vendredi 21 août 2009

Marins-pompiers à Marseille : quelle drôle d'histoire

.
Vendredi 21 aout 2009 :
.
Dans la série des papiers de l’été, en cette fin de semaine comme prévu un petit papier d’histoire locale marseillaise avec la troisième et dernière partie de la création du corps des Marins-Pompiers à Marseille.
.
Vendredi 7 aout 2009 : Partie I - Sapeurs-pompiers, un métier historique

Vendredi 14 aout 2009 : Partie II : Marseille et ses pompiers dans la tourmente

.
.
Comme nous l'avons vu précédemment, le sort définitif du Corps des Sapeurs-Pompiers de Marseille a été décidé par la Commission de Réorganisation, désignée par le gouvernement, le 24 décembre 1938. Cette commission étudia quatre pistes de travail avant de préconiser la dissolution du Corps des Sapeurs-Pompiers et le remplacement par les Marins-Pompiers. Les quatre pistes étudiées furent :
  • Réorganisation totale du Corps des Sapeurs-Pompiers municipaux. Cette solution sous entend aussi l'éviction des employés trop marqués politiquement.
  • Remplacement des municipaux par les Sapeurs-Pompiers parisiens. C'est la solution qui a le soutien du Ministre de l'Intérieur, Albert Sarraut
  • Réorganisation partielle du Corps existant mais la Marine Nationale prend en charge la défense du Port Autonome. Cette solution possède le grand désavantage de dissoudre la seule compagnie de municipaux qui peut soutenir la comparaison avec les Sapeurs-Pompiers parisien ou les Marins-Pompiers !
  • Remplacement pur et simple du Corps des Sapeurs-Pompiers par un Bataillon des Marins-Pompiers, bataillon à créer.

