mardi 4 août 2009

Quand le ministère de l’agriculture se prend les pieds dans le verger !

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Mardi 4 aout 2009 :
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L’été est favorable aux « marronniers », ces articles de presse cycliques qui reviennent immuablement chaque année en une des journaux comme les maillots de bain, les risques du bronzage, les vacances de nos gouvernants. L’été, c’est aussi la période où ces mêmes quotidiens emploient des stagiaires qui, soit traitent des « chiens écrasés », soit tentent de faire des coups médiatiques pour se faire connaitre, à moins que tout simplement leur fraicheur dans le métier leur permette de voir des choses que les vieux routiers ont ratés.
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Donc, depuis deux jours, c’est l’histoire des agriculteurs, encore eux, et de leurs aides financières qui fait la une de l’actualité. Il faut dire cette fois-ci, la somme incriminée est conséquente, près de 500 millions d’euros (338 millions d’aides et plus de 150 millions d’intérêts), et que l’Europe est au milieu de ce pataquès. Agriculteurs, Europe et dette, la somme des trois ingrédients est suffisante pour que les médias aient trouvé leur feuilleton de l’été !
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Mais je dois avouer que je suis assez surpris car cela fait sept ans que cette affaire traine de ministère en ministère, de gouvernement de gauche en gouvernement de droite. Sept ans que l’Europe demande des comptes à la France et sept ans que les technocrates français tentent de désamorcer cette bombe virtuelle. Depuis très exactement le 31 juillet 2002 quand, suite à une plainte, la Commission européenne a adressée une demande d’explication sur des aides non notifiées dans le secteur des fruits et légume
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Depuis sept ans, le feuilleton de ces aides circule dans les ministères et les desks des journaux au grès des réunions à Bruxelles, sans que cela émeuve vraiment ni l’opinion publique ni les médias. Je me rappelle il y a environ cinq ans, quand discutant sur une terrasse ombragée d’un bar du Velay avec un agriculteur de la région du Puy, par ailleurs représentant local de la FNSEA, celui-ci me mettait en garde sur le problème des aides françaises aux agriculteurs où l’Europe demandait des comptes.
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Donc, au cours de l’été 2004, les agriculteurs concernés étaient déjà au courant du problème et des risques encourus. Alors pourquoi attendre 2009 pour que cela éclate ? L’explication se trouve probablement dans le premier paragraphe de cet article.
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Mais qu’en est-il exactement de ce remboursement réclamé par l’Europe ?
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Entre 1992 et 2002, la France a versé via les comités économiques, des organisations rassemblant des producteurs et l'Oniflhor, l'Office national interprofessionnel des fruits, légumes et horticulture, établissement public rattaché au ministère de l'agriculture, des aides aux producteurs français de fruits et légumes.
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Ces aides, versées donc à des coopératives, ont servi à des « plans de campagne », des programmes destinés à améliorer le dynamisme des filières de fruits et légumes. Ce sont des organismes et non des producteurs nommément qui en ont bénéficié.
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Premier point bizarre de cette affaire : comment le ministre de l’agriculture peut demander individuellement le remboursement d’aide versé collectivement ?
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Deuxième point bizarre : La France semble donc découvrir qu’elle est en infraction alors même que les documents qu’elle a remis à la commission européenne prouvent le contraire. Dès la mise en place de ces aides, la confidentialité a été de mise et les rappels à la prudence réitérés. La France se savait en infraction avec la législation européenne et a tenté de cacher le plus longtemps possible cette bombe à retardement.
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Troisième point bizarre : La France a été victime d’une « plainte ». C’est écrit en toute lettre dans le rapport de la commission. Or, d’après la Tribune datée du 25 mars 2009 (il y a donc quatre mois de cela !), il s’agit de l’acte d’un producteur méridional qui, pour se venger à la fois de son éviction de la présidence d’un comité d’agriculture et de ses déboires financiers qu’il imputait à ses ennemis, a tout balancé à la Commission ! Une guerre des vergers franco-française a débouché sur cet imbroglio politique
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Mais là où le « grand guignol » commence à faire sa représentation, c’est que a notification de la Commission ayant été faite à la France le 28 janvier 2009, c’est à compter du 28 mars 2009 qu’elle aurait du présenter à Bruxelles le plan de remboursement. Nous sommes donc « un peu en retard » sur ce timing !
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Autre bizarrerie de cette affaire : pourquoi le Ministère de l’Agriculture, contacté par le jeune stagiaire du Parisien qui a fait éclater l’affaire dans la moiteur de l’été, a-t-il affirmé que « les agriculteurs vont devoir rembourser ! » ?
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L'objectif principal de la Commission Européenne reste l'application des principes de libre-concurrence. C'est pourquoi la Commission écrit dans son rapport – article 86 – que, « dans l'hypothèse où la France rencontrerait des difficultés imprévues lors de la récupération, il y a lieu de rappeler qu'elle peut soumettre ces problèmes à l'appréciation de la Commission. La Commission et l'État membre doivent, dans un tel cas, conformément au devoir de coopération loyale, exprimé notamment à l'article 10 CE, collaborer de bonne foi en vue de surmonter les difficultés dans le plein respect des dispositions du traité et notamment de celles relatives aux aides ».
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Donc, en vertu de ce paragraphe, la France pouvait non seulement continuer à négocier avec Bruxelles mais en plus éviter de mettre le feu aux poudres de l’agriculture dans un contexte morose où elle n’a pas vraiment besoin de cela. Si, suite à la condamnation, le remboursement de l’aide semble inévitable, ni les sommes réclamés, ni les moyens du remboursement, ni les personnes visées par cet article ne sont figés et peuvent donc encore évoluer.
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Pourquoi donc mettre aujourd’hui le feu aux poudres ?
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A méditer
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Lien internet vers la décision de la Commission Européenne :
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2009:127:0011:0020:FR:PDF
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Lien internet vers l’article du Parisien :
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2009:127:0011:0020:FR:PDF
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Lien internet vers l’article d’Arrêt sur image décryptant le scoop du Parisien :
http://www.arretsurimages.net/contenu.php?id=2218
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