jeudi 14 mai 2009

Rosé de coupage : une bonne chose ?

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Jeudi 14 mai 2009 :
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Titre volontairement accrocheur car pour moi, le problème que rencontre actuellement la France avec ses producteurs de rosé met en exergue un problème propre à toute la filière viticole. Donc, mettons les choses au point tout de suite me concernant : je suis contre le rosé de coupage, crime hérétique à mon sens. Maintenant, vu la mondialisation actuelle, je me pose certaines questions où je ne suis pas sûr d’avoir la réponse.
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La région s’attaque au problème du rosé. Michel Vauzelle a réuni cette semaine tous les acteurs de la filière viticole pour définir une ligne de réponse à l’Europe. Pour ceux qui auraient encore une quelconque ignorance sur ce sujet capital, je rappelle que Bruxelles voudrait fabriquer prochainement le vin rosé par simple mélange de rouge et de blanc, contrairement aux méthodes traditionnelles qui ont fait la réputation et la richesse d'un grand nombre de viticulteurs provençaux.
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Mais il faut quand même remettre quelques pendules à l’heure quand on entend certaines bêtises d’un sacré « tonneau ».
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Tout d’abord, et avant toute chose, le savoir faire des viticulteurs français n’est pas du tout usurpé quand on sait la somme de travail depuis des décennies pour transformer un breuvage mal de tête garanti en vin reconnu dans le monde entier
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Ensuite, la situation de la France sur dossier, le c*** entre deux chaises comme on pourrait le dire, est la conséquence directe de l’inconséquence gouvernementale. C’est Michel Barnier en personne en tant que ministre de l’Agriculture en exercice qui a donné le feu vert de la France en commission pour que cette sombre alchimie soit autorisée en Europe. Fin janvier, lors de la discussion européenne sur "l'évolution des pratiques œnologiques", il était bien écrit dans le projet que l'on pourrait à l'avenir fabriquer du rosé par coupage de rouge et de blanc. Et, je le rappelle encore une fois, les représentants français ont approuvé ce texte.
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Troisième point de réflexion, si les viticulteurs provençaux poussent des cris d’orfraies justifiés, je ne garantie pas du tout que les autres régions comme, au hasard le Languedoc (et plus particulièrement l’Hérault), soient totalement opposées à une telle mesure. Ce type de vin leur permettrait d’écouler à l’exportation l’énorme surproduction chronique de certaines régions et se replacer dans un marché ou le rouge est en perte de vitesse.
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La France est l’un des seuls pays du monde à avoir la culture du rosé dit « traditionnel ». La plupart des grands pays producteurs de vins fabriquent leur rosé à base de coupage, que ce soit l’Australie, le Chili l’Afrique du Sud ou, bien entendu, l’Italie.
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Puisqu’on parle de ces grands pays producteurs de vins qui sont aussi de grands exportateurs de vins à destination de grands pays amateurs comme la Chine, les Usa ou le Japon, un constat alarmant s’impose : Ils taillent des croupières aux exportations françaises. Et je suis bien placé pour le constater. Les exportations de vins français sont en baisse constante depuis deux ans tandis que les exportations de vins italiens ou espagnols sont eux au mieux au stable, au pire en légère hausse. Pour 100 conteneurs de vins qui sortent de France, c’est deux cents conteneurs qui sortent d’Italie ! Et pourtant, on connait en France la réputation que traine la production de vin italienne …
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Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’à l’inverse des exportations de rouge dont on peut parler d’écroulement des ventes, les vins rosés sont les seuls à avoir une progression dans leurs ventes à l’étranger.
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Les raisons de ce début de désaffections vis-à-vis des étrangers sont bien connues de tous. La France veut les ignorer mais, à un moment donné, il faudra bien se résoudre « à prendre le taureau par les cornes ».
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Et je le dis tout de suite : la crise, l’Euro fort ou les résolutions diverses de l’Europe ne sont pas la raison première et principale de cette désaffection de nos vins à l’étranger. Il faut plutôt aller chercher des explications dans la complexité des appellations rendant peu visibles les bons vins, dans la complexité des étiquettes qui rend les cépages quasiment invisibles (alors que les américains par exemple, avant d’être amateurs de Bordeaux ou de Bourgogne, sont amateurs de cépages, de Syrah, de Cabernet, etc.), dans la trop grande inégalité de qualité entre vins d’une même appellation rendant l’achat d’une bouteille identique à la loterie, et enfin dans la culture française peu encline à se remettre en question, surtout lorsqu’on parle de quelque chose assimilé au patrimoine national dans l’inconscient collectif.
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La défense de notre rosé « traditionnel » est une nécessité impérieuse mais elle passe aussi par une remise à plat des règles concernant l’ensemble du monde viticole si la France veut rester un pays à la pointe de la viticulture et « le » pays du vin.
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