.
Six mois plus tard, le 29 juillet 1939, le Journal Officiel publie le même jour le décret entérinant la dissolution du Corps, ainsi que celui annonçant son remplacement par un Bataillon des Marins-Pompiers. Autant il est probable que la décision de la dissolution a été prise par Albert Sarraut sur les ruines encore fumantes des « Nouvelles-Galeries », autant on sait, par le témoignage des collaborateurs du ministre, que celle concernant l'unité de remplacement fut beaucoup plus longue à prendre, un détachement du Corps des Sapeurs-Pompiers de Paris étant même envisagé pour Marseille.
.
Dès que la décision de créer le bataillon fut connue, un premier et important problème se posa à la Marine Nationale. D'après le texte du décret, le bataillon marseillais devait compter dix sept officiers et cinq cent cinquante cinq hommes. Or, au même moment, dans tous les ports militaires du territoire, la Marine ne dispose que de trois cents Marins-Pompiers. Si l'on soustrait au cinq cent cinquante cinq hommes requis, les spécialistes nécessaires à la bonne marche du bataillon (fourriers, secrétaires, cuisiniers, etc.), la Marine se devait de trouver près d'un demi millier d'hommes !
.
Pour les officiers, la Marine procéda à de nombreuses promotions au sein même du Corps des Marins-Pompiers, en place dans les ports militaires. Pour les hommes, elle fit appel aux « Equipages de la Flotte » et principalement aux unités de Fusiliers-Marins. La mobilisation générale de septembre 1939 permit, de surcroît, de faire appel aux réservistes et atteindre ainsi l'effectif requis par le décret gouvernemental.
.
Ces nouveaux effectifs manquaient certes de connaissance technique mais rendaient, cependant, d'excellents services dans cette période de transition et d'aménagement des nouvelles infrastructures (casernes et postes). Car, paradoxalement, une des conséquences de cette réorganisation fut la création des casernes, demandée depuis des décennies par les différents chefs de Corps des Sapeurs-pompiers. Les Marins-Pompiers disposaient de la volonté gouvernementale et surtout de crédits, deux choses qui manquaient aux Sapeurs-Pompiers marseillais.
.
Le nouveau Bataillon fut placé sous les ordres du Capitaine de Frégate Orlandini. D'après ses souvenirs, il ne fut retenu qu'à cause de son nom aux consonances méridionales, pour éviter de heurter une opinion publique déjà très remontée par la mise sous tutelle de la ville.
.
Ne connaissant rien à son nouveau métier, le Commandant Orlandini reçut d'abord une formation succincte d'une quinzaine de jours au sein du Corps des Sapeurs-Pompiers de Paris, avant de gagner enfin la cité phocéenne. Dès son arrivée, il prit conscience de l'hostilité ambiante. Le 17 août 1939, se rendant à la Mairie pour se présenter à l'Administrateur Extraordinaire Surleau, il trouva la mairie en état de siége, gardée par un cordon de gardes-mobiles, les murs couverts d'affiches traitant l'administrateur de « Podestat » ou de « Gouverneur des Colonies3. La veille, l'administrateur Surleau avait dû faire face à une manifestation des employés municipaux, manifestation qui avait mal tourné.
.
La guerre allait changer les choses. Tout d'abord sur l’ambiance régnant dans la ville, en mettant en sourdine toutes les rancoeurs accumulées. Ensuite, sur les effectifs même du Bataillon des Marins-Pompiers. En effet, l’armistice de juin 1940 rendit disponible de nombreux marins et soldats, de tous grades et spécialités, dont beaucoup tentèrent de se reconvertir en Marins-Pompiers. Les demandes d’engagements affluant, une sélection sévère fut mise en place. Le Bataillon des Marins-Pompiers de Marseille devenait un corps d’élite.
.
Le Commandant Orlandini était secondé par un officier compétent et membre depuis longtemps des Marins-Pompiers, l’Officier des Equipages Godard, celui-là même qui dirigea le détachement toulonnais ce jour tragique du 28 octobre 1938. En 1944, passé à la défense passive, le Capitaine Godard trouva la mort lors du bombardement américain du 27 mai 1944.
.
Conscient qu’il faut trouver, dans un premier temps, un local pour loger ses Marins-Pompiers, le Contre-Amiral Muselier réquisitionne une usine désaffectée rue de Lyon. En effet, la Caserne de Strasbourg est toujours occupée par les Sapeurs-Pompiers. Cette usine désaffectée deviendra la « Caserne de Lyon ». Elle accueillera les premiers détachements de Marins-Pompiers, leur nouveau matériel et, temporairement, l’Etat-major du Bataillon.
.
Dès son arrivée à Marseille, le Commandant Orlandini se rendit à l’évidence qu’il ne pouvait se substituer du jour au lendemain aux Sapeurs-Pompiers municipaux. Effectifs et matériels étaient encore trop faible et, surtout, l’Etat-major se trouvait dans l’ignorance totale de la ville (topographie, ressource en eau, risques potentiels, etc.). Il était hors de question de faire opérer comme cela des hommes dans une ville inconnue.
.
Dans un tel contexte, il décida de conserver et de maintenir sa mission à la 3ème Compagnie des Sapeurs Pompiers (la fameuse Compagnie du Port). Les Marins-Pompiers prendraient peu à peu la place des Sapeurs-Pompiers, au fur à mesure de l’implantation de l’infrastructure nécessaire au nouveau bataillon.
.
Ainsi, le 1er octobre 1939, avec la mise en service de la caserne provisoire de Lyon et de la caserne de Louvain, les Marins-Pompiers prenaient en charge les secteurs Nord et Sud de la ville, en mai 1940 l’ouverture de la caserne Saint-Pierre, le secteur Est, le 1er juin 1940 avec le remplacement des Sapeurs-Pompiers de la Caserne de Strasbourg, le secteur Centre et enfin, en juillet 1940, la Compagnie du Port cédait sa place aux Marins-Pompiers
.
Le Corps des Sapeurs-Pompiers de la Ville de Marseille avait définitivement vécu.
.
Dès la création du Bataillon, celui-ci dispose d'un matériel performant dont peu de ville dispose à ce moment là. On est bien loin de la pénurie et de la pauvreté dans lesquelles se trouvait plongé le Corps des Sapeurs-pompiers de Marseille.
.
Ce matériel est arrivé progressivement à Marseille à compter du mois d'août 1939, la première commande ayant été passée par la Marine Nationale en décembre 1938, la deuxième durant l'année 1939. Il s'ajoutera aux différents matériels récupérés à l'ancien Corps des Sapeurs-Pompiers, dotant ainsi la ville d'engins de premiers ordres.
.
Dans la matinée du 1er juin 1940, le Commandant Orlandini s’installait dans son nouveau bureau de la caserne de Strasbourg. Le jour même, le bataillon subissait son baptême du feu, au propre comme au figuré. Les bombes allemandes tombèrent ce jour là sur la ville lors du premier bombardement que subit Marseille durant la Seconde Guerre Mondiale.
.
Le bombardement, très précis (à l’inverse de celui du 21 juin 1940 fait par les italiens ou de celui du 27 mai 1944 par les américains), fit trente deux morts et soixante blessés. Il atteignit le grand gazomètre, les hangars du mole A, les paquebots "Chellan" et "Oxford", endommagea le bateau-pompe "Alerte".
.
Les Marins-Pompiers venaient de trouver là leurs premières missions.
.
.

Aucun commentaire: