que la femme ainsi défiguré pardonne le geste de son mari violent.

Affaire Vermesch : La disparition du rentier belge est désormais effective au 31 mars. La justice demande donc aux policiers d’intensifier leurs recherches en partant de cette date en questionnant les employas de tramways, de fiacres, de chemins de fer. Pareillement à ces recherches, le procureur décide ‘entendre de nouveaux les amis et neveux de Vermesch.

Tour de France : Les Pyrénées ont fait un dégât énorme sur le Tour de France. Seul quarante six coureurs sont toujours en course sur les cent dix ayant pris le départ de Paris le 3 juillet dernier.

« Quarante six coureurs se sont mis en ligne hier à deux heures du matin pour disputer la douziéme étape du Tour de France cycliste Bordeaux/Nantes par Rochefort, La Rochelle et la Roche sur Yon. Les arrivées à Nantes ont eu lieu dans cet ordre : 1er en 13 heures 28’ : Trousselier sur bicyclette Alcyon et pneumatique Dunlop, 2ème Vanhomwaert, 3ème Garrigou, 4ème Lapize. Leader du général au point : François Faber (Alcyon.) Au total, 46 coureurs au départ de l’étape.
Emile Georget, qui a fait une lourde chute près de Cognac, a du abandonner. »
.
Mercredi 27 juillet 1910 : Incendie à Marseille
.
Affaire Rochette : La Commission d’enquête parlementaire dirigée par Jean Jaurès reprend ses auditions, recevant tour à tour M. Berr, le juge d’instruction en charge de l’affaire, le Préfet Lépine, au centre d’une violente polémique sur la tentative d’étouffement de l’affaire par le gouvernement, et M Mouquain, directeur du service des recherches à la Préfecture de Police.

Marseille : Un terrible incendie se déclare sur les quais, détruisant les hangars situés sur le mole 2 et entreposant plusieurs milliers de tonnes de Coprah pour une valeur estimée à deux millions de francs. La cause accidentelle du sinistre est retenue, probablement du à la fermentation spontanée du Coprah.

