vendredi 17 juillet 2009

L’affaire Kid Francis

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Vendredi 17 juillet 2009 :
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Vendredi, jour réservé à l’histoire locale : Aujourd’hui, l’histoire du championnat de boxe organisé à Marseille le 12 juillet 1932 entre « Kid Francis » et « Panama Al ».
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Dans les années trente, le sport-roi est sans conteste la boxe. Bien évidemment, la pègre marseillaise ne peut ignorer ce phénomène qui ne peut que rapporter de l’argent si on sent bien le vent.
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Des deux seigneurs qui règnent sur la cité marseillaise dans ces années là, c’est François Spirito le passionné de boxe, d’autant plus que son propre cousin est un boxeur prometteur de la catégorie des « coqs ». Il se fait appeler « Kid Francis » mais son vrai nom est Francis Buonaugura.
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En janvier 1930, François Spirito lance son poulain en organisant un premier combat mettant aux prises son champion avec un faux boxeur américain, Georges Mack, qui n'était en fait qu'un amateur recruté sur les quais de Marseille. Après cette victoire facile, la carrière de Kid Francis est lancée et le jeune boxeur devient rapidement le chouchou du public marseillais avant de devenir champion de France des poids coqs.
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Au début de l’année 1932, la carrière de « Kid Francis » est à un tournant. Il revient d’une tournée triomphale en Amérique du Sud et sa popularité est énorme à Marseille. François Spirito qui continue à le « manager » pense qu’il est temps de s’attaquer au titre de champion du monde des poids coqs. En choisissant bien l’adversaire et en organisant le combat à Marseille, rien ne peut empêcher son poulain de gravir l’olympe des boxeurs et lui de remplir ses caisses.
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Avec l’aide du si influent « Petit Marseillais » de Bourrageas, François Spirito et son acolyte Paul Carbone organise le Championnat du Monde qui verra « Kid Francis » affronter le champion en titre, « Panama » Al Brown, un américain, grand boxeur noir, par ailleurs ami très cher de Jean Cocteau.
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La France entière a les yeux tournée vers Marseille. Elle espère qu’un autre champion du monde va venir rejoindre les deux autres qu’elle possède déjà en la personne du jeune tunisien Young Perez (Mouche) et de Marcel Thil (Moyens). Mais si le public est confiant, les journalistes sportifs sont plus dubitatifs. Ainsi, Robert Guerin, journaliste parisien, écrit dans les colonnes d’Ouest-Eclair : « Va-t-elle en compter une troisième demain soir (…) ? On peut en douter »
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Ce jugement est d’autant plus prémonitoire qu’Al Brown arrive tout droit d’Italie où, il vient d’être battu par l’italien Tamagnini. Mais laissons de nouveau la parole à Robert Guerin à propos de ce match organisé à Rome : « Mais ce match était pour de la frime : poids libre, pas de championnat, et courtoise envers le public qui n’admet pas sur son territoire qu’un boxeur transalpin puisse être cogné »
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Concernant le futur combat marseillais, Robert Guerin prophétise : « L’enthousiasme déferlera. Les 9/10 du public verront le Kid gagner et quand on proclamera Al Brown vainqueur, ils feront le chahut. C’est très couleur locale. » Robert Guerin n’était pas loin de la vérité mais il s’était trompé sur l’ampleur du chahut !
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Le combat a lieu le 12 juillet 1932 à 19 heures. Le ring est installé au milieu de la piste des Arènes du Prado, des Arènes affichant complets depuis longtemps. Douze mille spectateurs et on a même refusé des places. L'ambiance est digne de celle d'une corrida !

Les trois juges ont été désignés par la fédération internationale de boxe. Il s’agit de l’américain Sparks, du français Chavannes et l’italien Lomazzi qui fait office de premier arbitre.
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Au quinzième round, aucun des deux boxeurs n'a encore mis un genou à terre. L'arbitre consulte les points notés par les juges. Aux points, Al Brown est clairement vainqueur mais l’arbitre italien hésite en voyant la salle où la tension monte. Pour elle, seul un marseillais peut gagner.
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Seulement, la foule fait pression, une pression énorme. Peu à peu, la manifestation du public tourne à l'émeute. Les chaises volent et l'arbitre prend peur. Il s'affole et, prit de panique, prend la fuite.
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Le deuxième arbitre s'apprête à monter sur le ring mais François Spirito intervient et le menace, « amicalement ». Toutefois, cet arbitre décide malgré tout de déclarer Al Brown vainqueur. Alors qu’il monte sur le ring, envahi par le public, il est pris à parti par la foule et roué de coups. Resté à terre, le second arbitre roule sa feuille de pointage et l'avale.
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Finalement, sous protection policière, le troisième arbitre proclame la victoire de Kid Francis pour calmer les spectateurs. En vain !
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Des revolvers sont brandis, des coups de feu tirés en l'air. La foule veut la peau du noir-américain Al Brown. Ce dernier ne devra son salut qu'à la puissance de ses jambes qui lui permettront de fuir in extremis.
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A l'arrivée, la Fédération de Boxe rétablira la victoire d'Al Brown.. Peu importe pour Paul Carbone et François Spirito, ce match historique leur a assuré une recette record.
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Quant à Kid Francis, découragé par sa défaite et les conditions de son dernier match, il abandonne la boxe et monte une salle de culture physique.
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