vendredi 14 août 2009

Marseille et ses pompiers dans la tourmente

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Vendredi 14 aout 2009 :
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Bon, après l’autosatisfaction de mon égo dans le papier publié ce matin (La Provence parle de moi !), reprenons le rythme normal des sujets de l’été avec, en cette fin de semaine un petit papier d’histoire locale marseillaise avec un bref rappel de l’incendie des Nouvelles galeries et les décisions politiciennes qui amenèrent à la création du Bataillon des Marins-Pompiers à Marseille. (Partie II de l’histoire des Pompiers à Marseille)
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A 14 h 30', le vendredi 28 octobre 1938, le drame des « Nouvelles-Galeries » frappe la ville de Marseille de plein fouet. Un incendie détruit en quelques heures le fleuron des magasins de la cité phocéenne, causant la mort de 75 personnes, entrainant la mise sous tutelle de la ville et amenant la dissolution du Corps des Sapeurs Pompiers de Marseille et la création du Bataillon des Marins-Pompiers.
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(Pour plus de précisions sur ce drame, voir mon étude sur mon site personnel :
http://pagesperso-orange.fr/mathon/, sous rubrique « Nouvelles-Galeries »).
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Dans cet après-midi de chaos total, les seuls qui donnent l’impression de surnager sont les Marins-Pompier venus de Toulon, menés par le capitaine Godard, et appelés par le Contre-amiral Muselier, commandant la Marine de la place de Marseille. Et ce professionnalisme, les politiques, Edouard Daladier Président du Conseil en tête, ne peuvent que s’en apercevoir
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Quand les politiques ont-ils pris la décision de dissoudre le Corps des Sapeurs-Pompiers de Marseille ? Probablement dès le 28 octobre, en cette fin d'après-midi, lorsqu'ils rencontrent le capitaine Godard qui leur fait une si brillante démonstration.
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Toujours est-il que dès le lendemain se tient à la Préfecture des Bouches-du-Rhône, une réunion sous la présidence du Ministre de l'Intérieur, Albert Sarraut, en présence du préfet des Bouches-du-Rhône, Graux, du maire de Marseille, Henry Tasso et de Mr Imbert, chef de l'inspection Générale au Ministère de l'Intérieur.
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Cette conférence dure deux heures et elle a pour objet la défense de la ville contre les risques d'incendie. Le Ministre est très préoccupé par la situation de la cité phocéenne. Il estime qu'elle est très vulnérable à cause du très grand nombre d'usines érigées en son sein, pour la plupart des usines d'huiles grasses. Il ne veut pas que les insuffisances auxquelles il a assisté la veille puissent se reproduire, surtout en période de guerre qu'il sait inévitable. Ils donnent donc des instructions très strictes pour que les études nécessaires soient effectuées sans délais et que l'on réalise au plus vite les transformations des services de secours.
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De retour à Paris, alors qu'Edouard Daladier effectue le remaniement ministériel qu'il a annoncé lors de son discours de Marseille, Albert Sarraut, qui a conservé son portefeuille de Ministre de l'Intérieur, s'inquiète des développements de l'enquête. Il n'a pas supporté la vision de l'incurie des services municipaux et encore moins celle des pillards. Même si plusieurs d'entre eux ont été arrêtés et si la faute peut être rejetée sur ces "étrangers indésirables", il sait que l'investissement de « l'hôtel de Noailles » et le pillage sous couvert de « sauvetage » des dossiers gouvernementaux sont l'œuvre de Simon Sabiani, leader provençal du nouveau parti populiste de Jacques Doriot, le P.P.F.
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En s'attaquant aux pompiers de Marseille, Albert Sarraut ne peut ignorer qu'il met en grande difficulté à la fois une municipalité socialiste et un corps de pompiers à la botte d'un Simon Sabiani, plus proche du grand banditisme et du fascisme, que de la démocratie prônée par les radicaux. En terme clair, il effectue une excellente opération politique.
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Le 31 octobre, alors qu'à Marseille le Conseil Municipal se déchire, à Paris, Albert Sarraut confère avec le commandant Benier des Sapeurs-Pompiers de Paris et Mr Imbert. Les deux hommes sont dépêchés dans la cité phocéenne avec des missions qui ne laissent planer aucun doute sur les intentions du gouvernement.
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Ainsi, le commandant Benier doit-il se préoccuper de la situation stratégique de la ville, prendre les mesures nécessaires pour éviter à Marseille une nouvelle catastrophe. Il doit plus particulièrement se rendre compte des insuffisances du matériel, vérifier l'entraînement des Sapeurs-Pompiers et contrôler l'administration du Corps. Quant à Mr Imbert, il doit déterminer la part des responsabilités administratives et vérifier les budgets des différentes municipalités marseillaises.
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Au vue des missions conférées aux deux hommes, Albert Sarraut envisage donc avec le plus grand sérieux la disparition du Corps des Sapeurs-Pompiers de la Ville de Marseille et commence à poser les bases d'un procès « municipal ».
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Le 24 décembre 1938, une commission de réorganisation du Corps des Sapeurs-Pompiers de Marseille est désignée sur décret par le gouvernement.
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Cette désignation s'appuie sur le texte d'un décret gouvernemental paru au Journal Officiel du 12 novembre 1938, soit quinze jours après l'incendie des « Nouvelles-Galeries ». Ce décret permet de créer auprès du Ministre de l'Intérieur (pour mémoire Albert Sarraut) une inspection technique permanente des Corps des Sapeurs-Pompiers des départements et des Communes. On peut aussi lire dans ce décret du 12 novembre 1938 :
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"Article 4 : Il peut être procédé, dans certains cas exceptionnels, à la réorganisation à la transformation et au renforcement de Corps de Sapeurs-Pompiers communaux et leur placement, sous le régime et le statut militaire, peut être décidé. Les condition de ces modifications seront déterminées par décret pris en Conseil des Ministres"
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Cette commission étudie successivement plusieurs pistes allant de la simple réorganisation administrative au remplacement pur et simple du Corps existant, s'appuyant sur ce fameux article 4. Elle va étudier à la loupe le fonctionnement du Corps des Sapeurs-Pompiers, ainsi que le contexte politique et économique l'entourant. Dans ses conclusions, elle ne va pas être tendre ni envers les différentes municipalités marseillaises ni envers le Corps même des Sapeurs-Pompiers.
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Après plusieurs mois d'atermoiement, c'est finalement la dissolution qui est décidée et le remplacement des Sapeurs-Pompiers par les Marins-Pompiers. Si la décision de dissolution a été relativement rapide, l'option de l'unité remplaçante a été plus longue à se dessiner, Albert Sarraut préférant que les Sapeurs-Pompiers de Paris s'installent à Marseille. Il faudra plusieurs semaines pour le dissuader de cette idée, somme toute très mauvaise. Finalement, les deux décrets-lois (dissolution et remplacement) sont publiés au Journal-Officiel, le 29 juillet 1939.
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Ainsi est décidée la création d'un bataillon des Marins-Pompiers à Marseille. Ce jour là, le Corps des Sapeurs-Pompiers de la Ville de Marseille a vécu.
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