Villejuif : Il est fait appel à un juge de paix pour tenter de trouver une sortie au conflit qui agite les briqueteries de la ville. Depuis plusieurs semaines, elles sont paralysées par la grève de leurs employés. Conditions de travail, rémunérations et horaires sont au cœur de la grève qui ne cesse de jour en jour de se durcir.
.
Jeudi 28 juillet 1910 : Jugement dans l’affaire Rochette
.
Affaire Rochette : Mis en délibéré, le jugement par la dixième chambre du tribunal correctionnel de la Seine, est enfin rendu dans l’affaire Rochette, cet homme qui créa une pyramide de Ponzi via le Crédit minier, émettant des bons d’épargne à la valeur fictive, générant des intérêts importants pour les petits épargnants mais payés par les nouveaux épargnants avec la déperdition de 120 millions de francs
.
Le jugement, qui fait pas moins de 180 pages, est lu par le président Dreyfus en deux heures et demie. Ni Rochette, ni ses avocats n’ont assisté au jugement, continuant ainsi à protester contre le déroulement du procès.
.
« Voici les peines prononcées par le tribunal :
Mr Rochette, deux ans de prison, 3000 francs d’amende pour infraction à la loi des sociétés, distribution de dividendes fictifs et escroquerie,
Mr Lecacheux, quatre mois de prison et 3000 francs d’amende pour les mêmes raisons,
Mrs de Meyer et de Crèvecœur, 5000 francs d’amende pour infraction à la loi des sociétés,
Mr Capdevielle, 2000 francs d’amende pour les mêmes raisons
Ce dernier est acquitté sur le chef d’accusation de distribution de dividendes fictifs »
.
Parallèlement à ce jugement, la commission d’enquête parlementaire continue ses auditions et reçoit Mr Pichereau, l’homme par qui le scandale est arrivé, l’homme qui porta plainte contre Henri Rochette, « l’Attila de la petite épargne ». Devant la commission, l’homme révèle qu’il a accepté de porter plainte après avoir rencontré dans son bureau le Procureur de la République qui était accompagné du banquier Gaudrion et du vice-président du Sénat. Le plaignant révéle aussi que n’ayant en sa possession que des émissions « Nerva », émissions se trouvant au pourtour de l’affaire, le banquier lui remit des émissions « Hella », plus représentatives de l’escroquerie de Rochette, pour étayer sa plainte.
.
La seconde audition est consacrée au banquier Gaudrion qui, outre le fait qu’il confirme plus ou moins la version de Mr Pichereau, révèle à son tour que le plaignant a reçu 25000 francs pour le faire.
.
Au même moment, Jean Jaurès le président de la commission d’enquête parlementaire, tente le coup de force avec le ministère de la Justice en réclamant à Louis Barthou les livres de compte bloqués par la justice.
.
Tour de France : Bouleversement dans le classement général du Tour de France avec le français Lapize qui prend la tête du tour devant le luxembourgeois Faber qui menait jusqu’à présent.
.
« Quarante cinq coureurs ont quitté Nantes hier matin à quatre heure pour disputer la treizième étape du tour de France Cycliste Nantes/Brest (321 km). Les arrivées ont eu lieu dans cet ordre : 1er en 11 heures’ : Guarrigou sur bicyclette Alcyon et pneumatique Dunlop, 2ème Maitron, 3ème Ernest Paul, 4ème Vanvouwaert. Au total, 45 coureurs au départ de l’étape. Par suite de ce classement, Lapize sur bicyclette Alcyon devient leader du classement général avec 63 points devant Faber qui avait été leader jusque là avec 64 points. »
.
Vendredi 29 juillet 1910 : Le revirement de la presse nationale
.
Affaire Rochette : Conséquence directe des témoignages de la veille ou article téléguidé, toujours est-il que le « Petit Parisien » met en doute les buts et probités de la commission d’enquête parlementaire : « Avec le désir très louable de servir la cause de la vérité, la Chambre a institué une commission d’enquête dont les travaux ne répondent décidemment pas aux espérances qu’on avait conçues. On s’en est surtout aperçu hier : les interminables explications fournis par les témoins ont semblés, le plus souvent, dénués d’intérêts et l’un des membres de la commission a pu les qualifier ainsi : « c’est le roman chez la portière ». Si l’œuvre de la commission n’était qu’inutile, ce ne serait pas très grave mais elle peut être très mauvaise. Il n’est pas sans danger de soumettre les plus hauts déposiatires de la loi au contrôle de certains témoins notoirement tarés, d’attacher une égale importance aux déclarations des uns et des autres, de jeter le trouble dans les consciences et d’amoindrir ainsi l’effet salutaire des condamnations prononcées contre ceux qui ruinent l’épargne publique. »
.
Comme par hasard, une telle charge survient moins de vingt quatre heures après que la commission ait appris que la plainte initiale était soutenue non seulement par le procureur de la République mais téléguidée par le principal concurrent de Rochette , principal banquier de la République.
.
Villejuif : La presse annonce la reprise partielle des activités dans de nombreuses briqueteries de Villejuif. Dans un soucis d’apaisement, la justice libére Louis-Gabriel Didtoch, le briquetier accusé d’avoir saboté la briqueterie Leblanc.
.
Invention : Rudyard Kipling, l’auteur du « livre de la jungle », y va de sa petite invention, en l’occurrence un costume « pneumatique » pour les aviateurs. « L’appareil comprend une sorte de casque et divers bourrelets destinés à protéger la nuque et la tête de l’aviateur. Ces organes, ainsi que d’autres appelés à défendre la poitrine et le bassin sont en caoutchouc gonflés d’air à la façon des pneumatiques. L’ensemble est léger et selon toute vraisemblance serait efficace en cas de chute. Il est à souhaiter que l’invention de Rudyard Kipling soit prochainement expérimentée. »

Samedi 30 juillet 1910 : Espagne – Vatican : crise diplomatique
.
Affaire Rochette : La Commission d’enquête ajourne ses travaux et annonce d’ores et déjà qu’elle les reprendra début octobre avec la nouvelle session parlementaire. Toutefois, avant cet ajournement, elle reçoit les derniers témoins, en l’occurrence un commissaire aux comptes, Mr Prevert, et Mr De Plas, un publiciste qui a porté plainte contre Rochette.
.
Accident : Deux trains de voyageurs rentrent en collision en gare de Sablé suite à une erreur d’aiguillage mais n’occasionnant, par chance, que des blessés légers à l’exception de l’un des cheminots qui conduisait l’un des deux trains et qui est, lui, grièvement blessé.
.
Diplomatie : L’ambassadeur espagnol auprès du Vatican est rappelé par Madrid à la suite de la rupture des négociations entre les deux états concernant les droits reconnus par le gouvernement de Madrid aux autres cultes et sur la restriction du nombre des congrégations. Le décret sur la liberté de culte promulgué par Madrid et violemment combattu par Pie X est aussi au cœur des débats. Parallèlement à ce rappel, le gouvernement espagnol rejette les conditions imposées par le Vatican et annonce poursuivre sa politique de laïcisation.
.
Sécurité : les articles trouvés dans le « Petit Parisien » de ce jour démontre la violence de la société de l’époque qui n’a rien à envier à celle que nous connaissons aujourd’hui. Ainsi, au gré des huit pages du journal, on peut lire :
« Un tonnelier jaloux tue sa maitresse »
« Pour une bicyclette volée, un maçon tue son ami »
« Un débitant de boisson tire sur un ivrogne qui saccageait sa boutique »
« En pleine rue, un homme tente de s’empoisonner »
« Pris pour un cambrioleur, un laitier est tué son beau frère »
« Le crime sordide du bois de Boulogne »
« Un avoué assassiné en pleine rue »
« Les monstrueux forfaits d’une folle »
« Égorgé dans sa cuisine »
Une journée normale de la presse nationale en 1910 !
.
Tour de France : La plus longue étape du Tour de France 1910 se déroule aujourd’hui avec pas moins de 424 kilomètres à parcourir. Pour les quarante cinq cyclistes restant encore en course, la fin du calvaire approche puisqu’il s’agit de l’avant dernière étape.
.
« La quatorzième étape, la plus longue de toutes, du tour de France cycliste s’est disputé hier sur Brest/Caen par Morlaix, Saint Brieuc, Granville, Saint-Lô et Bayeux (424 km). Quarante cinq coureurs ont pris le départ à minuit. Les arrivées à Caen ont eu lieu dans cet ordre : 1er en 14 heures 35’ : Lapize sur bicyclette Alcyon et pneumatique Dunlop, 2ème Guarrigou à 3 minutes, 3ème Ernest Paul à quatre minutes, 4ème Faber. A la suite de cette épreuve, le classement général devient le suivant : 1er Lapize avec 63 points ; 2ème Faber avec 69 points, 3ème Guarrigou avec 86 points. Les coureurs se reposeront aujourd’hui à Caen et demain matin se remettront en ligne pour courir Caen – Paris par Rouen, leur dernière étape. »
.
Dimanche 31 juillet 1910 : L’ancêtre du code de la route
.
Diplomatie : L’ambassadeur espagnol au Vatican arrive à Madrid après une journée de voyage en train. Il y est accueilli par des membres du gouvernement venu pour montrer leur détermination. De son côté, le Vatican annonce que le Nonce apostolique en place à Madrid continuera à demeurer dans la capitale espagnole. « La rupture est le fait de l’Espagne et non du Vatican »
.
Aviation : A Stokel, près de Bruxelles, le pilote de monoplan Blériot, Olieslager, bat le record du monde d’altitude avec un vol à 1439 mètres de hauteur, « une altitude fantastique ».
.
Circulation : L’ordonnance sur la circulation dans Paris est signé par le Préfet Lépine et immédiatement affiché. Les parisiens peuvent ainsi découvrir les nouvelles règles de circulation dans la capitale :
« Article 1 : Le conducteur d’un véhicule quelconque (…)devra prendre, tant qu’il n’y a pas d’obstacle devant lui, la partie de la chaussée qui se trouve à sa droite même si le milieu de la chaussée est libre. (…) Après tout obstacle qui les aura obligés à se déporter sur leur gauche, ils devront reprendre immédiatement la partie de droite de la chaussée. (…) Dans tous les cas, les conducteurs devront doubler à gauche toutes les voitures à l’exception des tramways qui devront être doublé à droite.
Article 2 : (…) les conducteurs devront rouler à une allure modérée.
Article 3 : Les voitures devront être conduite au pas dans les rues étroites, dans les marchés, aux abords des écoles,
Article 4 : Sauf avis contraire, en cas de contre allées, les véhicules devront toujours prendre la contre allée de droite.
Article 5 : Pour stationner, un véhicule doit être dans le sens de la circulation, le trottoir sur sa droite.
Article 6 : Il est interdit de stationner à l’angle d’une rue, une distance de un mètre au moins devant exister entre l’avant du capot et l’alignement des immeubles de la rue transversale. »
.
Au total 28 articles qui formeront les bases de notre code de la route.
.
.


Aucun commentaire: