lundi 24 août 2009

Les Régions avant les Régions ...

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Lundi 24 aout 2009 :
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Dans la série des papiers de l’été, en ce début de semaine, histoire de se mettre en douceur dans le bain, comme annoncé, un petit papier historique avec cette fois-ci une tentative de régionalisation qui échoua.
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Penchons nous aujourd’hui sur une tentative méconnue de régionalisation soumise au Conseil national au printemps 1941. Et oui, après Henry IV et Sully qui envisagèrent d’instaurer une Communauté européenne, Le Maréchal Pétain et le régime de Vichy tentèrent une décentralisation qui rappelle celle que nous connaissons aujourd’hui.
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Le 11 juillet 1940, au lendemain même du vote de l’Assemblé nationale lui confiant le pouvoir, le Maréchal Pétain, dans un discours radiodiffusé, annonce son programme de gouvernement. Il y brosse à grands traits le programme qu'il entend appliquer. Même si l'expression n'existe pas encore, c'est tout l'esprit de la Révolution nationale qu'il expose ici : redressement de la France par le travail, encadrement de la jeunesse, sauvegarde des « disciplines familiales », etc. Il annonce surtout aux français son intention de créer une France des provinces :
« Des gouverneurs seront placés à la tête des grandes provinces françaises. Ainsi, l'administration sera à la fois concentrée et décentralisée. »
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L’idée sous-jacente est qu’à Paris, capitale hypertrophiée, au rôle prépondérant et omniprésent doivent faire équilibre des provinces revitalisées. Paris se trouvant en zone occupée et dans l’impossibilité d’imposer son aura, l’idée de provincialisation en sort donc renforcée.
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Au printemps 1941, le projet de régionalisation est débattu devant le Conseil national, sorte d’ersatz de parlement. Derrière le débat de fond apparaissent deux préoccupations immédiates : rendre plus efficace l’exercice du pouvoir coupé de la capitale et d’autre part répondre au risque d’annexion allemande à certaines régions.
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L’idéologie régionale est aussi un moyen de lutter contre l’idéologie républicaine classique fortement attaché à l’unité et à l’indivisibilité de la nation.
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Le projet final comporte donc dix huit provinces pouvant être classés en cinq grandes catégories :
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Catégorie I : les régions directement menacé par l’expansionnisme du IIIème Reich :
Flandre-Artois-Picardie autour de Lille
Lorraine-Champagne autour de Nancy
Bourgogne-Frane-Comté autour de Dijon
Bretagne autour de Rennes et Nantes
Val de Loire autour de Tours
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Catégorie II : les provinces à forte identité régionale :
Normandie incluant haute et basse Normandie autour de Rouen
Béarn-Gascogne-Pays basque autour de Pau
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Catégorie III : Les provinces créées en fonction des impératifs de ravitaillement
Languedoc-Roussillon autour de Toulouse
Bas Languedoc autour de Montpellier
Ile de France autour de Paris
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Catégorie IV : Les provinces à forts intérêts économiques
Rhône et Loire autour de Lyon
Provence autour de Marseille
Savoie-Dauphiné autour de Grenoble
Auvergne autour de Clermont Ferrand
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Catégorie V : Les autres provinces
Berry-Bourbonnais-Nivernais autour de Bourges
Guyenne autour de Bordeaux
Poitou-Charente-Vendée autour de Poitiers
Limousin autour de Limoges
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Enfin, la dernière province, une dix neuvième, est l’Alsace car la France espère bien la récupérer au terme des discussions du traité de paix.
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A la tête de chaque province, le projet prévoit la nomination par l’Etat d’un gouverneur qui disposerait d’une véritable administration régionale.
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Un conseil provincial de vingt à cinquante membres suivant la province doit être nommé par le chef de l’Etat à partir d’une liste proposée par le gouverneur. Ce conseil donne son avis sur les affaires de la province qui lui sont proposées, vote les dépenses, établit la répartition entre les départements et propose des actions aux gouverneurs. Il est par contre interdit aux provinces de lever impôts.

Au grand dam des adeptes de la provincialisation, nombreux à Vichy à cette époque, les départements subsistent et s’intègrent dans les provinces. Ce sont les préfets qui les géreraient sous l’autorité du gouverneur de province.
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Tout était prêt y compris la liste des préfets. C’est comme cela que l’ambassadeur André-François Poncet devait devenir le gouverneur de la Provence et Jean Bardoux (le grand-père de Valéry Giscard d’Estaing) celui de l’Auvergne.
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Ce projet se retrouve rapidement au cœur d’une tourmente politique où rivalités économiques et politiques se déchainent quand la lutte entre les ministères n’intervient pas. Le ministère des Finances et celui de l’intérieur voient d’un mauvais œil ce semblant d’autonomie à un moment où, au contraire, ils prônent une centralisation à outrance.
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Le projet est grandement torpillé quand le Ministre de l’Intérieur, Pierre Pucheu, crée les préfectures régionales en 1941. Le souci de réforme de l’Etat et de renforcement de celui-ci devant l’Allemagne nazi emporte la décision de mettre au placard cette réforme.
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Mais les débats ne vont pas être perdu pour tous le monde et serviront de base quelques dizaines d’années plus tard comme cadre d’une réforme que nous connaissons tous.
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