mardi 19 mai 2009

Positions iconoclastes des artistes anglo-saxons sur le téléchargement ?

.
Mardi 19 mai 2009 :
.
Commençons cette journée par une petite devinette : Quel est le point commun entre Robbie Williams, Annie Lennox, David Rowntree (Blur), Ed O’Brien (Radiohead), David Gray, Peter Gabriel, Fran Healy (Travis), Nick Mason (Pink Floyd), Verve, Craig David, Iron Maiden, Kaiser Chiefs, Kate Nash, Travis (et je pourrais en citer environ cent trente de plus) ?

.
Qu’ils sont britanniques est un premier élément de réponse. Qu’ils sont musiciens le deuxième. Le troisième est plus surprenant, surtout après avoir entendu les sirènes gouvernementales françaises et les prises de positions répétitives des chanteurs issus de ce coté-ci du Channel : tous ces chanteurs britanniques partagent la volonté manifeste de marquer leur refus de criminaliser le téléchargement sur Internet.
.
Alors, à ce moment de la devinette se pose une autre question : pourquoi ce qui est mauvais en France serait bon au Royaume-Unis. Je sais déjà que pour un peuple qui aime le rôti de porc à la confiture, question de « bon », cela laisse à désirer mais cela interpelle.
.
Et là, on aborde en fait un problème de fond qui met à jour les véritables enjeux de la criminalisation du téléchargement : la relation de l’artiste avec le Major.
.

Et sur ce sujet, les anglais sont à des années lumières devant nous. Ceux-ci expliquent calmement que la stratégie de l’industrie du disque n’est qu’un mouvement protectionniste et qu’il est illusoire de tenter de freiner un mouvement devenu mondial.
.
Pour ce dégager des Majors qu’ils trouvent trop monopolistes, les artistes anglais ont mêmes crées un organisme indépendant des maisons de disque chargé de porter leur voix, défendre leurs intérêts et surtout d’avoir un lien direct entre le public et les artistes.
.
Allant plus loin, les artistes britanniques clament que « télécharger n’est pas un crime » et qu’ils veulent se « ranger aux côtés du public, des consommateurs ». Ils argumentent en disant que « Les artistes devraient être détenteurs de leurs propres droits, et devraient décider à quel moment leur musique peut être utilisée gratuitement, et à quel moment ils devraient être payés ».
.
Rejetant les causes du développement du téléchargement illégal sur les Majors, ils enfoncent le clou : les Majors n'ont pas vu venir « la révolution numérique qui a balayé l’ancien modèle économique des années 60, et changé pour toujours les relations entre les artistes et les fans » ?
.
Car pour eux le vrai combat n‘est pas le téléchargement, combat qu’ils jugent dépassés, mais bel et bien les relations qu’ils entretiennent à la fois avec les Majors soucieuses de garder leur monopole, et avec un public de plus en plus exigeant.
.
La crise entre les Majors et les artistes anglais est telle que Radiohead, pour son dernier opus, « In Rainbows » s’est carrément passé de sa maison de disque traditionnelle. Les titres ont été mis à disposition du public sur un site de téléchargement dédié où chacun, après téléchargement ou commande de l’album au format classique, donnait au groupe la somme qu’il voulait. Outre un succès phénoménal, (3 millions d'albums vendus, dont 1,25 en format numérique), les sommes récoltés par Radiohead ont été nettement supérieure à celle qu’ils auraient pu espérer par le biais d’un réseau classique impliquant les Majors.
.
Autre exemple, venu cette fois-ci d’outre atlantique : un grave différent oppose l’une des Majors les plus puissantes, EMI pour ne pas la nommer, au producteur et DJ, Danger Mouse. Le différent porte sur l’usage de certains droits d’auteurs liés aux Beatles et au fameux « White album » et l’avant dernier album qu’EMI ne diffuse pas est mis en téléchargement libre sur internet par Danger Mouse.
.
Le différent n’étant pas apaisé, lorsque le nouvel opus, opus réalisé en collaboration avec David Lynch et des invités aussi prestigieux qu'Iggy Pop, Franck Black, Julian Casablancas (The Strokes) ou Nina Persson (The Cardigans), est sur le point de sortir sous forme d'un album collector comportant un portfolio de 100 pages signé de David Lynch., EMI refuse purement et simplement de le commercialiser.
.
Danger Mouse a donc une nouvelle fois choisi une réponse innovante : il a tout simplement sorti le livret de photos accompagné d'un CD… vierge. Sur le disque, cette mention : «Pour des raisons légales, le CD-R joint ne contient pas de musique. Utilisez-le comme bon vous semble». Un appel à peine voilé au téléchargement illégal. L'artiste a d'ailleurs expliqué dans un communiqué: « Danger Mouse reste extrêmement fier de Dark Night of the Soul et espère que le public qui aura la chance de l'écouter, par tous les moyens possibles, sera aussi enthousiaste que lui-même l'es t».
.
Quand on voit ces diverses prises de positions anglo-saxonnes, les exemples de plus en plus fréquents d’artistes en conflit ouvert avec leurs maisons d’éditions, on peut se poser la question de connaitre la véritable raison de la frilosité des artistes français.
.
C’est là aussi qu’intervient pour beaucoup la différence de mentalité entre les deux rives du Channel. Les artistes anglo-saxons prônent beaucoup plus les valeurs de la scène à l’inverse des français, plus studios.
.
Pour un anglais, le studio est la partie créative de l’artiste mais la scène est considérée par eux comme véritablement l’outil primordial de leur gagne-pain. Ils défendent aussi une idée, pertinente pour eux, iconoclaste pour un français, qu'en laissant se propager leur musique gratuitement à travers le monde, c'était le meilleur moyen de l'imposer. Il est intéressant d’ailleurs de noter que les artistes anglo-saxons les plus téléchargés sont aussi ceux qui font le plus de tournées et le plein des salles à chaque date de concert. La circulation de leur album gratuitement sur le Net ne semble pas altérer les revenus ou le succès de gens comme Peter Gabriel, grand adepte du téléchargement gratuit par exemple.
.
Enfin, que penser de la déclaration de l’un de nos plus grand rocker, Jean-Louis Aubert, l'ex-leader du malheureusement défunt Téléphone ? Il a expliqué que pour lui, c'est en faisant de la scène qu'on doit gagner sa vie. Le disque, à son sens, pourrait même devenir un support gratuit pour inciter les gens à aller voir les artistes sur scène. Le concert complet pourrait être mis sur CD et DVD et commercialisé à un bas prix qu'après la fin de la tournée.
.
Mais n’est-ce pas la vocation même d’un artiste de se produire sur scène ? Alors, comment réellement expliquer cette frilosité française ?

.

Peut-être à cause d’une raison simple : les artistes français ont-ils réellement le choix ? Entre un contrat non signé par les Majors et un revenu assuré ….
.
.

Aucun commentaire: